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Situation nécessairement privilégiée de l'École de Paris. Est-ce enfin un privilège particulier et contraire aux principes de l'égalité que l'on croit apercevoir dans sa composition exécutée plus en grand, que l'on aurait à lui reprocher? Mais ce privilège, qui semble exister en apparence, n'a, dans le fait, aucune réalité; et d'ailleurs ce n'est pas à la diminution de l'organisation de l'École qu'il devrait conduire. En effet, l'enseignement dans cette école étant divisé en douze cours principaux, et les projets d'organisation dont on s'occupe en ce moment adoptant le même nombre de cours dans les autres Écoles, on voit que l'égalité la plus parfaite existerait entre les différents établissements appelés à remplir le même service. Mais si cette exacte égalité est commandée entre toutes les écoles pour ce qui concerne l'enseignement; si la santé ou la vie des hommes étant partout d'un égal prix, si dès lors l'instruction de ceux qui sont appelés à veiller sur ce dépôt devant être la même dans toutes les villes, les mêmes sources d'instruction, la même abondance de lumières doivent se trouver pour chacune des branches de l'art dans les écoles, quoiqu'il fût cependant plus conforme à la raison de dire que ce principe n'est exactement vrai que pour les parties fondamentales et essentielles, il n'en est plus de même pour toutes les autres fonctions que les écoles ont à remplir, et qui ne peuvent être que très inégalement partagées entre elles. Telles sont les réceptions. Ainsi la dispensation de la justice devant être religieusement la même pour tous les citoyens, le nombre des juges dans les tribunaux, celui des citoyens dans les jurys doivent être, par une loi sacrée, semblables dans toutes les sections de l'État. Mais partout où, comme à Paris, une grande population multiplie les travaux du service, nous voyons ces tribunaux formés plus en grand et divisés en sections, composées du même nombre d'hommes, pour donner cation. Tout concourt à démontrer que la foule des élèves que l'École de Paris a en ce moment, comme elle l'a eue toujours, fait la moitié au moins de ceux qui étudient l'art en France, et, par une conséquence nécessaire, cette proportion d'élèves lui attirera aussi la moitié des réceptions. En effet, des calculs faits avec soin portent le nombre des officiers de santé, médecins, chirurgiens et pharmaciens existants en France à plus de douze mille. En évaluant sur cette classe d'individus, de l'âge de vingt-cinq à soixante-dix ou quatre-vingts ans, la mortalité par an au vingtième, au lieu du vingt-cinquième ou vingt-huitième qu'elle est estimée, prise sur le cours entier de la vie, le nombre des remplacements doit être au moins de six cents. Mais six cents réceptions, à quatre années d'études pour mesure moyenne, donnent deux mille quatre cents élèves, dont Paris possède la moitié et au delà; et d'après le même calcul douze cents élèves, à quatre années d'études, lui donneront trois cents récipiendaires ou moitié des réceptions.

De quelque manière que l'on fixe le placement des cinq écoles qui sont proposées, sur les deux mille cinq cents élèves qui doivent exister, et qu'à la paix l'affluence des étrangers portera, à coup sûr, à trois mille, plus de douze cents appartiendront à l'École de Paris, cinq à six cents à l'École de Montpellier, tandis que les trois autres se partageront le restant à raison de deux à trois cents au plus chacune.

XXVIII.

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la même garantie et offrir le même nombre de chances à tous ceux qui y sont appelés. Or, telle est l'image des besoins du service pour l'École, relativement aux réceptions, et telle est aussi celle des moyens qu'offre l'institution des places de professeurs adjoints pour satisfaire à ce qu'ils peuvent exiger.

C'est sous ce point de vue que doit être envisagée la question de l'utilité des places de professeurs adjoints, et qu'elle s'éclaire d'un jour qui ne laisse plus accès à aucun doute. C'est sous ce rapport qu'il est vrai de dire que la composition des écoles, au moins relativement au nombre des professeurs, doit varier suivant la quantité des élèves, on peut ajouter aussi relativement au nombre des places ou emplois étrangers à l'enseignement, c'est-à-dire qui concernent le régime administratif et la tenue des deux genres principaux de collections qui conviennent à ces établissements.

