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ger; magistrats, ils se firent remarquer par leur savoir et leur intégrité; poètes, ils acquirent une nouvelle et juste célébrité. En les appelant successivement auprès d'eux en qualité de pages, nos rois acquittaient la dette créée par le dévouement de cette famille à ses souverains, et par les bons services qu'elle avait rendus à l'Etat.

Charles de Vauquelin de Sacy était page de Louis XVI lors de la sanglante journée du 10 août. Arraché à ces fonctions et à la carrière des armes à laquelle il avait été voué, il se rendit en Amérique; là il fut jugé digne de faire partie d'une expédition scientifique. Entraîné par son amour pour les arts et heureux de devenir étranger aux discordes politiques de l'époque, il séjourna long-temps dans les États-Unis, où il fut obligé d'utiliser son talent pour la peinture, afin de se créer des moyens d'existence. Il avait exploré une partie du continent américain: riche de science pratique et d'expérience, il s'embarqua pour rentrer en France; mais il devint prisonnier des Anglais. La paix d'Amiens le rendit à sa famille.

Depuis cette époque, Charles de Vauquelin s'était consacré entièrement à la vie domestique et au bien-être de ses concitoyens Il avait accepté les fonctions de maire de la commune de Sacy; il associait le culte des beaux-arts à la pratique de l'agriculture raisonnée. Diverses Sociétés savantes lui doivent des notices consciencieuses et des dessins fidèles des édifices anciens dont la Normandie est si riche. Plusieurs fois il fit des voyages pour dessiner les monuments que décrivaient les membres de la Société des antiquaires, dont il était un des plus anciens membres. En 1826, il accompagna M. de Caumont dans une excursion faite au Mont-Saint-Michel, et sur les confins de la Bretagne. 42

Plus tard, il fit partie des Commissions qui explorèrent, plusieurs années de suite, le département de l'Orne, et les lithographies qui accompagnent le texte publié par la Société des antiquaires ont toutes été faites d'après ses dessins.

M.Galeron obtint de son inépuisable complaisance la plus grande partie des lithographies qui forment l'atlas annexé au texte de la statistique de l'arrondissement de Falaise.

Toujours obligeant pour les artistes et les hommes de lettres qu'il a souvent secourus aux jours de l'adversité, et sans acception d'opinions politiques, Charles de Vauquelin jouissait de l'estime générale. Il avait réuni dans son manoir de Sacy de nombreux tableaux qui rappellent qu'il fat peintre distingué et non moins remarquable par ses talents que par son savoir.

La mort de M. de Vauquelin a été regardée comme une calamité publique par les habitants de la commune de Sacy, où ses restes mortels ont été transportés... Jamais l'infortune ne l'avait imploré en vain !... Les habitants de tout âge, de tout sexe, voulurent accompagner son cer cueil; les plus notables se disputaient le triste honneur de le porter, de rendre ce dernier service au dernier descendant de ces nobles Vauquelin de Sacy qui, depuis trois siècles, avaient été les bienfaiteurs de leurs pères.

Témoin de ces pieux et honorables regrets, j'en retrace avec douleur le pénible souvenir: c'est un faible hommage rendu aux qualités du cœur, aux vertus domestiques et aux talents modestes qui distinguèrent éminemment Charles de Vauquelin.

Sur M. le Général CAVALIER, Membre du Conseil d'administration de l'Association normande ;

Par M. Léon DE LA SICOTIÈRE, Inspecteur divisionnaire de l'Association.

Le général Cavalier, maréchal-de camp, commandeur de l'Ordre royal de la Légion-d'Honneur, membre du Conseil général de l'Orne, du Conseil municipal et de la Commission administrative de l'hospice d'Alençon, est mort dans cette ville, le 27 septembre 1846, à l'âge de 74 ans.

Né dans le département du Gard, près de Nîmes, et issu d'une famille de cultivateurs qui, protestants eux. mêmes, portaient un nom cher aux protestants et devenu célèbre pendant les guerres qui affligèrent la France mé ridionale sous le règne de Louis XIV, Jacques Cavalier s'engagea comme volontaire, à peine âgé de 16 ans. La Ré volution seconda sa bravoure et le poussa rapidement de grade en grade. Appelé à faire partie de l'armée d'Egypte, il était à peine débarqué, que Bonaparte le nomma colonel du régiment des Dromadaires.

