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de l'Europe, presque tous de différens cultes religieux, mais tous également attachés aux sages institutions qui les régissent.

Je ne décrirai point les fêtes que les citoyens de Lancastre offrirent à leur hôte et à leur ami, quoiqu'elles ne l'aient cédé ni en magnificence, ni en cordialité, à celles des villes les plus considérables de l'Union. Mais je ne veux point cependant passer sous silence les faits qui, par leur nature, peuvent servir à faire connaître l'unité de sentimens et de principes qui caractérise toutes les classes de la nation américaine; en conséquence, je rappellerai ici la démarche du clergé de toutes les communions de la ville et des campagnes voisines, qui, à la nouvelle de l'arrivée du général, se réunit spontanément, et vint joindre ses patriotiques félicitations à celles des autres citoyens. La parole fut portée par le doyen des ministres religieux, au nom de toutes les communions, sans distinction de dénomination. Si je rapportais ce discours, il donnerait un nouveau poids à ce que j'ai avancé plus haut sur le caractère du clergé américain; mais il me suffira, je crois, de rapporter seulement le passage de la réponse du général, dans lequel cette opinion est exprimée avec une force et une précision qui ne laissent aucun doute sur sa conviction.

« Je reçois,» répondit-il, «< avec une profonde >> reconnaissance, les témoignages d'estime et de

>> bonté que les ministres de la religion, dans >> cette ville et les lieux environnans, ont bien >> voulu me donner, et que vous m'exprimez, >> monsieur, d'une manière si touchante. Dans >> mon heureux voyage, j'ai souvent eu l'occasion » d'observer la vénération qu'inspire le clergé de » toutes les dénominations, dont les membres, >> apôtres des droits de l'homme, sont les organes toujours conséquens d'une religion ordinaire» ment fondée sur les principes de liberté et d'é>>> galité, et sur l'élection des ministres évangé>>liques par le peuple. >>

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En quittant Lancastre, nous nous rendimes à Port-Déposite, sur les bords de la Susquehanna, où nous trouvâmes une députation de Baltimore, avec laquelle nous nous embarquâmes pour nous rendre dans cette dernière ville. Chemin faisant nous visitâmes le Havre-de-Grâce, petit bourg situé au point où la Susquehanna se jette dans la baie de la Chesapeak. Nous ne nous y arrêtâmes que quelques heures, et nous continuâmes notre navigation que le beau temps favorisa, et qui fut abrégée encore par les plaisirs que nous goûtâmes à bord. Du haut de notre navire nous voyions se déployer sous nos yeux les belles plaines et les riches coteaux du Maryland; nos compagnons de voyage, pressés autour de Lafayette, lui montraient au loin les champs dans lesquels il combattit autrefois pour leur indépendance, et de

distance en distance, sur le rivage, sur le rivage, des groupes de citoyens attirés par le bruit des airs nationaux qui retentissaient à notre bord, témoignaient, par de fréquentes acclamations, la joie que leur faisait éprouver la présence du fils adoptif de • leur patrie.

Le soleil était déjà couché depuis long-temps lorsque nous arrivâmes à l'embouchure de la rivière Patapsco, et ce ne fut qu'à minuit que nous abordâmes les quais de Baltimore. Malgré cette heure avancée, un grand nombre de personnes attendaient l'arrivée du navire, et à son débarquement, le général Lafayette se trouva au milieu d'une foule amie. Mais au moment où il mettait pied à terre, une affreuse lueur éclaira tout à coup le port, et au sud de la ville nous vîmes des flammes s'élever jusqu'au ciel... Aussitôt le cri sinistre: Aufeu! au feu ! retentit dans toutes les rues, et les citoyens effrayés se précipitèrent hors de leurs maisons. Jaloux de pouvoir offrir les premiers secours, nous laissàmes le général aux soins de deux membres du comité, qui l'emmenèrent malgré lui à l'hôtel qui lui était préparé, et nous courûmes de toute la vitesse de nos jambes vers le lieu de l'incendie; mais nous trouvȧmes que nous avions été devancés de beaucoup par quatre pompes qui déjà étaient en pleine activité; d'autres pompes arrivaient de toutes parts, conduites par de jeunes volontaires,

et prenaient place à côté des premières, et cela, avec une telle promptitude, que, quoique le feu eût éclaté dans un magasin de bois de construction, les flammes ne tardèrent pas à être maîtrisées, et peu après complétement éteintes. Réduits, malgré nous, au rôle de spectateurs inutiles, nous rentrâmes chez nous à deux heures du matin, pénétrés d'admiration pour le zèle et l'habileté des jeunes pompiers volontaires de Baltimore.

CHAPITRE XVI.

RETOUR A WASHINGTON. - CARACTÈRE DU NOUVEAU PRÉSIDENT. VISITE A L'EX-PRÉSIDENT DEVENU CULTIVATEUR ET JUGE DE PAIX. LE GOUVERNEMENT OFFRE A LAFAYETTE UN BATIMENT

DE L'ÉTAT POUR RETOURNER EN FRANCE.- PRÉSENS OFFERTS A BOLIVAR PAR L'INTERMÉDIAIRE DE LAFAYETTE. NOUVEL HOMMAGE DE LA VILLE DE NEW-YORK. — ADIEUX DU PRÉSIDENT A L'HÔTE DE LA NATION. DÉPART DE WASHINGTON-CITY. PASSAGE A BORD DE LA BRANDYWINE. - TRAVERSÉE. TÉMOIGNAGES D'ATTACHEMENT ET DE REGRETS DES MARINS DE LA BRANDYWINE A LAFAYETTE.-RÉCEPTION AU HAVRE.-QUELQUES HEURES A ROUEN. - RÉCEPTION DE LAFAYETTE A LA GRANGE PAR LES HABITANS DE SA COMMUNE.

APRÈS avoir pris deux jours de repos à Baltimore, nous partimes pour Washington-City. Le général Lafayette désira qu'aucun appareil ne marquât son départ, et les citoyens, toujours empressés à satisfaire ses désirs, se contentèrent de venir le soir recevoir ses adieux et lui offrir l'expression de leurs regrets. Cette cérémonie dura plusieurs heures, et laissa dans nos cœurs l'empreinte d'une profonde mélancolic. Le 1. août nous nous mêmes en route avec deux membres du comité de la ville. A quelques milles de Washington, nous rencontrâmes une voiture élégante

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