Page images
PDF
EPUB
[ocr errors]

CONSISTOIRE, f. m.

y avoit autrefois le Confiftoire des Empereurs, qui étoit leur confeil intime & fecret. Il y a encore le Confiftoire du Pape, qui eft auffi fon confeil. Il eft compofé des Cardinaux convoqués par le Pape qui y préfide.

Chez les Proteftans le Confiftoire eft un corps mêlé d'eccléfiaftiques & de laïcs refpectables, dettinés à veiller fur les mœurs, & principalement fur ce qui peut avoir rapport aux matieres nationales.

Le Pape tient deux fortes de Confiftoires ou confeils avec les Cardifavoir le Confiftoire public & le Confiftoire fecret le Confiftoire public eft celui dans lequel il reçoit les Princes, & donne audience aux Ambaffadeurs; le Pape y eft affis fur un trône fort élevé couvert d'écarlate; fon fiege eft de drap d'or; à fa droite font les Cardinaux Prêtres & Evêques; à gauche les Cardinaux Diacres : le Confiftoire fecret eft le confeil où le Pape pourvoit aux Eglifes vacantes, telles que les Évêchés & certaines Abbayes confiftoriales. Če Confiftoire fe tient dans une chambre plus fecrete, qu'on appelle la chambre du Pape gai: le fiege du Pape n'y est élevé que de deux degrés; il n'y refte avec lui que deux Cardinaux dont il prend les avis, que l'on qualifie de fentences.

En France les bénéfices confiftoriaux font les Archevêchés & Evêchés comme auffi les Abbayes qui font taxées dans les livres de la chambre apo tolique au deffus de 66 florins 3. On appelle ces bénéfices confiftoriaux, parce que les nominations faites par le Roi, font propofées en plein Confiftoire; ce qui s'entend néanmoins du Confiftoire fecret.

La cédule confiftoriale est un abrégé du rapport qui a été fait en Confifloire par le Cardinal propofant.

Ceux qui font nommés aux bénéfices confiftoriaux, font propofés au Pape en plein Confiftoire par le Cardinal protecteur des affaires de France, en préfence des Cardinaux qui font alors à Rome, auxquels il eft obligé de donner des mémoires la veille du jour qu'ils doivent entrer au Confiftoire. On explique dans ces mémoires le genre de vacance du bénéfice, le nom, furnom, qualité, & capacité de celui qui eft nommé par

le Roi.

Les bénéfices confiftoriaux font à la nomination du Roi. Le pourvu doit obtenir des bulles, & pour cela paie un droit d'annate. Ces bénéfices fe donnent en forme gracieufe, c'est-à-dire fans être obligé de fe préfenter à l'ordinaire, & fans être examiné. Ils ne peuvent être conférés par dévolution. Si l'incapacité du pourvu les fait vaquer, on ne peut les impétrer que du Roi. Ils ne font point fujets aux regles de chancellerie, à la prévention, aux gradués, ni autres expectatives.

Quoique régulièrement les abbayes confiftoriales doivent être propofées au Confiftoire, cependant le Pape s'en difpenfe fouvent, fur-tout lorfque ceux qui en doivent être pourvus ont quelque défaut d'âge, ou d'autre qualité & capacité requise, qui obligeroit les Cardinaux à refuser la grace demandée : en ce cas le Pape donne au pourvu des provifions par daterie & par chambre, avec dérogation expreffe à la confiftorialité; & il accorde les difpenfes néceffaires.

Il faut donc, pour expédier par Confiftoire, que le pourvu ait toutes les qualités requifes; car le Confiftoire ne fouffre même aucune expreffion douteufe, ni conditionnelle dans les provifions.

Quand les expéditions font faites hors Confiftoire & par la daterie, la fupplique eft fignée du Pape feul, & les provifions font expédiées en la forme des bénéfices inférieurs.

On prend fouvent la voie de la daterie plutôt que celle du Confiftoire, foit pour obvier au défaut de quelque qualité néceffaire, foit parce que l'on trouve de cette maniere plus de facilité pour l'expédition des provifions; car elle fe peut faire tous les jours par la daterie, au lieu que la voie du Confiftoire eft plus longue, le Confiftoire ne fe tenant que dans certains temps; mais il en coûte un tiers de plus pour faire expédier par la chambre. Voyez le traité de l'ufage & pratique de la cour de Rome de Caftel; tome 1. p. 54. & tome II. p. 207. & fuiv.

CONSPIRATEUR, f. m.

CONSPIRATION, f. f.

QUOIQUE les mots Confpiration & Conjuration semblent fynonymes,

cependant on les diftingue quelquefois, & la Confpiration femble être l'union d'un plus grand nombre de perfonnes pour former un complot, & la Conjuration l'union d'un moindre nombre. Ainfi l'on dit la Conjuration de quelques particuliers, & une Confpiration de tous les ordres de l'Etat. On dit la Conjuration de Venife & la Confpiration des Poudres.

