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DES PONTS-ET-CHAUSSÉES

ET DES MINES.

Edit du Roi, du mois d'octobre 1666.

Louis, par la grâce de Dieu, Roi de France et de Navarre : A tous présens et à venir, SALUT. Bien que la proposition qui nous a été faite pour joindre la mer Océane à la Méditerranée par un canal de transnavigation, et d'ouvrir un nouveau port en la Méditerranée, sur les côtes de notre province de Languedoc, ait paru si extraordinaire aux siècles passés, que les princes les plus courageux. et les nations qui ont laissé les plus belles marques à la postérité d'un infatigable travail, aient été étonnés de la grandeur de l'entreprise, et n'en aient pu concevoir la possibilité; néanmoins, comme les desseins élevés sont les plus dignes des courages magnanimes, et qu'étant considérés avec prudence, ils sont ordinairement exécutés avec succès; aussi la réputation de l'entreprise, et les avantages infinis que l'on nous a représentés pouvoir réussir au commerce la jonction des deux mers, nous ont persuadé que c'était un grand ouvrage de paix, bien digne de notre application et de nos soins, capable de perpétuer aux siècles à venir la mémoire de son auteur, et d'y bien marquer la grandeur, l'abondance et la félicité de notre règne. En effet, nous avons connu que la communication des deux mers donnerait aux nations de toutes les parties du monde, ainsi qu'à nos propres sujets, la facilité de faire, en peu de jours d'une navigation assurée, par le trajet d'un canal au travers des terres de notre obéissance, et à peu de frais, ce que l'on ne peut entreprendre aujourd'hui qu'en passant au détroit de Gibraltar, avec de très-grandes dépenses, en beaucoup de temps, et au hasard de la piraterie et des naufrages. Ainsi, dans le dessein de rendre le commerce florissant dans notre royaume par de si considérables avantages, et néanmoins ne rien entreprendre que dans la vue d'un succès certain, nous avons, après une discussion fort exacte des propositions qui nous ont été faites pour raison de construction du canal qui doit faire la jonction des deux mers, député des commissaires tirés du corps des gens des trois Etats de ladite province de Languedoc, pour, conjointement avec les commissaires présidens pour nous és-dits Etats, se transporter sur les lieux avec les personnes intelligentes et nécessaires pour la construction dudit canal, et nous donner leur avis sur la possibilité de l'entreprise : ce qui ayant été exécuté par lesdits commissaires avec beaucoup de circonspection et de connaissance, ils nous auraient donné leur avis sur la possibilité de l'exécution des

