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lations qui ont conduit l'humanité au point où elle est. Elle nous explique l'histoire, en nous apprenant qu'une révélation est un but proposé aux hommes, que les nations sont comme des fonctions ou des tendances vers ce but, qu'elles périssent lorsqu'elles en sortent, qu'elles grandissent lorsqu'elles y sont fidèles.

Comment les incrédules ont-ils expliqué la supériorité incommensurable du révélateur sur les autres hommes? Ils ont dit qu'il avait du génie. Mais que doit-on entendre par génie? On ne nous l'a point appris. Ainsi ils ont donné une solution qui elle-même a besoin d'en recevoir une. Ils ont répondu à la question en la re. posant sous une nouvelle forme. Qu'est-ce en effet que le génie? Nos pères n'ont-ils pas eu grande raison de croire que c'était un don de Dieu, c'est-à-dire une force spéciale créée ainsi que toutes les forces, et que chez le Révélateur c'était Dieu lui-même présent à une ame humaine, et parlant par la bouche d'un homme. C'est un miracle, dira-t-on! mais le monde où nous vivons n'estil pas plein de miracles pareils? Est-il un véritable savant qui ne soit obligé de reconnaître que dans la moindre combinaison chimique, la moindre génération, il y a manifestation d'une force inexplicable dans l'essence, et qu'il faut bien considérer comme créée. Ni Copernic, ni Kepler, ni Van-Helmont, ni Descartes, ni Newton, ni Bacon, ni Bonnet, ni Cuvier, etc., n'ont jamais douté de cette vérité.

La vérité de la morale, la réalité de cette loi de rapports, est démontrée par l'expérience la plus étendue qu'il soit donné aux hommes de faire. Elle a conservé l'humanité, et l'a portée au point où nous sommes parvenus. Or, si cette morale était fausse, il n'en serait point ainsi. En effet, l'humanité est fonction de l'univers; si elle n'avait pas agi en masse, selon la loi de sa fonction, elle n'existerait plus. Or, elle existe et ce fait seul suffit à démontrer que la loi morale est l'une des lois fonctionnelles qui régissent l'univers.

La morale, comme nous l'avons longuement exposé, est le criterium universel et immuable que l'on doit invoquer aussi bien en politique qu'en philosophie, aussi bien dans la science que dans l'art.

Ainsi, il est d'une parfaite logique de conclure que lorsque l'on veut réorganiser la société, il faut faire appel à la morale et aller chercher les bases de la réédification dans cette loi générale des rapports qui unissent les hommes entre eux et avec tout ce qui n'est pas eux.

Par ce moyen, on ne tentera point une chose impossible, savoir, de séparer l'avenir d'une nation de son passé. Enfans d'une civilisation et de doctrines que nous n'avons point faites, usant d'une langue que nous avons apprise, nous ne viendrons point prétendre que des idées qui nous ont été enseignées ou qui ne sont que des conséquences des idées antérieures, ont été créées par nous, et par suite que nous pouvons, selon notre caprice, créer un monde tout à fait nouveau.

Dès qu'on sera placé sur ce terrain on comprendra quela morale est un but, et qu'il nous est donné aujourd'hui de faire seulement un pas de plus vers ce but; on saura enfin que le progrès dans la société humaine consiste uniquement à s'approcher de plus en plus du terme de perfection politique que nous offre la loi morale.

Arrivés à ce point, il ne s'agit plus que de sortir des terines abstraits dans lesquels nous nous sommes tenus enfermés jusqu'à ce moment et d'entrer dans les réalités: il suffit de nommer la morale chrétienne pour saisir le passé et deviner l'avenir. C'est sur le terrain de cette morale que se sont dévéloppées les nations modernes de l'Europe; c'est l'application de cette morale qu'elles demandent dans leurs désirs les plus exagérés, même au milieu

des désordres où, oubliant le nom de l'auteur, on ne cesse d'en invoquer les précéptes.

On a dit que cette morale était épuisée. Mais les prescriptions les plus claires et les plus simples de celles qui y sont contenues, sont loin d'être socialement réalisées. Elle commande entre autres aux hommes de se traiter en frères: où est la fraternité? elle dit que les hommes sont égaux: où est l'égalité? elle ordonne que le pouvoir appartienne au plus dévoué: est-il un lieu où cette loi soit réalisée? il est cent autres préceptes moraux qui ne sont pas encore sur le terrain de la politique; il en est enfin qui ne le seront qu'à la condition d'une perfection individuelle qu'il ne nous est pas encore donné de prévoir.

