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du diocèse qu'il s'était d'abord attaché. Il avait fait sur ce point de nos annales religieuses les recherches les plus curieuses et les plus savantes. Possesseur d'une riche bi bliothèque qu'il savait conserver et augmenter en homme de goût, il avait mis en outre à contribution celles de Paris, de Rouen, du Mans, de Caen et d'Alençon. Tous les documents imprimés ou manuscrits qu'il avait pu se procurer, avaient été scrupuleusement analysés. Il serait vivement à désirer que M. l'abbé Guillon, son vicaire et son ami, à qui il a légué ses notes, les livrât à l'impres sion. Déjà, en 1845, M. Jules de Douhet avait songé à s'entendre avec M. l'abbé Vallet pour la publication des vies des saints du diocèse; mais ce projet n'eut pas de suite.

C'est à l'abbé Vallet qu'est due la découverte de l'époque précise où fut élevée la cathédrale de Séez, et du nom de son fondateur. Tous les annalistes ont placé la construction de la cathédrale de Séez de 1053 à 1126. Les archéologues, au contraire, frappés du cachet de fini, d'harmonie, de pureté que présente ce bel édifice, et des analogies qu'il offre avec certaines autres églises à date certaine, n'hési taient pas à lui assigner celle du XIIIe siècle (1). Plus his

(1) De Caumont, Cours d'antiquités monumentales, architecture religieuse, p. 228.

Galeron, Rapport sur les monuments historiques de l'arrondissement d'Alençon, dans les Mémoires de la Société des antiquaires de Normandie, t. IX.

Gally Knight, Voyage archéologique en Normandie, dans le Bulletin monumental, t. IV.

Lecointre, Bulletin monumental, t. III.

Bourasse, Cathédrales de France, p. 175.

Vitet, Essai archéologique sur Notre-Dame de Noyon.

torien qu'archéologue, l'abbé Vallet tenait pour les premiers, et il nous avait fait l'honneur de combattre, avec beaucoup d'érudition, les efforts que nous avions faits nousmême (1), à diverses reprises, pour restituer à la cathédrale de Séez sa véritable date, en en plaçant la construction dans le XIIIe siècle, cette époque classique du style ogival primitif. La découverte qu'il fit à Argentan, dans un ancien manuscrit, de l'épitaphe de Jean de Bernières, 45 évêque de Séez, mort en 1.294, vint donner tort aux documents écrits, et raison aux conjectures des artistes et des archéologues. Cette épitaphe, depuis long-temps disparue de la cathédrale, qualifie Jean de Bernières de Hujus ecclesiæ ædificator. Nul doute donc qu'en regardant même comme empreinte d'exagération cette qualification de constructeur ou fondateur donnée à Jean de Bernières, il ne doive être regardé comme ayant pris une grande part à la construction de la cathédrale dans la seconde moitié du XIIIe siècle. L'abbé Vallet avait la loyauté et la modestie d'un véritable savant. Il s'empressa de publier sa découverte, et le démenti qu'elle donnait à son propre système.

Epuisé de travail, il avait été forcé de cesser ses leçons pendant quelque temps. Il souffrait d'un anévrisme; sa poitrine était faible, et les médecins lui commandaient un repos absolu. Emporté par son zèle, il revint au séminaire,et reprit ses leçons accoutumées. Il avait choisi pour sujet de ses conférences de l'année 1845-1846, l'authen

(1) Notice sur la cathédrale de Sécz, 1844, in-8°

Le Département de l'Orne archéologique et pittoresque, article Séez, page 4.

ticité des livres saints prouvée par les variantes des diverses versions. Cette démonstration demandait des recherches infinies; il pressentit qu'il n'y résisterait pas. « J'ai entrepris, disait-il au mois de mai dernier, avec » cet air de douce mélancolie qui lui était naturel un >> ouvrage au-dessus de mes forces; il me tuera. »

Il ne se trompait pas. Quelques jours après, une attaque de paralysie le força de renoncer au travail. Il se rétablit un peu; et, au mois de septembre, il demanda la petite paroisse de Montabord, espérant que l'air de la campagne et une vie active seraient favorables à sa santé. Il paraissait, en effet, assez bien, quand la mort est venue l'enlever subitement, le 25 décembre 1845, à l'âge de 42 ans. Nous avons dit qu'il avait légué ses notes et ses manuscrits à M. l'abbé Guillon, son vicaire et son ami.

