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» Mais une discussion s'est ouverte sur une mesure souvent proposée, et à laquelle de bons esprits attribuent une certaine influence, à savoir la création de cours d'agriculture dans les écoles normales primaires.

» L'utilité de cette mesure a été contestée: on a fait remarquer que l'enseignement, dans les écoles normales primaires, ne pouvant pas sortir des mains du ministre de l'instruction publique, il était à craindre que l'exécution de ce vœu ne fût entravée par les dispositions peu favorables de la plupart des recteurs à cet égard. Les jeunes élèves-maîtres, a-t-on dit, n'auront pas le temps de se livrer à cette nouvelle branche d'études; ils seront d'autant moins portés à le faire, que leur travail, à cet égard, ne pourra leur être compté lors des examens qui règlent le classement de fin d'année. Les leçons, d'ailleurs, qu'aucune pratique ne pourra accompagner, seront-elles vraiment utiles? Les élèves-maîtres ne pourront y puiser que des notions théoriques fort incomplètes, quelquefois peut-être erronées, et qu'ils ne pourraient, en tout cas, reporter utilement aux enfants qui fréquentent les écoles: on ajoutait qu'il serait préférable de leur donner des notions générales des sciences appliquées.

» La majorité de la Commission ne s'est pas laissé ébranler par ces objections, car elles n'étaient pas de nature à la détourner du but qu'elle croit possible d'atteindre. Elle pense qu'il sera souvent facile et toujours utile de donner aux élèves-maîtres des écoles normales primaires quelques notions générales sur l'agriculture, sans qu'il soit besoin pour cela d'y joindre la pratique. Elle ne s'exagère pas l'importance d'un pareil moyen ;

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elle ne dit pas qu'on puisse songer à faire donner par les instituteurs des leçons d'agriculture à leurs jeunes enfants; mais elle croit qu'il est bon que des hommes qui sont appelés à vivre au milieu des habitants de la campagne, puissent leur dire ce qu'ils ont à gagner en renonçant à leurs vieilles routines, et leur apprendre qu'en cultivant des plantes fourragères, ils accroîtront leur bétail, et, par leurs engrais, les produits de leurs champs; qu'ils puissent leur faire savoir qu'il y a de meilleures méthodes de culture que les leurs, des instruments plus parfaits que ceux dont ils font usage.

» Ainsi entendu, et avec ce commentaire, votre Commission n'hésite pas à vous proposer d'émettre le vœu qu'il soit donné aux élèves-maîtres des écoles normales primaires des notions générales d'agriculture et d'horticulture.

>> Nous terminerons cet exposé des travaux de notre Commission par l'indication de quelques rapports qui seraient utilement établis entre les écoles d'agriculture et les écoles spéciales qui dépendent du même département ministériel.

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Déjà, par un arrêté du 10 novembre 1844, auquel nous ne saurions trop applaudir, M. le ministre de l'agriculture et du commerce a décidé qu'aucun candidat ne serait admis à l'école des haras, s'il ne justifiait avoir passé un an au moins dans une école d'agriculture.

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Pourquoi n'encouragerait-on pas, soit en leur accordant des titres aux bourses, soit par des modifications dans les programmes d'examen, les jeunes gens qui auraient subi honorablement leurs épreuves dans les écoles

d'agriculture, avant de se présenter aux écoles vétéri naires ? Les vétérinaires sont en rapport journalier avec les hommes qui se livrent à la culture du sol; plus que personne ils peuvent concourir à les éclairer ; et votre Commission pense qu'on ne doit rien négliger de ce qui peut les familiariser avec les connaissances agricoles.

» Elle considérerait aussi comme un encouragement utile qu'une partie des agents secondaires de l'Administration des forêts fussent choisis parmi les élèves des fermes-écoles.

