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POLITIQUE ET ANECDOTIQUE

DES

PRISONS DE LA SEINE,

CONTENANT

DES RENSEIGNEMENS ENTIÈREMENT INEDITS SUR LA PÉRIODE
RÉVOLUTIONNAIRE,

PAR

BARTHÉLEMY MAURICE,

ÉLÈVE DE L'ANCIENNE ÉCOLE NORMALE.

PARIS,

GUILLAUMIN, LIBRAIRE ÉDITEUR,

RUE SAINT-MARC, GALERIE DE LA BOURSE, 5.

1840.

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POLITIQUE ET ANECDOTIQUE

DES

PRISONS DE LA SEINE.

CHAPITRE PREMIER.

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Des anciennes Prisons. De l'administration des Prisons de la Seine en général.

<«< Joseph fut mis en prison, » c'est la première fois que ce mot se trouve dans la Genèse. mais nous le rencontrons ensuite dans presque tous les livres de Bible. Et que ce prison mot ne nous inspire pas trop d'effroi, trop d'horreur, quelque tristes que soient les idées qu'il réveille, ce sont déjà des idées de civilisation et de progrès. Vous connaissez ce bon conte d'un naufragé, qui avait parcouru, trois jours durant, la plage déserte où l'avait jeté la tempête; à la fin du troisième jour, apercevant une potence et un pendu, il tomba à genoux et s'écria: « Dieu soit béni, je suis dans un pays civi

lisé. » Quand nous parcourons l'histoire d'un peu

ple naissant, nous aussi nous pouvons rendre grâces à Dieu la première fois que le mot prison s'offre à nos regards; nous aussi nous pouvons nous écrier: « Je suis dans un pays civilisé. » Les prisonniers, à tort ou à raison, sont les vaincus de la société et ne pas égorger immédiatement tous les vaincus, c'est déjà un progrès, c'est déjà un pas immense vers la civilisation. Quand Romulus jetait les fondemens de la ville immortelle, il ne dit pas: « « Celui qui franchira ce fossé sera mis en prison; » mais bien « celui qui franchira ce fossé sera mis à mort, » et Romulus tint parole.

Voulez-vous apprécier le degré de moralité auquel un peuple est parvenu, mesurer, pour ainsi dire, sa civilisation? voyez comment ce peuple traite ses prisonniers. Quand la prison commence à précéder ou à remplacer la mort, c'est une peine qui ne lui est de guère inférieure ; puis les adoucissemens viennent graduellement, lentement, jusqu'à ce que la prison ne soit plus, suivant la définition de l'Académie, qu'un lieu où l'on enferme les condamnés et les prévenus.

Les condamnés et les prévenus! Ainsi ces mots se confondent presque dans le langage, comme nous les confondons dans la pratique, et cepen

dant quelle distance immense devrait les séparer! Contre les premiers, la société peut avoir des vengeances à exercer; contre les seconds, elle n'a qu'un droit, dans l'intérêt commun, celui de les priver momentanément de leur liberté..

La peine de mort est écrite si souvent dans le Code hébraïque, qu'il y reste peu de place pour la prison, et surtout pour une prison de condamnés. Des prisons égyptiennes, nous savons peu de choses, si ce n'est que les pyramides ont paru à quelques auteurs en avoir servi, aussi bien que de tombeaux.

Les Grecs en avaient de plus d'une sorte: d'abord les prisonniers de guerre, mêlés aux condamnés, travaillaient aux mines, et la petite lampe qu'ils portaient devant le front est devenue, en se poétisant, l'œil des Cyclopes; puis venaient les condamnés aux carrières, déjà moins malheureux, et enfin des prisons dignes d'un peuple civilisé, comme celle où fut renfermé Socrate, que nous voyons dans le Phedon, recevant une vingtaine de disciples, devisant avec eux et payant pour deux chambres pistole au geolier, dont il se loue fort, encore que celui-ci remplit aussi les fonctions de bourreau, du moins quant à la mort par la ciguë.

Chez les Romains on distinguait les carceres,

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