Page images
PDF
EPUB

TRADUCTION

D'une Lettre de la Ville de Hambourg, écrite à l'Empereur le 19. Decembre 1731.

V

Oire Majefté Imperiale aura vû par notre très - humble Rélation du 12. de ce mois, ce que les Miniftres de la Grande Bretagne & de Hollande ont demandé de nous, au fujèt du Vaifleau venu de la Chine il y a trois mois, & ce que nous y avons repliqué..

Deux jours après ils ont présenté un autre Memoire dont la Copie eft ci-jointe, infiftant toûjours fur leur premiére prétention & demandant l'inhibition d'une vente des Marchandifes Indiennes qui fe fit alors dans la Maifon d'un habitant & Marchand de cette Ville, Mrs. les Miniftres faifant entendre au refte, que la Ville, fes habitans & fon trafic avoient à craindre des fuites defagréables & dangereuses par rapport à cette affaire.

Nous n'avons pas manqué de repréfenter par notre Reponfe réiterée que cette demande étoit contraire à la fûreté & liberté non feulement de nos habitans, mais de toute la Nation Teutonique & de la Riviére de l'Empire, l'Elbe; que les confequences en feroient fort facheufes, & que nous ne pouvions pas faire la moindre cho

fe

fe dans une affaire de cette importance, de peur qu'il n'en résultat à la bonne Ville, & à toute la Nation Germanique un préjudice irreparable.

Cependant nous avons raifon de craindre que nonobftant tout cela, ces deux grandes Puiflances ne vouluffent pas changer de deffein, que plûtôt elles pourfuivront l'affaire avec empreffement, & que fi Votre Majelté Imperiale ne daigne pas nous prendre très-gracieulement dans fa protection, elles pourront bien en venir aux voyes de fait, auxquelles nous fommes toûjours expofez d'autant plus qu'il leur eft facile de faire ceffer notre Navigation tout d'un coup.

Il ne peut pas échaper à la grande pénetration de Votre Majefté Imperiale qu'il y a ici quelque deffein caché tendant au préjudice de l'Empire Germanique, & defon Commerce plus qu'il ne paroit exterieure. ment, & que le pretexte d'un Negoce illicite des Interlopes a pour fondement, fi non une entiere interdiction, du moins une grande reftriction du Trafic immediat de l'Allemagne aux Indes Orientales.

Pofons le cas, quand même le Vaiffeau Appollon feroit effectivement un Interlope (quoique nous ne puiffions pas le tenir pour tel, à caufe des Pafleports & Pavillons Pruffiens dont il eft muni) quand même ce Vaiffeau eut été équipé par les Sujets de Sa Majefté Britannique & de Leurs Hautes Puiffances, & quand même il n'auroit pas fait fon Commerce dans un Royaume libre & independant, comme eft la Chine, mais

dans

dans des Colonies Angloifes & Hollandoifes: nous ne voyons pourtant pas comment on y puiffe former une prétension lorfqu'il fe trouve dans un Port neutre, puifque, felon le Droit des Gens, perfonne n'eft obligée de defendre l'entrée à un tel Vaiffeau, dont on ne reconnoit pas ici le Trafic pour illicite, quoiqu'une autre Nation le fafle, ni d'arrêter la Cargaifon, dont les Marchandifes n'ont jamais été déclarées pour Contrebandes, ni ici, ni dans toute l'Allemagne, quoiqu'en Angleterre & en Hollande elles le foient, en vertu des Privileges donnez aux Compagnies des Indes Orientales de ces Païs-là. Ces Puiflances ont même reconnu dans leurs Orois que lesdites Compagnies n'en pourront pas tirer le Droit de réclamer de femblables Interlopes auprès des Nations étrangeres. C'eft pourquoi elles ont bien donné la permiffion aux Compagnies de prendre & confifquer les Interlopes lorfqu'ils les remontreroient aux Indes; mais fi leurs propres Sujèts faifoient un tel Commerce illicite Leurs Hautes Puiffances ont ordonné dans la Préface de l'Octroi de 1700. donné à la Compagnie des Indes Occidentales qu'un tel Vaiffeau s'étant retiré dans un autre Païs ou Havre, on feroi execution fur fes Proprietaires, & Intéressez jufqu'au montant de fa valeur, & de fes Marchandises.

Il en paroit clairement, que les Compagnies Indiennes d'Angleterre & de Hollande n'ont jamais penié ci-devant, qu'elles avoient

....

avoient un Droit plus étendu que celui d'empêcher aux Indes mêmes ceux qui y feroient un trafic défendu de leur part, & que fi leurs compatriotes en étoient coupables, fe retirant avec leurs Vaiffeaux dans un Port Etranger, on s'en prendroit aux intéreffez habitans du Païs.

Si malgré tout cela on forçoit cette Ville-ci, fuivant les demandes de Mrs. les Miniftres d'Angleterre & de Hollande d'arrêter & delivrer le Vaiffeau de la Chine & fa Cargaifon, alors l'Elbe, qui pourtant eft une Riviére de l'Empire, & le Port de cette Ville appartiendroient plûtôt aux Nations Britanniques & Hollandoifes qu'à l'Empi re Romain, & on feroit obligé de fe regler comme dans cette affaire-ci, ainfi dans plufieurs autres, felon les Ordonnances & Loix, qu'on a déja établies en Angleterre & en Hollande au fujet du Commerce & de la Navigation, & qu'on pour ra encore étendre plus loin à l'avenir.

Le foin Paternel que Votre Majefté Imperiale a fait voir en tant d'occafions durant fon Regne très-glorieux pour la grandeur & la liberté de la Nation Allemande ne permet pas de craindre que les chofes aillent jamais fi loin, ni que cette Ville & la Franchife de fon Commerce, dont elle a jouï depuis tant de fiécles, & que les glorieux ancêtres de Votre Majetté Imperiale ont très-gracieufement confirmée, furtout au fujèt de la Riviére de l'Elbe, du confentement du Collège Electoral par le Privilége de l'An 1637. foient

tou

touchées & enfraintes d'une maniére fi éclatante. Nous fommes plûtôt perfuadez de l'affiftance de Votre Majefté Imperiale & nous l'en fupplions très-humblement avec d'autant plus de confiance que les Loix de l'Empire, nommement la Paix de Weftphalie Art. 9. §. 1. & 2. auffi bien que la Capitulation de Votre Majefté Imperiale Art. 7. qui regardent le maintien du Commerce de l'Empire, parlent pour nous dans une affaire que Votre Majefté Imperiale prendra particuliérement à cœur, & qu'elle tâchera de terminer au bien général de l'Empire Germanique & à fa gloire perpe

tuelle.

Pour Conclufions nous prions très-humblement Votre Majefté Imperiale de vouloir bien confiderer qu'un tel accident fâcheux pourroit furprendre cette Ville trèsfubitement à caufe de fa fituation, & qu'après coup il ne feroit pas fi aifé d'y remedier, puifqu'il en refulteroit une perte irreparable, & comme il nous importe tant de prévenir ce malheur, nous fupplions très-humblement Vôtre Majefté Imperiale d'y mettre ordre, étant au refte &c.

[ocr errors][merged small][ocr errors][ocr errors]

ne,

La fituation où étoient alors les affaires entre les Cours de Berlin & de Vienfit trainer la décifion de cette affaire. On fentoit bien d'un côté l'équité de la Requifition des Puiffances maritimes; de l'autre la violation des Traitez étoit vifible, & le fubterfuge de la Compagnie abolie d'Oftende étoit trop groffier; quel,, ques

« PreviousContinue »