Page images
PDF
EPUB

effet,depuis 1828,l'Administration de la guerre a élevé ses tarifs. Ces tarifs, aujourd'hui, sont même arrivés à des prix qui devraient être satisfaisants pour le producteur et ils constituent l'Etat dans une dépense de plus de 6 millions. D'où vient donc que l'Administration se plaint des difficultés qu'elle rencontre à opérer ses remontes, malgré le zèle et la capacité des officiers acheteurs?

» Cela tient à une cause bien simple en théorie, bien puissante en pratique.

>> Isolée dans ses besoins, l'Administration s'est encore isolée dans ses achats; elle a organisé à son usage un véritable monopole, que le producteur ne consentira jamais volontairement à subir.

»Ce fait, Mathieu de Dombasle l'a puissamment signalé en quelques lignes :

>> Dans les dépôts de remonte, a-t-il dit, on semble » s'être plu à étendre, jusqu'à leurs dernières limites, les » effets de ce monopole, en greffant sur le monopole » général exercé par le Gouvernement, le monopole de chaque dépôt dans sa circonscription, et ensuite le monopole de chaque officier acheteur dans la subdi» vision qui lui est affectée. »

[ocr errors]

» Ce fait, les plaintes de la Normandie le constatent.

Quoique l'amélioration ait sensiblement progressé » dans nos contrées ( disent les éleveurs ); l'industrie che» valine est en souffrance, et son malaise empire chaque » jour ; la consommation nous manque, et le commerce » s'est retiré de nous.

» Il y a quelques années, les marchands de Paris faisaient ⚫ déjà la plupart de leurs achats en Angleterre et en Alle » magne; mais ceux des autres grandes villes, de Lyon,

D

» Toulouse, Tours et Bordeaux, venaient encore chez » nous acheter les chevaux de luxe qu'ils revendaient aux » particuliers et aux officiers de l'armée.

[ocr errors]

» Aujourd'hui, les chevaux d'officiers sont fournis par » l'Etat; restaient seulement les chevaux de luxe; mais » les officiers de remonte les achètent avant l'àge où le » commerce pourrait entrer en concurrence avec eux. » Dans les premiers temps, nous nous en sommes réjouis, » parce que nous nous trouvions débarrassés plus tôt ; » mais quand nous avons vu que cela éloignait les mar» chands de notre pays, nous avons promptement regretté » une mesure qui nous avait d'abord semblé favorable, » car rien ne peut remplacer la présence du commerce.

» Dans l'état présent des choses, quand l'Administra» tion des haras a pris une centaine de chevaux de tête » pour la reproduction, tout le reste appartient à l'Ad» ministration des remontes. Elle achète sans concurrence, » au prix qu'elle veut, et nous force de donner à l'armée » des chevaux destinés au luxe, sous peine de ne nous » rien acheter du tout.

» Par ce moyen, l'Administration des remontes est maî>> tresse du marché, et nous ne savons plus que faire des » chevaux qui nous sont refusés, parce qu'il ne se trouve plus d'autre acheteur avec elle.

[ocr errors]

» En définitive, le système de remonte est mauvais » pour l'Administration de la guerre, qui nourrit un che>> val sans en tirer de service; mauvais pour les produc»teurs, parce qu'il éloigne le commerce; mauvais pour » l'amélioration, parce que, en enlevant aux cultivateurs >> leurs chevaux de trois ans et demi à quatre ans, il ne >> leur laisse pour leurs travaux que les chevaux de deux

» ans et demi à trois ans, trop peu formés pour résister à ⚫ la fatigue qui leur est imposée. » (Lettre des éleveurs nor mands.)

› Vous, Messieurs, qui connaissez les habitudes du commerce, la liberté dont il a besoin, l'indépendance qu'il doit conserver, la concurrence qui lui est nécessaire, vous apprécierez cette singulière position d'une industrie écrasée par la protection qu'on lui donne, ruinée par l'argent qu'on lui apporte, et sûrement vous renouvellerez le vœu émis par vous en 1842 sur l'achat direct par les corps.