» Nous voici au terme de notre tâche; nous en avons trop bien apprécié les difficultés pour ne pas savoir que notre travail laisse beaucoup à désirer. Organiser, d'une façon complète, l'enseignement agricole en France, ne peut être que l'œuvre du temps; et, quant à nous, notre ambition serait satisfaite, si nos propositions renfermaient des idées utiles: c'est à vous d'en juger, Messieurs.

> En traitant de l'enseignement, il n'est pas permis d'oublier que les bons exemples sont toujours d'excellentes leçons, et qu'en agriculture il appartient surtout aux propriétaires de les donner. Leur séjour à la campagne exercerait une bienheureuse influence sur ses progrès, car ils ne tarderaient pas à lui apporter le tribut de leur intelligence et de leurs capitaux. Tout ce qui dans nos lois, et c'est par cette réflexion que nous finissons, aura pour but d'encourager cette tendance, en exerçant les plus heureux effets sur l'agriculture, concourra donc puissamment à accroître la prospérité publique.

» Il ne nous reste plus, Messieurs, qu'à résumer, sous la forme de vœux, les propositions dont nous vous avons

développé les motifs. Nous devons espérer d'autant plus de les voir accueillis par le Gouveruement, si vous les sanctionnez par votre vote, qu'il est juste de reconnaître que, sur la plupart des points, il est entré déjà dans les vues que nous indiquons.

» Votre Commission vous propose la résolution sui

vante :

› Le Conseil général d'agriculture émet le vœu que, pour compléter l'œuvre qu'il a commencée, le Gouvernement prenne en considération les idées suivantes, et qu'il adopte les mesures nécessaires pour les réaliser :

› 1° Favoriser la tendance de la science à s'occuper de l'agriculture. A cet effet, administrer expérimentalement les établissements que l'Etat possède: vacheries, bergeries, haras. Si ces moyens sont insuffisants, créer, près de Paris, une ferme spécialement destinée aux essais scientifiques.

» Publier annuellement les résultats obtenus.

» 2o Créer, sous la direction du ministre de l'agriculture et du commerce, des chaires d'économie politique appliquée à l'agriculture dans les principaux centres de population, et notamment dans les villes où sont établies des facultés.

> 3o Donner, dans des instituts agronomiques peu nombreux, et répartis sur le territoire en raison des diverses natures de cultures, une instruction théorique développée et des connaissances pratiques étendues.

» 4° Organiser, s'il est possible, pour les élèves, à leur sortie de ces instituts, un stage, soit chez des propriétaires , soit dans un établissement, et les soumettre à ce stage avant de leur confier un emploi.

50 Créer de nombreuses fermes-écoles destinées à former des maîtres-valets, véritables contre-maîtres de l'industrie agricole, en aussi grand nombre que le réclament les besoins du pays : ces établissements seraient consacrés principalement aux études pratiques et aux travaux manuels.

» 6° Subventionner les instituts et les fermes-écoles, en se chargeant des frais matériels et du traitement des professeurs, et en y fondant des bourses.

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» Organiser l'enseignement dans ces établissements sur des bases uniformes.

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7° Subventionner également les écoles d'agriculture annexées aux établissements qui, sous divers titres : colonies asiles, pénitenciers, sont placés sous la surveillance du ministre de l'intérieur ; mais alors réserver au département de l'agriculture et du commerce, pour ces écoles comme pour les précédentes, la direction de l'enseignement: ne pas perdre de vue, dans son organisation, que plusieurs de ces établissements paraissent propres à la pratique de l'horticulture, plus encore qu'à l'agriculture proprement dite.

» 8° Donner aux élèves, dans les écoles normales primaires, des notions générales d'agriculture et d'horticulture.

» 9° Accorder quelques avantages aux élèves des écoles d'agriculture qui se présentent à l'école des haras, ou bien aux écoles vétérinaires; donner des connaissances agricoles aux élèves de ces établissements.

VOTE ADOPTÉ PAR LE CONSEIL.

Le Conseil général d'agriculture émet le vœu que, pour compléter l'œuvre qu'il a commencée, le Gouvernement prenne

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