La morale chrétienne est la seule universelle, et la seule, disons-le, qui soit d'institution divine parmi les lois diverses qui règnent encore aujourd'hui sur le monde. Elle est universelle, parce qu'elle comprend tous les temps, tous les lieux, tous les hommes; parce qu'elle renferme en elle toutes les révélations antérieures, et les complète en les expliquant. Les réglemens moraux qui règnent ailleurs, n'ont d'autre valeur que celle qu'ils doivent à des emprunts ou des imitations plus ou moins imparfaites. Eile est la seule qui soit prociamée, par une majorité immense, être d'institution divine, car les réglemens divers qui gouvernent ailleurs sont aujourd'hui en réalité avoués être humains. Il serait facile de le prouver si l'on voulait pénétrer dans les dogmes panthéistiques qui immobilisent la civilisation dans les Indes, en Chine et chez les Mahométans. Aussi est-elle la seule qui ait fait une société progressive.

Trois espèces de religions reconnaissent aujourd'hui la loi chrétienne pour leur loi morale; les Protestans, les Grecs et les Catholiques. Les premiers ont proclamé la souveraineté de la raison individuelle en matière d'interprétation biblique. Ils ont

ainsi donné à chacun le droit de commenter le devoir et de choisir. Qui n'aperçoit en effet dans cette doctrine les vices que nous reprochions au système des Droits de l'Homme, savoir, un principe qui, loin d'unir les hommes, les sépare; un principe qui, loin de tendre à l'association, tend à la dissociation. Le protestantisme a donné naissance à une philosophie qui peut servir à le juger; il a engendré l'éclectisme moderne. Celui-ci donne comme principe premier, que le moi se pose avant tout; c'est-à-dire que l'individu doit se poser avant la société. Ce système a été et devait être une doctrine de désorganisation. Aussi ce n'est point là qu'il faut aller chercher les fondemens d'une réédification sociale.

La religion grecque est celle de l'empire russe. Le czar est le primat des Grecs. Or, outre que par une erreur de dogme ils séparent les temps passés des siècles appartenant à la civilisation moderne, ces peuples se sont soumis à un système politique complétement opposé à l'esprit chrétien. Le christianisme pose en principe que l'esprit est incessamment en lutte avec la matière, qu'il doit incessamment tendre à la subalterniser et ne jamais s'y soumettre; ou, en d'autres termes, que rien de chrétien ne peut se faire que par un sacrifice temporel. Au contraire de ce précepte fondamental, les Grecs ont consenti que le pouvoir temporel et le pouvoir spirituel fussent réunis dans la même main; en sorte que ce fût un intérêt temporel qui décidât des choses spirituelles; en sorte que les sacrifices matériels nécessaires pour accomplir l'avancement spirituel devinssent à jamais impossibles. Ils ont confondu deux puissances contradictoires et les ont ainsi annihilées l'une par l'autre. Par l'effet de cette erreur, la Russie est entrée dans une voie fatale. Le sort qui lui est réservé est celui qu'a subi l'empire ottoman.

Le catholicisme seul offre le complet de l'intelligence chrétienne. S'il s'agit de l'interprétation, il dit que c'est à l'Église tout entière qu'il appartient de décider. S'il s'agit de pouvoir, il dit que l'esprit et la matière sont séparés, et qu'ils doivent avoir chacun leur gouvernement; en sorte que l'esprit reste toujours libre de l'influence temporelle, et agit incessamment pour faire opérer la progression qui est fixée comme but.

La nation française est d'origine catholique. C'est par un acte catholique qu'elle a commencé; c'est elle qui a constitué le catholicisme en Europe; elle est la mère de la civilisation moderne. Aussi a t-elle été appelée la fille aînée de l'Église.

Lors même que dans là révolution dernière, elle ne nommait pas l'auteur des principes qu'elle proclamait, elle agissait d'une manière catholique. Sa doctrine de la souveraineté du peuple est une traduction de celle de la souveraineté de l'Église. A ses yeux comme dans l'Église, la liberté fut le droit de choisir entre le bien et le mal; l'égalité, la négation de tous les obstacles matériels de position, d'éducation et de naissance qui peuvent empêcher un homme de mériter ou de démériter librement; la fraternité fut le libre dévouement de chacun pour les autres; le pouvoir dut être un fardeau réservé au plus dévoué.

Les crimes qui souillèrent la révolution furent l'effet du matérialisme du dix-huitième siècle, et du philosophisme que la noblesse avait protégé et propagé. Les révolutionnaires eurent le tort, involontaire sans doute, de ne point accuser hautement l'origine chrétienne des principes que l'on proclamait. Ils les eussent ainsi rendus obligatoires pour tous et en même temps complétés. On se borna, au contraire, à poser des doctrines individuelles, ou des conclusions prétendues scientifiques, qui n'étaient que des occasions de discussion et non de croyance. A cause de cela, pendant la révolution il fut émis un grand nombre de principes, eť rien ne fut édifié, les négations mêmes qui tendaient à l'égalité furent si peu assurées, que Napoléon put impunément en effacer un grand nombre, entre autres celle de la noblesse héréditaire.

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