Mon deffein eft de dévoiler ici l'efprit des Confpirateurs, de faire voir leur mauvaise foi & la noirceur de leur ame. Nous voyons arriver bien des chofes qui ne fauroient être juftifiées en aucune maniere; les unes font le résultat de l'ignorance, les autres de l'ambition, & d'autres l'effet de la trahifon. Des gens mal-intentionnés provoquent le peuple, en tâchant de lui rendre l'adminiftration odieufe. C'eft par-là que commencent ordinairement les Confpirations. Les plaintes & les murmures ont une grande influence fur le peuple ignorant, toujours prêt à blâmer des opéra

tions qu'il n'eft pas en état d'apprécier. On le trahit en lui témoignant de l'affection. La trahifon eft d'autant plus dangereufe à proportion qu'elle femble partir de perfonnes non fufpectes. Un ami n'eft jamais trahi plus furement, que par fon ami. Les cris des Confpirateurs contre les procédés du Gouvernement jettent l'alarme. Leur hypocrifie les fait paffer pour de juftes plaintes. L'incendie s'accroît, & ils ont bien foin d'en entretenir

le feu.

Tout homme de bien fera porté à condamner des projets injuftes, de quelque part qu'ils viennent; mais les Confpirateurs ne fauroient avoir bonne grace à condamner les mefures les plus iniques, en fuppofant même leur reffentiment fincere. Dans tous les temps les Confpirateurs ont foutenu & défendu avec beaucoup de conftance & de zele les actions les plus mauvaises & les plus odieufes commifes par ceux de leur parti, parce qu'ils y étoient portés par la paffion & l'efprit de faction, efprit cabaleur, injufte, & prêt à tout facrifier à l'envie de nuire. Ce n'eft ni l'amour de la patrie, ni le défir de concourir au bien-être général, qui les anime & qui dirige leurs démarches. Suivant eux le droit & l'injuftice, la religion & l'impiété ne réfident que dans le parti qu'ils époufent ou qu'ils combattent. Il n'y a point de démarche vile & indigne de tout homme de probité, à laquelle ils ne foient prêts de foufcrire aveuglément. Jamais de projet fondé fur la juftice contre lequel ils ne s'élevent, tant la paffion les tranfporte, & les aveugle. Tout dépendoit, pour mériter leur approbation ou leur blâme, de l'endroit d'où partoient ces démarches ou ces projets.

Dans aucun temps l'efprit de cabale ne fe manifefta mieux qu'en Angleterre en 1723. Mais quel étoit le but des Confpirateurs, complices du Docteur Atterbury? De piller & d'obtenir des emplois. Quel avantage la patrie retira-t-elle de leurs violences & de leur prétendu patriotisme ? Avant leur foulevement, l'Etat fe trouvoit dans une crife dangereuse, tout y étoit dans le défordre & la confufion les Confpirateurs remédierent-ils à ces maux accumulés? A-t-on vu qu'ils aient rétabli les principes de la propriété, le commerce ruiné ou perdu, l'agriculture anéantie? Au contraire l'Angleterre ne touchoit-elle pas au moment de voir avec effroi fes enfans armés les uns contre les autres, des légions nombreuses vomiffant la mort de leur fein, des batailles, des maffacres, une défolation générale, une terreur univerfelle, l'Anglois égorgeant fon frere, le pere maffacrant fes enfans; un Roi dépofé & peut-être même assassiné. Tels furent les effets que manqua de produire cette Confpiration fi vantée; car les Confpirateurs ne peuvent pas fuppofer qu'ils fuffent venus facilement à bout de chaffer de fon trône un Roi puiffant par le nombre des troupes qui lui étoient dévouées, par l'étendue de fes richeffes, par la multiplicité de fes créatures en Angleterre, & par fes alliances au dehors. Il eût fallu de toute néceflité en venir à une guerre civile, guerre d'autant plus cruelle,

que la plupart des Puiffances de l'Europe euffent voulu y prendre part, afin de renverfer & de détruire la liberté de la nation.

Mais, diront peut-être les Confpirateurs, l'Angleterre & la liberté Angloife, ainfi que la Religion Proteftante penchoient vers leur ruine? Mais ne fait-on pas que dans leur projet la religion & la patrie n'entroient pour rien, & qu'ils n'ambitionnoient que les premieres places de l'Etat? Tels étoient certainement leurs vues. Que je fouhaiterois que ce motif fût auffi nouveau qu'il eft dangereux & horrible! Mais hélas! il eft auffi ancien que le cœur de l'homme. Tout pays fur la terre, qui a fubi la loi d'un vainqueur, n'a été conquis que pour fatisfaire l'ambition d'un feul homme qui vifoit à ufurper un pouvoir abfolu fur fes femblables.

