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tique. Mais, comme le Gouvernement nommera les professeurs et les docteurs qui présideront aux réceptions, on en verra disparaître l'indulgence et la partialité qui n'y régnaient que trop souvent.

Les anciennes lois permettaient aux veuves de continuer l'exercice de la pharmacie; le silence que le nouveau projet garde à cet égard a paru frapper quelques esprits. Mais vous observerez, Citoyens tribuns, que la pharmacie, étant, comme je l'ai déjà dit, moins un métier qu'une profession savante, doit être, par cette raison, interdite aux femmes. D'ailleurs, le projet de loi n'empêche pas les veuves d'associer à leur commerce des pharmaciens légalement reçus.

Le titre IV, qui comprend la police de la pharmacie, renouvelle les anciennes lois dont l'expérience a démontré la bonté, et y ajoute de nouvelles dispositions également nécessaires. Il détermine le mode que les pharmaciens seront obligés de suivre pour faire conslater légalement leur réception. Les élèves reçus par les écoles pourront s'établir dans toute la République, et ceux qui seront reçus par les jurys n'exerceront que dans leurs départements respectifs. Le projet interdit la vente des compositions pharmaceutiques aux personnes qui n'auront pas subi les épreuves prescrites. Il permet aux officiers de santé d'administrer, sans officine ouverte, des médicaments dans les lieux où il n'y aura pas de pharmacien. Il défend aux épiciers de vendre au poids médicinal, et aux pharmaciens de vendre au poids de commerce; il proscrit les remèdes secrets et les étalages que les charlatans font sur les places publiques; il soumet à un examen les herboristes, dont les erreurs ont été si souvent funestes aux malades; il prononce une punition sévère contre l'imprudence ou la mauvaise foi de ceux qui vendent des matières vénéneuses, punition dont un crime presque inouï dans les fastes de la justice démontre l'urgente nécessité; il ordonne des visites générales et particulières dans tous les laboratoires de pharmacie; enfin, il promet un formulaire impatiemment attendu par les jeunes médecins, et surtout par les officiers de santé qui sont éloignés des grandes villes.

Telles sont, Citoyens tribuns, les dispositions du projet de loi sur l'exercice de la pharmacie; elles ont moins pour but d'innover que de perfectionner cette partie de notre législation; elles présentent une garantie suffisante contre l'inexpérience et la mauvaise foi; elles forment le complément de la loi sur l'exercice de la médecine

et donnent lieu d'espérer que les progrès de ces deux sciences contribueront de plus en plus à diminuer les maux qui affligent l'humanité.

Votre section de l'intérieur, dont je suis l'organe, vous propose de les adopter.

XXVIII.

38

CORPS LÉGISLATIF.

PROJET DE LOI

RELATIF À L'ORGANISATION ET À LA POLICE

DE LA PHARMACIE.

DISCOURS DE CARRET (DU RHÔNE) (1).

Séance du 21 germinal de l'an x1 (11 avril 1803).

Citoyens législateurs,

Après avoir jeté un coup d'œil attentif sur la nécessité urgente de régulariser l'art de guérir, de le rendre inaccessible à l'inepte médiocrité, et de ne livrer qu'à des hommes dignes de la confiance publique cet art, aussi salutaire entre leurs mains qu'il devient terrible et funeste entre celles de l'ignorance, après avoir pris à cet égard toutes les mesures que la prudence pouvait dicter à un gouvernement sage et éclairé, ce qu'il restait de plus important à faire, c'était de porter dans ses autres branches cette surveillance paternelle, nécessaire partout et indispensable ici, parce qu'il est question de l'intérêt des lois.

Le médecin ne peut pas agir seul, quelles que soient ses connaissances théoriques et la justesse de ses observations journalières; la rapidité de son coup d'œil se borne à lui indiquer la cause, la nature et les remèdes du mal. Mais ici même commence pour lui le besoin d'agents capables de le seconder et de concourir au but général, la guérison des maladies. Il serait à désirer sans doute que le même homme pût embrasser et cultiver à la fois toutes les branches de l'art de guérir; et tel était autrefois le médecin, dans les temps heureux où les maladies étaient plus rares, moins compliquées de ces différents mélanges qui constituent autant de maladies particulières, et oppriment à la fois le même individu : elles

(1) Arch. parlementaires, 2° série, t. IV, p. 606.