et

susdites propositions, et sur la forme et manière en laquelle la construction dudit canal pourrait être faité. Mais, pour agir avec plus de sûreté dans un ouvrage si important, nous aurions résolu d'en faire l'épreuve; et à cet effet, de faire tirer, par forme d'essai, un petit canal tranché et conduit par les mêmes lieux où la construction du grand canal est projetée. Ce qui aurait été si adroitement conduit, et si heureusement exécuté par l'application du sieur de Riquet, que nous avons tout sujet de nous en promettre avec certitude un fort heureux succès. Mais comme un ouvrage de cette importance ne peut être fait sans une dépense fort considérable, nous avons fait examiner en notre conseil les diverses propositions qui nous ont été faites pour trouver des fonds, sans charger nos sujets de nos provinces de Languedoc et de Guienne de nouvelles impositions, quoiqu'ils fussent plus obligés d'y contribuer, puisqu'ils en recevront les premiers et plus considérables avantages; et nous nous sommes arrêtés à celles qui nous ont paru les plus supportables et les plus innocentes, à l'exécution desquelles étant nécessaire de pourvoir: A CES CAUSES, autres considérations à ce nous mouvant, de l'avis de notre conseil, et de notre certaine science, pleine puissance et autorité royale, nous avons dit et ordonné, et par ces présentes signées de notre main, disons et ordonnons, voulons et nous plaît, qu'il soit incessamment procédé à la construction du canal de navigation et communication des deux mers Océane et Méditerranée, suivant et conformément au devis fait par le chevalier de Clerville, et par nous arrêté, ci-attaché sous le contre-scel de notre chancellerie; et qu'à cet effet l'entrepreneur puisse prendre toutes les terres et héritages nécessaires pour la construction dudit canal; ensemble pour les rigoles de dérivation, magasins de réserve, bords, chaussées, écluses; lesquelles terres et héritages seront par nous payés aux particuliers propriétaires, suivant l'estimation qui en sera faite par experts, qui seront nommés par les commissaires qui seront par nous députés. Seront pareillement les seigneurs particuliers des fiefs et justices dans le ressort desquels lesdites terres et héritages seront situés, par nous indemnisés des droits de justice et mouvance, et autres droits seigneuriaux qui leur appartiendront sur lesdites terres et héritages; comme aussi de toutes autres redevances, suivant pareille estimation, qui sera faite par experts et gens à ce connaissant: Quoi faisant, lesdites terres et héritages seront à perpétuité distraits de leurs fiefs et juridictions, pour en composer un fief. Et à cet effet, nous avons créé et érigé, et par cesdites présentes, créons et érigeons en plein fief, avec toute justice, haute, moyenne, basse et mixte, ledit canal de communication des mers, ses rigoles, magasins de réserve, leurs bords de largeur de six toises de chaque côté; chaussées, écluses et digues d'iceux, depuis la rivière de Garonne jusqu'à son dégorgement dans la mer Méditerranée; en ce compris le canal de dérivation, depuis la montagne Noire jusqu'aux pierres de Naurouse, sans en rien réserver ni excepter, relevant ledit fief et ses dépendances immédiatement de notre couronne, sous la foi et hommage d'un louis d'or, qui sera payé en chaque mutation, ès-mains du trésorier de notre domaine en la sénéchaussée de Carcassonne, avec pouvoir au seigneur possesseur dudit fief de faire bâtir et construire sur lesdits canaux un château et autres bâtimens

nécessaires pour son logement, avec tours et créneaux, et nombre suffisant de moulins à moudre blé: comme aussi de faire construire sur les bords dudit canal des maisons et magasins, pour servir de logement à ceux qui seront employés à la navigation, et pour l'entrepôt et sûreté des marchandises et denrées, à l'exclusion de tous autres, et aux lieux qui seront jugés propres, sans incommoder la navigation, ni porter préjudice auxdits ouvrages; desquels château, maisons, magasins et moulins, ledit propriétaire, ses héritiers, successeurs ou ayant cause, jouiront à perpétuité incommutablement et noblement, ensemble lesdits canaux, magasins de réserve et leurs bords, quittes et francs de toutes tailles et impositions ordinaires, extraordinaires, municipales, et de logement des gens de guerre. Et aura ledit propriétaire droit de chasse et de pêche dans ledit fief, à l'exclusion de tous autres; faisant défenses à tous nos sujets, de quelque qualité ou condition qu'ils soient, de faire construire aucuns bâtimens et magasins près les bords desdits canaux, de chasser ni aller à la pêche dans ledit fief, à peine de 500 liv. d'amende pour chacune contravention. Pourra pareillement ledit propriétaire, à l'exclusion de tous autres, établir sur ledit canal, aux lieux qu'il sera jugé nécessaire, des bateaux pour le transport, voiture et conduite des personnes, marchandises et denrées; révoquant à ces fins tous dons, concessions et permissions que nous pouvons ci-devant avoir accordées à aucuns de nos sujets; leur faisant défenses de s'en servir, à peine de 1000 liv. d'amende et confiscation desdits bateaux, sans que néanmoins les propriétaires puissent mettre le prix aux voitures, mais sera réglé par les commissaires par nous députés. Et pourra faire construire dans ledit fief des fourches patibulaires aux lieux qu'il jugera à propos. Aura ledit propriétaire la faculté de nommer et établir des officiers pour administrer la justice civile, criminelle et mixte dans l'étendue dudit fief, et pour la liberté de la navigation, commerce et conservation desdits ouvrages et à ces fins, d'établir en la ville de Castelnaudary, ou tel autre lieu qui sera trouvé plus commode, un siége de justice, qui sera composé d'un capitaine châtelain, d'un lieutenant, d'un procureur de seigneurie, et autres officiers, pour connaître et juger en première instance de tous différens qui pourraient naître, tant en matière civile, criminelle, 'que mixte, soit pour les dégradations et délits qui pourraient être commis en tous lesdits ouvrages, que de tous différends à raison de la navigation et perception des droits, lesquels châtelain et lieutenant pourront juger par provision des matières de leur compétence, nonobstant et à la charge de l'appel, jusqu'à la somme de 200 livres. Les appellations duquel siége seront relevées directement en notre cour de parlement de Toulouse, et traitées en la grand'chambre ou en notre cour des comptes, aides et finances de Montpellier, suivant la qualité des affaires ; et pour la conservation des ouvrages, et faire en sorte que la justice soit administrée aux justiciables avec plus de commodité, nous avons permis et permettons audit propriétaire dudit fief, d'établir deux lieutenans dudit juge châtelain, et deux procureurs de seigneurie dans les villes de Villefranche de Lauragais et de Trèbes, ou en tels autres lieux qui seront jugés nécessaires; lesquels ieutenans y feront leur résidence, administreront la justice, et tienfront la main à la conservation desdits ouvrages; lui avons aussi per