Rien n'eft plus ordinaire que d'entendre des Confpirateurs fe plaindre de l'abus du pouvoir & des maux occafionnés par la mauvaise conduite du Gouvernement. Ils ont fans ceffe ces plaintes dans la bouche, fans qu'on fache souvent quel peut en être le fondement. Mais je fuppofe qu'il soit jufte, & je demande aux Confpirateurs, quels garants ils nous donneront, après avoir heureufement accompli leurs deffeins, qu'ils feront humbles dans la grandeur, modeftes dans les dignités, & qu'ils feront ufage de leur pouvoir avec modération, défintéreffement, & conformément aux regles de la juftice. Quoi! ils feront modeftes, eux qui voudroient détruire les conftitutions, bouleverser la terre de fond en comble, & la remplir de fang, de meurtre & de carnage, pour parvenir au pouvoir fuprême ! Qui pourra jamais s'imaginer que la confidération du bien & de la propriété publique puiffe jamais avoir la moindre influence fur ces hommes qui voudroient facrifier le bien public & anéantir toute propriété, pour fatisfaire leur fureur & leur ambition perfonnelle! Comment l'amour de la liberté & de la paix pourroit-il modérer les paffions de ces hommes que ni les loix de l'humanité & de la patrie, ni la religion d'un ferment, ni l'augufte & redoutable Evangile de Jefus-Chrift ne peuvent réprimer.

Une des coutumes ordinaires des Confpirateurs eft encore de fe récrier fortement contre les taxes & l'entretien des armées. Mais ils font euxmêmes la caufe de ces inconvéniens contre lefquels ils protestent avec tant d'éclat. Qui rend les armées néceffaires, fi ce n'eft ceux qui voudroient envahir, mettre en esclavage & détruire la nation en y introduifant des armées étrangeres? Qui rend les taxes néceffaires, fi ce n'eft ceux qui confpirant contre la paix & la propriété de l'État, & contre un établiffement qui affure l'un & l'autre, forcent les citoyens à abandonner une partie de leurs biens pour fauver le tout? Ce font les Conspirateurs qui deviennent les auteurs non-feulement des maux dont ils fe plaignent, mais encore de toutes les fàcheufes conféquences qu'ils peuvent avoir. Je fuppofe que ces gens aient réuffi dans leurs projets; auront-ils l'audace & le front de dire qu'ils auroient gouverné l'État fans armées? Non fans

doute Le joug de l'ufurpation & de la fervitude ne fe maintient que par l'épée. Eux qui rendent maintenant les armées néceffaires, trouveroient alors qu'on ne peut bien gouverner fans elles. D'ailleurs il y auroit du ridicule à eux, de prétendre que leur mérite & leur conduite populaire fuffiroit pour retenir toutes chofes dans l'ordre, puifque dans le cas dont je parlois tout-à-l'heure, ils ont démontré d'une maniere convainquante que rien ne leur paroiffoit trop affreux pour l'accompliffement de leur trahifon. L'injustice la plus criante, la cruauté la plus effroyable, voilà quels en étoient les inftrumens. Un pillage univerfel, une dévaftation générale, les meurtres, les maffacres devoient, fuivant eux, fervir merveilleufement leurs projets, & devenir les heureux commencemens de leur regne. Le Roi Jacques dont ils occafionnerent & dont ils déplorerent peu après l'infortune, prétendit-il jamais, ou pouvoit-il prétendre maintenir fa religion & fon gouvernement arbitraire, fans ufer de violence, fans être fecondé par de puiffantes armées. Le Prétendant étoit-il d'une religion différente ou devoit-on efpérer qu'il fût plus modéré? Promettoit-il un Gouvernement plus doux? Les Gouvernemens ne continuent-ils pas à fubfifter par les mêmes moyens qui leur ont donné naiffance? Un regne qui commence par les armées, la violation de la propriété, doit fe foutenir par des armées fans ceffe fur pied, par la violence & l'oppreffion.

Ce que je viens de dire des impôts & des armées toujours fubfiftantes, peut s'entendre de tous les autres objets de plaintes de ces gens toujours mécontens, quoi que faffe le Gouvernement. Cependant à force d'intrigues, de menfonges & de calomnies ils parviennent quelquefois à foulever un peuple imbécille trop peu inftruit pour voir que l'administration qu'on lui peint fous des traits fi odieux, vaut infiniment mieux même avec les défauts vrais & fuppofés, que celle que de tels boute-feux font capables de lui fubftituer. Ces perturbateurs de l'ordre public font une pefte dangereufe. Ils nous enfeignent à être mécontens de notre condition préfente, fans pouvoir lui en offrir une meilleure. Au contraire ils aggravent les maux fouvent imaginaires qu'ils nous peignent, par des maux réels qu'ils nous caufent, favoir le défordre & l'inquiétude où ils nous plongent.

CONSTANCE

« PreviousContinue »