Page images
PDF
EPUB

différence que tantôt le grand nombre dépend du petit, et tantôt le petit du grand (1).

Quelquefois il y a partage égal, soit quand les parties constitutives sont dans une dépendance mutuelle, comme

Pierre n'aurait pas imité ce philosophe, trop injuste ennemi de la monarchie, qui, chargé dans un dictionnaire de morale de l'article Citoyen, voulait le réduire à ces deux mots: Citoyen, voyez République.

(1) ARISTOTE, Politique, liv. VI, chap. I. — Ce qui multiplie les formes des constitutions c'est précisément la multiplicité des éléments qui entrent toujours dans l'État... Or ces éléments de l'État peuvent prendre part au pouvoir soit dans leur universalité, soit en nombre plus ou moins grand. Il s'ensuit évidemment que les espèces de constitution doivent être de toute nécessité aussi diverses que ces parties mêmes le sont entre elles suivant leurs espèces différentes. La constitution n'est pas autre chose que la répartition régulière du pouvoir qui se divise toujours entre les associés soit en raison de leur importance particulière, soit d'après un certain principe d'égalité commune, c'est-à-dire qu'on peut faire une part aux riches et une autre aux pauvres, ou leur donner des droits communs. Aussi les constitutions seront nécessairement aussi nombreuses que le sont les combinaisons de supériorité et de différence entre les parties de l'État...

Pour nous, il n'y a que deux constitutions ou même une seule constitution bien combinée dont toutes les autres dérivent et dégénèrent. Si tous les modes en musique dérivent d'un mode parfait d'harmonie, toutes les constitutions dérivent de la constitution modèle; oligarchique, si le pouvoir y est concentré et plus despotique; démocratique, si les ressorts en sont plus relâchés et plus doux.

C'est une grave erreur, quoique fort commune, de faire reposer exclusivement la démocratie sur la souveraineté du nombre, car dans les oligarchies aussi, et l'on peut même dire partout, la majorité est toujours souveraine. D'un autre côté l'oligarchie ne consiste pas davantage dans la souveraineté de la minorité...

...Il n'y a de démocratie réelle que là où les hommes libres, mais pauvres, forment la majorité et sont souverains. Il n'y a d'oligarchie que là où les riches et les nobles en petit nombre possèdent la souveraineté...

...Les seules choses qu'on ne puisse cumuler sont la pauvreté et la richesse, et voilà pourquoi riches et pauvres semblent les deux parties les plus distinctes de l'État. D'autre part, comme le plus ordinairement ceux-ci sont en majorité, ceux-là en minorité, on les regarde comme deux éléments politiques parfaitement opposés. Par suite la prédominance des uns et des autres fait la différence des constitutions qui semblent en conséquence être bornées à deux seulement, la démocratie et l'oligarchie.

FRÉDÉRIC II, Anti-Machiavel, chap. xII. Cette différence des gouvernements est très sensible, et elle est infinie lorsqu'on veut descendre jusque dans les détails; et de même que les médecins ne possèdent aucun secret qui convienne à toutes les maladies et à toutes les complexions, de même les politiques ne sauraient-ils prescrire des règles générales, dont l'application soit à l'usage de toutes les formes de gouvernements.

dans le gouvernement d'Angleterre (1); soit quand l'autorité de chaque partie est indépendante, mais imparfaite, comme en Pologne. Cette dernière forme est mauvaise, parce qu'il n'y a point d'unité dans le gouvernement, et l'État manque de liaison.

que

Lequel vaut le mieux d'un gouvernement simple ou

(1) R. Projet de Constitution pour la Corse. — Le peuple anglais n'aime pas la liberté pour elle-même, il l'aime parce qu'elle produit de l'argent.

R. 7o Lettre de la Montagne. — Figurez-vous, monsieur, que quelqu'un, vous rendant compte de la constitution de l'Angleterre, vous parle ainsi : « Le gouvernement de la Grande-Bretagne est composé de quatre ordres dont aucun ne peut attenter aux droits et attributions des autres, savoir le roi, la chambre haute, la chambre basse et le parlement. »Ne diriez-vous pas à l'instant : « Vous vous trompez; il n'y a que trois ordres : Le parlement, qui, lorsque le roi y siège, les comprend tous, n'en est pas un quatrième : il est le tout; il est le pouvoir unique et suprême, duquel chacun tire son existence et ses droits. Revêtu de l'autorité législative, il peut changer même la loi fondamentale en vertu de laquelle chacun de ces ordres existe; il le peut, et, de plus, il l'a fait. »

Cette réponse est juste; l'application en est claire: et cependant il y a encore cette différence que le parlement d'Angleterre n'est souverain qu'en vertu de la loi, et seulement par attribution et députation.

MONTESQUIEU, Esprit des Lois, liv. XI, chap. vi. De la constitution d'Angleterre. La liberté politique dans un citoyen est cette tranquillité d'esprit qui provient de l'opinion que chacun a de sa sûreté, et pour qu'on ait cette liberté il faut que le gouvernement soit tel qu'un citoyen ne puisse pas craindre un citoyen.