» Nous disions tout à l'heure que l'armée avait des besoins isolés, et nous trouvions dans cet isolement une des causes dominantes des difficultés qu'elle rencontre à remonter sa cavalerie.

» Les tendances de notre époque, ce besoin de vitesse dans la locomotion, suite naturelle de l'usage des chemins de fer, amèneront nécessairement des modifications dans les besoins du commerce, qui devra se rapprocher dans ses demandes de celles de la guerre. Il y a là une question de temps seulement; la solution de cette question peut être facilitée singulièrement par une bonne loi de roulage qui permettrait à l'industrie de récupérer sur la célérité des transports, par l'emploi de véhicules plus légers et de moteurs plus rapides, les avantages qu'elle trouvait à l'emploi de moteurs plus puissants.

§ III.

» Un autre moyen de développer la consommation du cheval léger en France serait la protection accordée aux producteurs contre la concurrence étrangère : c'est l'affaire d'une bonne loi de douanes.

>> Ici se présentent quelques difficultés. Le luxe qu'il ne faudrait jamais séparer du commerce, dont il fait essentiellement partie, a pris cependant des habitudes excep tionnelles, commandées par l'état de la production. Aujourd'hui il s'approvisionne à l'étranger et vient alimenter même les pays producteurs.

>> Si l'on ferme les portes qui lui sont ouvertes au moyen de prohibitions ou de droits d'entrée équivalents à des prohibitions, c'est sacrifier une industrie à une autre, c'est entraver les échanges internationaux, c'est faire tort à l'Etat, en donnant une prime à la fraude; enfin c'est priver le pays de ressources nouvelles qui lui viennent par l'importation, et qui peuvent, en partie, être utilisées pour la reproduction.

» Il faut éviter ces écueils, et parer en même temps le mieux possible à cette concurrence désastreuse faite aux chevaux français par les chevaux étrangers.

>> Votre Commission a cru trouver un palliatif au mal en proposant à la loi une modification qui semblerait prévenir les principaux inconvénients du régime actuel et présenter quelques avantages.

» Elle s'est fondée sur l'observation des faits.

>> L'importation annuelle des chevaux étrangers est en moyenne d'environ 16,000 par an.

» Ces 16,000 chevaux se divisent en trois catégories : >> Entiers ;

>> Poulains et pouliches;

» Hongres et juments.

» Les deux premières catégories réunies forment à peine le quart de l'importation.

>> Les trois quarts restants se composent de chevaux

hongres et de juments; ces dernières y figurent au moins pour moitié.

» Les droits d'entrée sont de 25 francs seulement par tête, et frappent également tous les animaux introduits. » Votre Commission proposerait, sans toucher aux droits d'entrée qui frappent les juments et pouliches, de doubler, sur les chevaux et poulains, le droit d'importation, qui se trouverait alors porté à 50 francs.

» Cette mesure a peut-être plus d'importance que l'on ne serait tenté de lui en accorder au premier abord; en favorisant la production indigène, elle aurait le double avantage de diminuer les moyens producteurs de nos voisins.

» Telles sont, Messieurs, les dispositions d'intérêt général que votre Commission m'a chargé de soumettre au Conseil, relativement à l'amélioration de l'espèce chevaline en France. Ce ne sont point les seules qui aient fixé son attention; elle s'est aussi occupée d'un système sur les remontes de la cavalerie qui lui a été soumis; mais, attendu que ce système repose sur des mesures dont l'initiative appartient à M. le ministre de la guerre, la Commission a pensé qu'il n'y avait pas lieu de vous en rendre compte, et qu'elle devait se borner à remercier son auteur de la communication qu'il avait bien voulu lui faire.

» Nous n'avons pas non plus entretenu le Conseil de la saillie gratuite; d'abord, parce que les avantages résultant de ce mode sont plus que douteux, et ensuite parce qu'il ne tendrait à rien moins qu'à empêcher le développement de l'industrie particulière, ce but si essentiel à atteindre.

« PreviousContinue »