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prospèrent sans cesse, et leur faveur augmente auprès du travailleur. Si certains d'entre eux se sont élevés, c'est bien certainement grâce à l'épargne, qui leur a donné la première mise de fonds, le travail et l'instruction s'étant chargés ensuite de la centupler.

Si l'ouvrier est malheureux, il doit donc la plupart du temps ne s'en prendre qu'à lui-même; il y a toutefois des cas où il est en droit de rejeter la responsabilité de sa misère sur autrui.

Il faut le reconnaître, certains patrons s'occupent activement d'améliorer la situation de leurs ouvriers, mais il en est d'autres et il sont nombreux qui considèrent l'ouvrier comme une simple machine. Ils oublient la solidarité qui doit exister entre les différentes classes sociales; ils oublient que l'ouvrier est la base du mouvement industriel, que sans lui les capitaux resteraient improductifs.

Il est odieux de voir un homme attaché à la surveillance d'une machine pendant douze à quinze heures; comparativement, son existence est plus pénible que celle des esclaves de l'antiquité.

La conscience se révolte lorsque l'on voit des femmes exécuter des travaux contraires à la dignité et à la faiblesse de leur sexe ou au-dessus de leurs forces; lorsque l'on voit des enfants contracter, dans des usines malsaines, le germe de maladies incurables.

Une loi récente vient de régler le travail des femmes et des enfants. La question était difficile à résoudre, surtout pour ce qui concerne l'homme adulte. Quant aux enfants, qu'il faut protéger contre l'exploitation de leurs parents et des patrons, et aux femmes qu'il faut éloigner de certains milieux pernicieux tant au point de vue hygiénique qu'au point de vue moral, la solution est intervenue.

Il est inhumain de forcer l'enfant qui n'a pas atteint l'âge

de 14 ou 15 ans à entreprendre un travail manuel; avant cette époque l'homme se forme, les fatigues, le labeur exagéré entravent son développement. Les travaux des mines. sont particulièrement nuisibles, les statistiques sont attristantes à cet égard.

Il importe que le maximum d'heures de travail soit réglé proportionnellement à l'âge, aux forces de l'individu; qu'il soit fait défense aux femmes et aux enfants de s'occuper dans des manufactures insalubres et d'entreprendre certains travaux.

Les usines devraient faire l'objet d'une surveillance sévère; elles devraient être impitoyablement fermées lorsqu'elles ne présentent pas toutes les garanties d'hygiène et de sécurité.

Certains pays ont fait des lois qui interdisent aux femmes et aux enfants tout travail pendant la nuit et pendant les jours fériés et les dimanches. Le repos dominical est nécessaire à l'ouvrier, et l'on ne comprendrait pas que certains esprits puissent le contester, s'ils n'étaient aveuglés par la passion politique. Il est vrai que si l'on enlevait à ces critiques les jours de repos qu'ils s'attribuent à eux-mêmes, ils ne tarderaient pas à changer d'avis.

La question des salaires présente également un très grand intérêt; le législateur belge l'a compris et a porté deux lois excellentes : l'une sur le mode de payement; l'autre sur l'incessibilité et l'insaisissabilité des salaires.

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Lors de l'enquête sur le travail instituée par un arrêté royal du 15 avril 1886, enquête qui a produit les meilleurs résultats, on s'était aperçu que le « truck », c'est-à-dire le payement des salaires en nature, était pratiqué dans certaines parties du pays, soit sous sa forme simple, soit sous l'un des multiples déguisements dont ce système a l'habitude de se couvrir.

Les inconvénients du payement en nature sont nombreux et néfastes pour l'ouvrier. Il fournit à certains patrons un moyen de fraude des plus faciles et qu'il est bien souvent presque impossible de découvrir.

La loi belge est fort sévère; il n'est pas douteux que bientôt le « truck » aura vécu en Belgique.

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Quant à la loi sur l'incessibilité et l'insaisissabilité des salaires, elle accorde aux ouvriers, à l'égard des salaires, des garanties analogues à celles accordées aux fonctionnaires et employés civils, aux officiers de l'armée et aux ecclésiastiques pour leurs traitements et leurs pensions.

En terminant, nous le répétons, le malaise des classes ouvrières est un fait constant, et il est une vérité qui ne demande pas une longue démonstration, c'est l'intérêt qu'ont les classes aisées à guérir le plus tôt possible la plaie dont est atteint, en ce moment, le corps social.

Il est de toute nécessité de s'étudier à rattacher à l'amour de la chose publique et au respect des choses privées ceux que les privations et les souffrances ont pu irriter contre l'ordre social.

Un demi-siècle s'est écoulé en vaines et stériles discussions politiques qui n'ont fait qu'irriter les esprits et aggraver le mal.

En Belgique, le gouvernement actuel s'occupe activement de l'amélioration du sort des travailleurs, de nombreuses lois sont votées, d'autres sont à l'état de projet et ne tarderont pas à être discutées. Peu à peu l'ouvrier verra s'améliorer sa position; il doit avoir confiance dans l'avenir; on ne peut malheureusement d'un coup de baguette transformer l'état social de la classe si nombreuse et si intéressante, des travailleurs honnêtes et dévoués

LES

LOIS OUVRIÈRES ET SOCIALES

EN BELGIQUE.

La Caisse générale d'Épargne et de Retraite.

(Loi des 16 mars 1865 et 1er juillet 1869.)

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De toutes les institutions dont la science économique a doté l'humanité, «la caisse d'épargne » est certainement celle qui a produit les résultats les plus féconds.

L'ouvrier ne songe pas à l'avenir. Lorsque la prospérité règne, que le travail abonde et que le salaire est élevé, il lui semble que rien ne peut venir modifier cette situation heureuse; il oublie que les jours de chômage peuvent être proches, et que la maladie peut s'abattre sur lui et les siens.

L'épargne est nécessaire; seule, elle peut prévenir et soulager ces maux. Les ressources de l'Etat sont insuffisantes, la charité privée est impuissante et ses revenus s'égarent, hélas! trop souvent. D'ailleurs l'aumône humilie, irrite l'ouvrier et le démoralise. Le capital épargné lui

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