Lorsque dans la même personne ou dans le même corps de magistrature la puissance législative est réunie à la puissance exécutive, il n'y a point de liberté, parce qu'on peut craindre que le même monarque ou le même sénat ne fasse des lois tyranniques pour les exécuter tyranniquement.

Il n'y a point encore de liberté si la puissance de juger n'est pas séparée de la puissance législative et de l'exécutrice.

Tout serait perdu si le même homme ou le même corps de principaux ou de nobles ou de peuple exerçaient ces trois pouvoirs : celui de faire des lois, celui d'exécuter les résolutions publiques et celui de juger les crimes ou les différends des particuliers...

Comme dans un État libre, tout homme qui est censé avoir une âme libre doit être gouverné par lui-même, il faudrait que le peuple en corps eût la puissance législative; mais comme cela est impossible dans les grands États et est sujet à beaucoup d'inconvénients dans les petits, il faut que le peuple fasse par ses représentants tout ce qu'il ne peut pas faire par lui

même...

Le grand avantage des représentants, c'est qu'ils sont capables de discuter les affaires. Le peuple n'y est point du tout propre, ce qui forme un des grands inconvénients de la démocratie.

Il y a toujours dans un État des gens distingués par la naissance, les ri

d'un gouvernement mixte? Question fort agitée chez les politiques (1), et à laquelle il faut faire la même réponse que j'ai faite ci-devant sur toute forme de gouvernement.

Le gouvernement simple est le meilleur en soi, par cela seul qu'il est simple. Mais quand la puissance exécutive ne dépend pas assez de la législative, c'est-à-dire quand il y a plus de rapport du prince au souverain que du peuple au prince, il faut remédier à ce défaut de proportion en divisant le gouvernement; car alors toutes ses parties n'ont pas chesses ou les honneurs, mais s'ils étaient confondus parmi le peuple et s'ils n'y avaient qu'une voix comme les autres, la liberté commune serait leur esclavage; et ils n'auraient aucun intérêt à la défendre, parce que la plupart des résolutions seraient contre eux. La part qu'ils ont à la législation doit donc être proportionnée aux autres avantages qu'ils ont dans l'État, ce qui arrivera s'ils forment un corps qui ait droit d'arrêter les entreprises du peuple, comme le peuple a le droit d'arrêter les leurs...

Le corps des nobles doit être héréditaire.

La puissance exécutrice doit être entre les mains d'un monarque, parce que cette partie du gouvernement, qui a presque toujours besoin d'une action momentanée, est mieux administrée par un que par plusieurs, au lieu que ce qui dépend de la puissance législative est souvent mieux ordonné par plusieurs que par un seul; que s'il n'y avait point de monarque et que la puissance exécutrice fût confiée à un certain nombre de personnes tirées du corps législatif, il n'y aurait plus de liberté, parce que les deux puissances seraient unies, les mêmes personnes ayant quelquefois, et pouvant toujours avoir part à l'une et à l'autre.

(1) ARISTOTE, Politique, liv. II, chap. III. Quelques auteurs prétendent qu'une constitution parfaite doit réunir les éléments de toutes les autres ; c'est à ce titre qu'ils vantent celle de Lacédémone où se trouvent combinés les trois éléments de l'oligarchie, de la monarchie et de la démocratie, représentés l'un par les rois, l'autre par les gérontes, le troisième par les éphores qui sortent toujours des rangs du peuple.

MACHIAVEL, Discours sur la 1re Decade de Tite-Live, liv. I, p. 430. Le hasard a donné naissance à toutes les espèces de gouvernements parmi les hommes. Les premiers habitants furent peu nombreux et vécurent pendant un temps dispersés à la manière des bêtes. Le genre humain venant à s'accroître, on sentit le besoin de se réunir, de se défendre; pour mieux parvenir à ce dernier but, on choisit le plus fort, le plus courageux; les autres le mirent à leur tête et promirent de lui obéir. A l'époque où l'on se réunit en société, on commença à connaître ce qui est bon et honnête et à le distinguer d'avec ce qui est vicieux et mauvais.

Les législateurs prudents ayant connu les vices de chacun de ces modes (de gouvernement) pris séparément, en ont choisi un qui participât de tous les autres et l'ont jugé le plus solide et le plus stable. En effet, quand, dans la même constitution, vous reconnaissez un prince, des grands et la puissance du peuple, chacun de ces trois pouvoirs s'observe réciproquement.

moins d'autorité sur les sujets, et leur division les rend toutes ensemble moins fortes contre le souverain.

On prévient encore le même inconvénient en établissant des magistrats intermédiaires (1), qui, laissant le gouvernement en son entier, servent seulement à balancer les deux puissances et à maintenir leurs droits respectifs. Alors le gouvernement n'est pas mixte, il est tempéré (2).