étaient bien plus faciles à distinguer et à guérir. Un petit nombre de remèdes suffisait à l'art, et un seul homme pouvait connaître et préparer lui-même les plantes que la nature offrait, et qui souvent même n'avaient besoin d'aucune préparation pour devenir des remèdes efficaces. Mais depuis que la dépravation sociale a introduit, et introduit encore tous les jours une foule de maladies nouvelles, ou fait prendre des caractères aussi nouveaux qu'alarmants à celles qui étaient déjà connues; depuis que la nature, sans cesse contrariée dans sa marche, semble s'éloigner de nous à proportion que nous nous écartons d'elle, un seul homme n'a pu suffire à l'étendue immense des connaissances qui se multipliaient en raison du besoin que l'on en avait. Alors la médecine a partagé ses fonctions, et appelé tous les arts au secours et à l'appui de l'art de guérir.

Ainsi la chirurgie et la pharmacie, réunies d'abord à la médecine, en sont devenues deux branches séparées, qui, cultivées à part par des hommes qui s'y sont consacré tout entiers, ont fait des progrès rapides, et sont arrivés à des résultats bien plus heureux.

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Garanties nécessaires. La pharmacie a étonné par le nombre et l'importance des découvertes. Mais, par une suite naturelle de tout ce qui porte le caractère des inventions humaines, ici comme ailleurs, le danger est à côté du salut, et le mal à côté du bien. Plus l'étude, la connaissance et la préparation des plantes et de tout ce qui entre dans la composition des médicaments sont et peuvent être utiles à la société, plus il devient nécessaire que cet art ne soit exercé que par des hommes dont les preuves soient faites, et qui offrent au public une garantie suffisante à la confiance qu'il doit leur accorder. C'est sous ce dernier rapport que le gouvernement a dû s'en occuper, et sans gêner en rien le libre exercice des arts, renfermer cependant dans des bornes sévères ceux qui, comme la pharmacie, ont une influence trop directe sur la santé et la sûreté des particuliers.

L'orateur du Gouvernement vous a peint en grand administrateur, en ami de l'humanité, le danger nécessairement attaché à trop de latitude dans cette profession : la santé, la vie même des citoyens journellement compromise, leur confiance trompée et leur crédulité abusée avec autant d'audace que d'impunité; voilà les inconvénients principaux qui en résultent. La pharmacie ne se borne plus aujourd'hui à la simple préparation de quelques médicaments connus.

Comme les maladies qui les nécessitent, les remèdes ont dû se multiplier, se combiner d'une foule d'éléments dont il faut connaître les propriétés relatives, et l'effet dans la combinaison générale. Cette science tient à d'autres connaissances qu'il faut acquérir, à des études qu'il faut avoir faites, à des expériences assez souvent répétées, pour être sûr qu'on a arraché à la nature son secret dans la combinaison du mixte, qu'on veut reconnaître pour s'en servir ou s'en défendre. C'est une vérité sentie dans tous les temps; il suffira, pour nous en convaincre, de jeter sur l'histoire de la pharmacie un coup d'œil attentif.

Historique. A l'époque où on reconnut la nécessité de débarrasser le médecin de tout ce qui pouvait arrêter la marche de ses études, qui devenaient de jour en jour plus étendues et plus intéressantes; quand chacune des parties qui constituaient ce grand art fut devenue elle-même un art important et que la chirurgie surtout mérita d'occuper seul le génie et les méditations d'un homme, la pharmacie appela à son tour l'attention de l'autorité publique. Pour qu'elle ne restât pas soumise aux caprices ou aux dangers de l'inexpérience, on la comprit dans cette grande association connue sous le nom des six corps, et elle eut des règlements souvent communs aux épiciers et aux droguistes. Toujours surveillée par la police et assujettie dans son exercice à des formalités sagement rigoureuses, elle demeura longtemps unie à des professions purement mercan

tiles.

Mais à mesure que les sciences s'approchèrent du point de perfection où elles touchent aujourd'hui, leur impulsion victorieuse se communiqua naturellement à tout ce qui avait avec elles un rapport plus ou moins éloigné. Ainsi les progrès de la chimie entraînaient et facilitaient ceux de la pharmacie; et ce qui n'avait jusqu'alors été qu'une espèce de routine devint une science qui eut besoin d'études spéciales et de professeurs particuliers.

Ce fut ce qui amena l'établissement du collège de pharmacie, où venaient se former de tous les points de la France ceux qui voulaient exercer l'art du pharmacien. C'est de ce centre respectable de lumières que la science allait se réfléchir jusqu'aux extrémités les plus éloignées de l'empire. L'uniformité des études, la nécessité, le nombre et la sévérité des preuves exigées dans les examens, tout garantissait à la société la confiance que lui doivent inspirer les arts

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