:

mis et permettons d'établir et entretenir à ses frais douze gardes poar veiller à la conservation desdits ouvrages et aux réparations qu'il y conviendra faire journellement; lesquels gardes porteront nos livrées, et pourront mettre à exécution tous mandemens et actes de justice qui concerneront ledit canal, dans toute l'étendue de notre royaume; ordonnons, en outre, que, par les commissaires qui seront par nous députés, il soit procédé, à la manière accoutumée, à la vente dudit fief et choses ci-dessus spécifiées, pour en jouir par l'adjudicataire aux droits ci-dessus déclarés, sans en pouvoir être dépossédé qu'en le remboursant de la finance qu'il aura payée, bâtimens, impenses, méliorations, frais et loyaux-coûts, en un seul et même paiement, sans aucun retranchement ni diminution, suivant les contrats d'adjudication et quittances, pour être les deniers qui proviendront desdites ventes, employés à la construction desdits ouvrages; et d'autant que, pour entretenir ledit canal de communication des mers, rigoles de dérivation, magasins, écluses et chaussées, en état de navigation, il est nécessaire de faire un fonds perpétuel et certain, non sujet à divertissement nous avons dit et ordonné, et par ces mêmes présentes, disons et ordonnons, voulons et nous plaît, qu'il soit pris et perçu à perpétuité un péage sur toutes les marchandises, denrées et autres choses qui seront voiturées sur ledit canal de communication; à savoir, six deniers pour chaque cent pesant des marchandises de valeur de cent sols le cent et au dessous; douze deniers pour chaque cent pesant de celles qui seront appréciées depuis lesdits cent sols jusqu'à trente livres vingt-quatre deniers pour chaque cent pesant de celles qui seront au dessus dudit prix pour chaque minot de sel six deniers, et pour chaque charge de blé douze deniers; pour chaque charge d'avoine, millet, orge et autres grains, six deniers; et pour l'ouverture de chaque écluse, cinq sols; le tout ainsi qu'il sera réglé et porté par le tarif et évaluation qui sera arrêtée en notre conseil. Pour sûreté duquel péage, voulons et ordonnons que tous ceux qui négocieront sur ledit canal, et conduiront les voitures des marchandises et denrées, paient ledit péage aux lieux où les bureaux de recette seront établis, à peine de confiscation desdites marchandises et bateaux, de cinq cents livres d'amende, et autres peines portées par les réglemens, contre ceux qui fraudent les droits de nos cinq grosses fermes; lequel péage sera levé à perpétuité en la forme qui sera prescrite par ledit tarif, sans pouvoir être augmenté ni diminué; ni autre droit établi sur le canal, pour quelque cause et occasion que ce puisse être. Ordonnons que par nosdits commissaires il soit procédé, en la manière accoutumée, à la vente dudit péage; l'acquéreur duquel sera chargé de faire faire à perpétuité toutes les réparations qu'il conviendra faire pour tenir ledit canal en état de navigation à ses frais, et de payer le salaire à ceux qui seront employés pour ouvrir les écluses; duquel péage et droits l'adjudicataire jouira, sa veuve, héritiers, enfans et ayantcause, à perpétuité, aux conditions susdites, sans en pouvoir être dépossédés, pour quelque cause et occasion que ce puisse être, qu'en les remboursant, en un seul et actuel paiement, de leur finance, frais et loyaux-coûts, pour être, les deniers procédans de l'adjudication, employés à la construction desdits ouvrages, sans aucun divertissement. Et sera, en outre, par nosdits commissaires, procédé à la re