On peut remédier par des moyens semblables à l'incon

(1) MONTESQUIEU, Esprit des Lois, liv. II, chap. iv. - Les pouvoirs intermédiaires subordonnés et dépendants constituent la nature du gouvernement monarchique, c'est-à-dire de celui où un seul gouverne par des lois fondamentales. Le pouvoir intermédiaire subordonné le plus naturel est celui de la noblesse... Abolissez donc dans une monarchie les prérogatives des seigneurs, du clergé, de la noblesse et des villes, vous aurez bientôt un État populaire ou bien un État despotique.

Autant que le pouvoir du clergé est dangereux dans une république, autant est-il convenable dans une monarchie, surtout dans celles qui vont au despotisme. Où en seraient l'Espagne et le Portugal depuis la perte de leurs lois sans ce pouvoir qui arrête seul la puissance arbitraire; barrière toujours bonne lorsqu'il n'y a point d'autre, car comme le despotisme cause à la nature humaine des maux effroyables, le mal même qui le limite est un bien...

Les Anglais, pour favoriser la liberté, ont ôté toutes les puissances inter médiaires qui formaient leur monarchie. Ils ont bien raison de conserver cette liberté; s'ils venaient à la perdre, ils seraient un des peuples les plus esclaves de la terre.

(2) PLATON, Des Lois, liv. II. On ne doit jamais établir d'autorité trop puissante et qui ne soit point tempérée...

ARISTOTE, Politique, liv. VIII, chap. 1. (Les révolutions) tantôt s'attaquent au principe même du gouvernement, afin de remplacer la constitution existante par une autre, substituant par exemple l'oligarchie à la démocratie ou réciproquement... tantòt la révolution, au lieu de s'adresser à la constitution en vigueur, la garde telle qu'elle la trouve; mais les vainqueurs prétendent gouverner personnellement en observant cette constitution, et les révolutions de ce genre sont surtout fréquentes dans les États oligarchiques et monarchiques. Parfois la révolution renforce ou amoindrit un principe. Ainsi l'oligarchie existant, la révolution l'emporte ou la restreint; de même pour la démocratie qu'elle fortifie ou qu'elle affaiblit...

Le plus sage est de combiner ensemble et l'égalité suivant le nombre et l'égalité suivant le mérite. Quoi qu'il en soit, la démocratie est plus stable et moins sujette aux bouleversements que l'oligarchie. Dans les gouvernements oligarchiques l'insurrection peut naître de deux côtés : de la minorité qui s'insurge contre elle-même ou contre le peuple; dans les démocraties elle n'a que la minorité oligarchique à combattre.

MONTESQUIEU, Esprit des Lois, liv. XI, chap. IV. - La démocratie et l'aristocratie ne sont point des États libres par leur nature; la liberté politique

vénient opposé, et, quand le gouvernement est trop lâche, ériger des tribunaux pour le concentrer. Cela se pratique dans toutes les démocraties. Dans le premier cas, on divise le gouvernement pour l'affaiblir, et dans le second, pour le renforcer; car les maximum de force et de faiblesse se trouvent également dans les gouvernements simples, au lieu que les formes mixtes donnent une force moyenne (1).

CHAPITRE VIII

QUE TOUTE FORME DE GOUVERNEMENT N'EST PAS PROPRE A TOUT PAYS (2)

La liberté, n'étant pas un fruit de tous les climats (3), n'est pas à la portée de tous les peuples. Plus on médite ce

ne se trouve que dans les gouvernements modérés. Mais elle n'est pas toujours dans les États modérés. Elle n'y est que lorsqu'on n'abuse pas du pouvoir...

Pour qu'on ne puisse abuser du pouvoir il faut que par la disposition des choses le pouvoir arrête le pouvoir.

(1) R. Polysynodie. Quelles sont les circonstances dans lesquelles une monarchie héréditaire peut sans révolution être tempérée par des formes qui la rapprochent de l'aristocratie? Les corps intermédiaires entre le prince et le peuple peuvent-ils, doivent-ils avoir une juridiction indépendante l'une de l'autre? Ou s'ils sont précaires et dépendants du prince, peuvent-ils jamais entrer comme parties intégrantes dans la constitution de l'État et même avoir une influence réelle sur les affaires? Questions préliminaires qu'il fallait discuter et qui ne semblent pas faciles à résoudre; car s'il est vrai que la pente naturelle est toujours vers la corruption et par conséquent vers le despotisme, il est difficile de voir par quelles ressources de politique le prince, même quand il le voudrait, pourrait donner à cette pente une direction contraire qui ne peut être changée par ses successeurs ni par leurs ministres.

(2) R. Réponse au roi de Pologne. Quand le mal est incurable, le médecin applique des palliatifs et proportionne les remèdes moins aux besoins qu'au tempérament du malade. C'est au sage législateur d'imiter sa prudence et, ne pouvant plus approprier aux peuples malades la plus excellente police, de leur donner au moins, comme Solon, la meilleure qu'ils puissent comporter.

(3) PLATON, Des Lois, liv. V. Il ne faut pas oublier que tous les lieux ne sont pas également propres à rendre les hommes meilleurs ou pires et qu'il ne faut pas que les lois soient contraires au climat.

« PreviousContinue »