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acquise près de Sèvres. Ce fut là que la mort le surprit dans un âge encore peu avancé, au milieu d'un petit cercle d'amis et de vieux compagnons d'armes, dont les soins ne lui firent pas faute pendant sa vie, et dont les sincères regrets attestent qu'il ne fut pas moins attachant par ses qualités privées que distingué comme homme de guerre.

Sur M. F. SIGNARD, Membre de l'Association nor mande, Chevalier de la Légion d'honneur;

Par M. PIERRE HERVIEU, Membre de l'Association.

Antoine-Frédéric Signard naquit à Caen, le 2 janvier 1770. Nous passerons rapidement sur ses premières années, parce que, semblables à celles du plus grand nombre, elles ne peuvent offrir aucun intérêt au public. Elles furent pour lui la base et le point de départ d'une instruc tion aussi solide que modeste, car nous le lui avons entendu dire souvent : En sortant du collége, on croit savoir toutes choses; mais on reconnaît bien vite que les plus habiles n'y ont appris... qu'à apprendre !

Dans une époque de transition, où l'opinion politique occupe une si large place dans la vie de tout homme intelligent, celle de M. Signard fut fixée irrévocablement par l'anarchie des jours néfastes de la Révolution. Homme de son siècle, il aurait désiré et appuyé les sages réformes proposées par l'assemblée des notables; il aurait voulu la France libre à l'intérieur, puissante et forte vis-à-vis de l'Europe coalisée; mais ces améliorations, devenues nécessaires, il ne les comprenait que sous l'égide de la monarchie. Sa conduite toujours prudente, ferme et loyale,

au milieu des désordres de la guerre civile auxquels la Basse-Normandie fut particulièrement en proie, lui valut la décoration de la Légion-d'Honneur dans les premières années de la Restauration. Elle lui fut décernée (porte son brevet) pour services rendus à la cause royaliste pendant la révolution de 1793. Mais n'anticipons pas.

Vers 1798, après avoir épousé Mile Félicité Noyon de Magneville, à laquelle il dut de si douces années de bonheur, M. Signard vint habiter Ryes (arrondissement de Bayeux), où il a laissé des souvenirs ineffaçables..... souvenirs du cœur pour quelques-uns, et de ses bienfaits pour beaucoup d'autres! Appelé bientôt par le vœu géné ral à remplir les fonctions de maire dans cette commune, il eut à traverser une catastrophe sans exemple dans nos campagnes, et ne recula devant aucun des devoirs qui en furent la triste conséquence.

Dans la nuit du 14 au 15 mai 1809, un fou furieux assassine sa femme, puis la brûle dans sa maison. Surexcité sans doute par l'odeur du sang et la vue des flammes, il s'élance une torche d'une main et un long coutelas de boucher dans l'autre ; il met d'abord le feu à tous les toits en chaume qui se trouvent sur son passage, puis se précipite dans la campagne, où dix-neuf bœufs, vaches et chevaux sont égorgés par cette espèce de brute. La population, consternée, parvient à étouffer quelques commencements d'incendie; mais huit maisons sont réduites en cendres, et une femme est brûlée vive sous son toit qui l'écrase en s'écroulant !!... Au milieu d'un si épouvantable désastre, le maire de Ryes, chaleureusement secondé par les principaux habitants, justifie dignement la vérité du vieil adage: Adversitas virum probat! Circu

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laires, démarches, sollicitations, il sait tout mettre en œuvre. Après avoir prêché d'exemple, on ne craint pas d'être importun en demandant hardiment pour secourir de pareils malheurs... M. Signard parvient à réunir cinq ou six mille francs, grâce auxquels les plus pauvres des incendiés voient réédifier leur modeste chaumière.

Après plusieurs années d'une administration toute paternelle, M. Signard transfère de nouveau, en 1816, son domicile à Caen, où nous l'avons tous connu successivement membre du conseil d'arrondissement, du bureau de bienfaisance, de la Société d'agriculture et de commerce; administrateur des hospices; membre du Conseil d'administration de l'assurance mutuelle immobilière contre l'incendie; membre fondateur de l'assurance mutuelle contre la mortalité des bestiaux... toutes charges honorifiques, sans pompe, mais d'une incontestable utilité pour la ville et le pays, et dans lesquelles ses collègues, rendant hommage à la rectitude de son jugement et à la lucidité de sa rédaction, l'appelèrent souvent aux fonctions de secrétaire ou de rapporteur.