Mais si la nécessité de ces places dans l'École de Paris, si l'impossibilité de pouvoir faire face aux réceptions et aux détails du service sans leur secours était démontrée, elles doivent être conservées; c'est leur ajouter le dernier degré d'utilité, de charger les hommes appelés à les remplir de porter le fardeau des fonctions de l'enseignement avec leurs collègues, de partager avec eux les travaux littéraires. Enfin si l'on observe que depuis plusieurs années que les ci-devant facultés sont supprimées, il n'y a point eu de réceptions; que le nombre, dans ces derniers temps, en sera très considérable, on verra encore mieux jusqu'à quel point il est impossible de diminuer le nombre des professeurs dans l'École.

En adoptant ces différentes vues, on consolidera à jamais un établissement d'une utilité à laquelle aucune autre ne cède, et qui doit servir de modèle à toute l'Europe (1).

Eh! sous quels plus heureux auspices peut-on en attendre l'exécution, qu'au moment où une paix glorieuse couronnant les sublimes efforts de la

(1) On croit devoir rappeler que dans le rapport sur les écoles spéciales, fait pendant la dernière session par le citoyen Daunou au nom de la Commission d'instruction publique, il existe un plan d'organisation des écoles de santé et que ce projet, qui proposait la conservation des trois écoles actuelles dans toute leur intégrité, avait été concerté avec l'Institut national et les hommes les plus instruits dans l'art de guérir à Paris. A ce dernier titre, on jugera sans doute devoir le prendre en considération dans la discussion sur l'organisation des écoles.

La Commission, dans ce rapport, ne proposait d'ajouter aux trois écoles de santé actuelles que des établissements d'enseignement secondaire dans vingt communes des départements, contenant des hôpitaux de deux cents lits. Ce projet, le plus économique et le plus utile de tous ceux que l'on a proposés, aurait le grand avantage de rapprocher l'enseignement des élèves, de le mettre plus à la portée de la classe de ceux qui ne se proposent que d'exercer dans les campagnes; enfin d'utiliser, sous ce rapport, les hôpitaux dans lesquels on n'a cessé de répéter que devait être surtout placé l'enseignement de la médecine.

Ces vues utiles ne seront pas négligées par les législateurs.

nation française, elle ambitionne d'obtenir par la gloire littéraire le même éclat qu'elle s'est acquis par celle des armes; où un esprit éminemment conservateur, inspiré par le génie tutélaire des sciences et des arts, a réussi jusqu'à ce moment à repousser tant d'attaques successivement dirigées contre le petit nombre d'établissements utiles qui consolent l'humanité, et qui illustrent la République!

ANNEXE VIII.

OBSERVATIONS

ADRESSÉES PAR L'ÉCOLE DE SANTÉ

AU CONSEIL DES CINQ-CENTS

EN RÉPONSE AUX IMPUTATIONS CONTENUES DANS PLUSIEURS OPINIONS
ÉMISES À LA TRIBUNE DU CONSEIL (1)

(Suite au mémoire qui précède, intitulé : De l'état actuel de l'École de santé de Paris, publié par l'École).

17 germinal de l'an vi (6 avril 1798).