Si la science et l'enseignement religieux ont fait en lui une perte sensible, il a laissé également un grand vide dans la chaire, où son éloquence douce, onctueuse et per· suasive, lui avait fait une réputation dont il était seul à s'étonner, et dans le cœur de ses nombreux amis, qui n'oublieront jamais la douceur de son caractère, la sûreté de ses relations, son empressement à faire le bien et sa grace à le bien faire.

Sur M. l'abbé TURGIS, Chanoine de Bayeux;

Par M. DE CAUMONT.

Richard-François Turgis naquit à Landelles, le 20 dé

cembre 1758.

Il fit ses études théologiques au grand séminaire de Coutances, et fut élevé à la prêtrise par Mgr l'évêque de Coutances, le 21 mai 1785.

Il fut, pendant quelque temps, précepteur des enfants de M. de Boisnantier, avocat au parlement de Rouen, et propriétaire à Landelles.

Il exerça en 1787, pendant quelque temps, les fonctions de vicaire au hameau de Clachalose, dépendant de la paroisse de Gommecourt, diocèse de Rouen; il rentra ensuite dans le diocèse de Bayeux ou de Coutances, et fut nommé vicaire de Mesnil-Robert, mais ne fut pas intallé, la Révolution ayant éclaté. M. Turgis a passé toute la durée de la Révolution à Vire et dans les environs, proscrit comme ayant refusé le serment, et exerçant son ministère au milieu des périls et des fatigues.

Le 18 juin 1803, il fut nommé vicaire desservant provisoire de l'église du Dézert, adjointe à l'église succursale de Montchamp-le-Petit. Mais il ne fut pas long-temps dans cette paroisse.

Il vint à Caen, où il passa quelque temps comme chape. lain d'une Communauté, paroisse de Saint-Pierre.

De Caen, il fut appelé à Bayeux chapelain de l'HôtelDieu, vers l'année 1806. Il fut, pendant plusieurs années, non-seulement chapelain des malades, mais aussi directeur des dames de l'Hôtel-Dieu de Bayeux.

Il est resté chapelain des malades de cet Hôtel-Dieu jusqu'en 1834.

En 1811, le 22 novembre, il avait été nommé chapelain épiscopal.

Le 22 novembre 1817, il devint chanoine honoraire. Enfin, le 7 mars 1834, quelque temps après s'être démis

de ses fonctions de chapelain des malades de l'HôtelDieu, et au moment où il songeait à se retirer à Landelles, son pays natal, il fut nommé chanoine titulaire.

M. l'abbé Turgis fut un modèle de vertus. Celui qui écrit ces lignes a pu admirer la modestie, la bonté, la charité évangélique du vertueux abbé Turgis; il se félicite d'en rendre témoignage et d'avoir mérité l'amitié d'un homme aussi respectable.

M. Turgis est décédé à Bayeux, le 11 avril 1846.

Sur M. Paul DELASALLE ;

Par M. G. MANCEL, Conservateur de la bibliothèque publique de Caen.

Hégésippe Moreau, Elisa Mercœur, Georges de Guérin, Bertaut, bien d'autres jeunes poètes que notre époque a vus naître et mourir, hélas ! en naissant, ont tous succombé, parce qu'ils cédaient aux trompeuses séductions de la muse, parce qu'ils avaient entrevu, dans leur confiante ambition, la gloire, la fortune et les avantages qu'elles amènent. Tristes existences qui n'avaient pas su comprendre la société telle qu'elle est, et qui ont péri en l'accusant et en la maudissant comme une marâtre qui leur aurait dérobé leur large part d'un légitime héritage.

La vie de Paul Delasalle, dont nous retracerons ici les phases, a été aussi courte que celle de ces victimes du talent joint à l'amour-propre exagéré, mortes, comme le Nar cisse de la fable, pour s'être trop aimées. Mais, poète comme elles, plus que beaucoup d'entre elles, il ne céda

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