Pendant dix ans, M. Signard fut aussi secrétaire du Comité consultatif d'agriculture, formé à la préfecture du Calvados par ordre du ministre. Il déploya dans ces fonctions une habileté dont ses confrères ont rendu, dans plusieurs occasions, le plus sincère témoignage ; ils ont demandé plus d'une fois que les procès-verbaux qu'il rédigea fussent livrés à l'impression.

M. Signard, comprenant, dans sa plus large acception, le grand mot du jour : PROGRES! s'associant à toutes les idées d'amélioration, et pratiquant noblement les devoirs qu'une haute position sociale nous impose en

vers nos semblables, voulut faire beaucoup de bien à petit bruit....

Que dirai-je des qualités de l'homme privé? Ici surtout je m'efforcerai d'imposer silence à l'affection qui pourrait m'entraîner trop loin... Je dois être bref, lorsque je n'écris plus que pour les amis de M. Signard. Ils sont nombreux, il est vrai; car il était difficile de le connaître sans l'estimer d'abord, pour l'aimer bien vite. Comment, en effet, résister à l'attrait de cette bienveillance si constamment douce et affectueuse, de cette inaltérable aménité, partage exclusif d'une belle ame? Quant à sa scrupuleuse intégrité en affaires, elle était telle que chacun de nous l'eût accepté pour juge en dernier ressort, dans le procès le plus compliqué et le plus important.

Sa fin fut bien digne de cette vie que nous venons d'esquisser en courant. Depuis plus de vingt ans, il avait abjuré le protestantisme, entraîné, disait-il, par son cœur autant que par sa raison; et quand vint pour lui la dernière heure, il en accueillit la nouvelle avec cette sublime sérénité du juste, toujours prêt à comparaître devant Dieu. Après l'avoir assisté jusqu'au moment suprême, le vénérable curé de St-Jean, vieilli dans le saint ministère, affirmait n'avoir jamais rencontré une fin aussi pleine de dignité et de pieuse résignation. Si je n'avais connu son excessive modestie, nous disait-il, les larmes aux yeux, en sortant de la chambre funèbre, j'aurais cru que M. Signard voulait nous apprendre à mourir !!... Disons-le donc hardiment: il rendit son ame à Dieu le 25 décembre 1846.

Deux jours après, ses nombreux amis se pressaient, å Caen, autour de son cercueil, dans l'église Saint-Jean;

mais, contrairement aux usages d'une grande ville, les habits noirs étaient, cette fois, confondus dans le chœur au milieu des blouses campagnardes: ceux-ci de Lébisey, ceux-là d'Hérouville, quelques-uns de Langrune, tous accourus librement et spontanément pour rendre un der. nier hommage à sa mémoire. On pouvait lire sur toutes ces figures profondément attristées : « Celui dont nous venons accompagner les dépouilles mortelles ne nous a jamais refusé un bon conseil ou un secours efficace dans nos mauvais jours.

Le corps de M. Signard a été transporté et inhumé dans le cimetière d'Ouffières, où la famille possède un terrain réservé. »

Sur M. Charles DE VAUQUELIN DE SACY, Membre de la Société française pour la conservation des monuments et de l'Asssociation normande;

Par M. de FONTANÈS, Membre de plusieurs Académies,
Chef d'escadron d'état-major.

Le 5 mars 1845, la Société française pour la conser vation des monuments et l'Association normande perdaient un de leurs membres, le plus modeste parmi les plus distingués: Charles de Vauquelin de Sacy décédait à Caen, ville dans laquelle il était né en 1774, dans le même mois, à la date du même jour. Il était issu d'une famille dont le nom figure avec honneur dans nos annales historiques. Ses ancêtres furent souvent signalés à la reconnaissance du pays: guerriers, au temps de Charles VII, ils contribuèrent à délivrer la France du joug de l'étran

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