Si dans l'importante discussion qui occupe en ce moment le Corps législatif, l'École de santé n'eût vu que ses intérêts blessés et son existence compromise, elle se serait fait un devoir de garder le silence. Satisfaite du bien qu'elle a pu opérer, environnée de la foule de ses nombreux élèves, tout entière à ses devoirs, étrangère dans le sein de l'étude aux passions, aux rivalités qui s'agitent au dehors et surtout pleine de confiance dans la sagesse des représentants de la nation, elle aurait attendu avec calme leur décision. Mais le projet pour l'organisation des Écoles, présenté par la Commission de l'instruction publique et livré à l'impression, ne lui permettant plus de méconnaître que l'on proposait de sacrifier des parties d'instruction qui avaient bien prospéré dans son sein; que l'enseignement de l'art en éprouverait un dommage réel; que l'on tromperait les espérances de cette foule d'élèves qui de tous les points de la République, et même des pays étrangers, sont venus y chercher un complément d'instruction, que comporte seule son organisation actuelle; convaincue surtout que ces omissions, ces retranchements ne provenaient que du défaut de renseignements pris sur la composition de l'École, elle a cru devoir défendre les intérêts de la science, et offrir dans un mémoire imprimé qu'elle a adressé au Conseil le résultat de son expérience à cet égard.

Aujourd'hui, par le même défaut d'informations exactes ou par une fausse interprétation de celles qu'elle s'est empressée de donner, elle voit sa réputation attaquée par des inculpations les moins fondées et les plus injustes.

(1) Bibliothèque nationale, T, 262.

Dans cette position, comme dans la première, elle offre au Corps législatif des renseignements précis qu'elle eût préféré que la Commission eût pris elle-même dans son sein, ou qu'elle l'eût mise à portée de lui présenter dans le plus grand détail, comme elle n'a cessé de l'offrir et de le désirer.

On reproche à l'École d'avoir trompé le Conseil en attribuant à tous ses professeurs la gloire qu'elle s'est acquise. On lui reproche de n'en avoir plusieurs nommés que depuis peu de temps, l'un depuis trois mois, l'autre depuis quelques mois (Calès).

Prétend-on faire entendre par cette assertion que l'École, en laissant vacantes les places dont il est question, a pu se passer des professeurs qui devaient les remplir, et qu'elle a fait son service sans leur secours depuis son institution? La plus simple information sur l'état de l'École eût suffi pour la détruire. Toutes les places de professeur à l'École ont été constamment occupées depuis sa formation. La mort, la non-acceptation, la démission de plusieurs professeurs ont donné lieu dans son sein à des mutations et à des remplacements; et quelques-uns ont eu lieu aux époques plus ou moins rapprochées dont on vient de parler. L'École insiste d'autant plus sur cet objet, qu'elle trouve ici l'occasion de payer un juste tribut d'éloges aux services et à la mémoire de ceux de ses membres qu'une mort prématurée et funeste (1) a enlevés à l'humanité et aux sciences, ainsi qu'aux talents de ceux que des circonstances ont empêchés de venir prendre part à ses

travaux.

Quant à celui de ses membres qui est resté aux armées (Calès), l'École, par son empressement à le suppléer dans son sein, a cru remplir un devoir sacré en secondant le généreux dévouement qui l'a tenu constamment attaché aux armées depuis le commencement de la guerre. Elle lui continuera cette marque d'intérêt au moment où ses talents et la confiance du Gouvernement l'appellent à concourir, comme premier chirurgien de l'armée, à la glorieuse expédition préparée contre l'Angleterre; et lorsque l'École étant d'ailleurs au complet, un de ses professeurs lui manque sur vingt-sept, pour un si honorable motif, quel sujet d'étonnement y aurait-il qu'elle pût en faire remplir les fonctions, lorsqu'il lui serait en même temps d'une impossibilité démontrée de se passer de quatorze de ses membres ?

Mais dans le nombre des professeurs qui sont à Paris, on représente que plusieurs n'ont donné aucun cours, que parmi ceux qui en ont donné, quelquesuns ont donné quarante leçons par an et d'autres huit en trois ans (Calès).

L'École dément d'abord positivement cette dernière assertion. Le professeur adjoint de la chaire de médecine opératoire, dont on a entendu parler (2), a constamment fait chaque année vingt leçons et plus sur les maladies

(1) Les citoyens Desault, Chopart, Doublet, Mannouri.

(2) Le citoyen Lallement, opinion de Calès. On reproche à l'école de n'avoir point répondu à la question qui lui a été faite, combien de leçons a comportées chaque

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