On connait les malheureuses divisions qui déchirérent l'armée après le retour en France de son commandant en chef. Ami de Kléber et de Reynier, Cavalier fut en butte aux persécutions de Menou. Il en ressentit cruellement les effets dans une circonstance mémorable.

Le 16 mai 1801, il était parti d'Alexandrie avec un détachement de 220 hommes d'infanterie, 125 dragons, 85 dromadaires et une pièce de canon, pour escorter un convoi de 600 chameaux. Cerné auprès de Rahmanieh

par un fort détachement de cavalerie anglaise sous les or dres du major Wilson, célèbre depuis par la part qu'il prit à l'évasion de Lavalette, 'il fit une trouée et continua sa route. Mais des nuées d'Arabes vinrent l'assaillir; sa petite troupe se mourait de fatigue. Il devenait également impossible d'avancer et de reculer; il consentit à la fin à signer avec Wilson une sorte de capitulation par suite de laquelle les Anglais devaient le ramener en France, lui et ses hommes, avec armes et bagages, sans qu'ils pussent être, en aucune façon, considérés comme prisonniers de

guerre.

Ce fut alors que Menou publia un ordre du jour que le rédacteur des Victoires et Conquêtes appelle un monument de honte pour son auteur (1). Le courage et même la pro bité du jeune chef y étaient attaqués dans les termes les plus injurieux et les plus durs; scandale inouï qui dut jeter la douleur et l'effroi dans l'armée ! Une armée est perdue en effet, et perdue sans retour, quand, pour relever le moral d'une partie de ceux qui la composent, les chefs n'ont plus que la triste ressource de calomnier le courage, le patriotisme et l'honneur du reste! L'histoire a flétri la conduite de Menou dans cette circonstance, et l'Empereur a vengé le général Cavalier en acceptant plus tard ses services.

Le général Cavalier se signala, du reste, en Egypte par d'éminents services rendus à la Commission scientifique. Voici dans quels termes s'exprimaient, le 21 août 1819, MM. Berthollet, Fournier, Désiré de Villiers et Jomard,

(1) Victoires et Conquêtes, tome xx, p. 68 et suivantes.

en sollicitant pour lui, du ministère de l'intérieur, un exemplaire de la magnifique Description de l'Egypte (1):

«Placé à la tête d'un corps qu'on appelait le régiment » des Dromadaires, cet estimable officier a protégé les >> excursions et les découvertes des voyageurs français dans » les déserts qui environnent l'Egypte. Nous avons dû le » succès de plusieurs voyages au zèle et à l'intelligence » qu'il a déployés dans son commandement et dans ses re»lations fréquentes avec les tribus des Arabes. Il a sur» tout rendu un service bien signalé à l'Institut d'Egypte » et à la Commission des sciences et arts, à l'époque où » les troupes anglaises et ottomanes, combinées, ont en» vahila Basse-Egypte. Nous n'hésitons pas à assurer Votre » Excellence qu'il a sauvé de la dispersion, et même d'une » destruction certaine, les matériaux scientifiques amas»sés au milieu de tant de peines, de fatigues et de dan»gers, pendant trois années entières. L'ennemi avançait » à grands pas vers la position de Rahmanieh, presque » entièrement découverte. Nous venions d'y arriver la » veille, en descendant du Caire; nous voulions nous diriger sur Alexandrie, mais cette route était infestée par » les Bédouins. D'un autre côté, le commandant du fort

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s'opposait à notre départ. Par une résolution qui lui fait » le plus grand honneur, le général Cavalier prit sur lui » de nous offrir son escorte. Il nous procura des chameaux, » et il marcha à la tête de son régiment. Ainsi furent sau» vés nos collections et tous nos matériaux. Une juste re» connaissance nous oblige d'ajouter ici qu'il a, dans cette » occasion mémorable, arraché plusieurs d'entre nous à

(1) Journal d'Alençon du 26 décembre 1819, article de M. Clogenson.

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