vente des offices de regrattiers et revendeurs de sel à petites mesures créés et établis dans l'étendue de notre ferme des gabelles de Languedoc, par édits des mois de novembre 1576, mars 1598, juillet 1604, et autres. Comme aussi à semblable revente de pareils offices, qui ont été créés et établis dans l'étendue de notre ferme des gabelles de Roussillon, Conflans et Sardaigne, par notre édit du mois de décembre 1661, desquels offices les acquéreurs jouiront héréditairement, et des droits y attribués, tels et semblables dont ils jouissent présentement,. à eux attribués et réglés par les officiers des lieux, sans qu'iceux puissent être diminués pour quelque canse et occasion que ce puisse être. Et jouiront les pourvus desdits offices, ensemble ceux qui les prendront à ferme ou les exerceront par commission, des mêmes priviléges, exemptions, franchises et libertés accordées et attribuées aux pourvus desdits offices de regrattiers et revendeurs de sel', par les édits dé création, lesquels, en tant que besoin serait, nous les leur avons attribués et attribuons par ces présentes; lesquels acquéreurs seront chargés par nosdits commissaires de payer en un seul paiement, outre le prix de leur adjudication, à Mo Nicolas Langlois, fermier desdites gabelles de Languedoc, la somme de deux cent quatre mille huit cent quatre-vingt-dix-huit livres, à laquelle a été liquidée la finance et loyaux-coûts desdits offices de regrattiers dans l'étendue de ladite ferme des gabelles de Languedoc, par l'arrêt de notre conseil du 29 juillet 1665, dont ledit Langlois a fait le remboursement en exécution de l'article 78 de son bail, qui lui accorde la jouissance desdits. offices et la faculté de rembourser ladite finance; et qu'en outre ils paieront à Me Alexandre Belleguise, fermier de nos gabelles de Roussillon, Conflans et Sardaigne, la somme de treize mille livres pour le remboursement de la finance desdits offices de regrattiers établis en l'étendue de ladite ferme, à la charge par lesdits Langlois et Belleguise, ou leurs cautions, de remettre auxdits acquéreurs les lettres de provision et quittances de finances desdits offices, jusqu'à la concurrence des susdites sommes; quoi faisant, lesdits offices de regrattiers et revendeurs de sel à petites mesures, soient et demeurent distraits et séparés de nosdites fermes des gabelles de Languedoc, Roussillon, Conflans et Sardaigne, à perpétuité, sans qu'ils y puissent être remis pour quelque cause et occasion que ce puisse être, dérogeant pour ce regard aux articles des baux desdits Langlois et Belleguise; desquels offices et de leurs droits, les acquéreurs jouiront, ensemble de la faculté de rembourser la finance de pareils offices qui restent à rembourser dans l'étendue de notre dite ferme des gabelles de Languedoc, que nous leur avons accordés et accordons, pour en jouir héréditairement, eux, leurs enfans, héritiers et ayant cause, en vertu du contrat d'adjudication qui leur en sera faite par nosdits commissaires, et quittances des finances, sans qu'ils en puissent être dépossédés qu'en les remboursant en un seul paiement, tant de la finance qu'ils auront remboursée auxdits Langlois et Belleguise, et autres particu. liers, que de celle du prix de leur adjudication, frais et loyaux-coûts; et sans que lesdites finances puissent être augmentées, pour quelque cause et occasion que ce soit, pour commencer par les acquéreurs desdits offices, leur jouissance au premier d'octobre 1666; et en attendant ladite vente, voulons que le porteur des quittances de finance en

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