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les clefs de l'Église, mais les pasteurs en exercent les fonctions, selon le rang qu'ils tiennent dans les membres de ce corps. Ce serait troubler l'ordre de ces membres que de ne point recourir à eux pour les fonctions qui leur sont propres; mais, après tout, c'est le corps qui agit par ses membres.

«< D'ailleurs si saint Augustin n'avait eu égard qu'aux prières des saints, lorsqu'il dit que c'est l'Église universelle qui lie et qui délie, comment pourrait-il dire en même temps que les paroles de Jésus-Christ à saint Pierre ne peuvent être entendues dans toute leur force et selon la propriété des termes, qu'en les rapportant au corps de l'Église, puisque le corps de l'Église ne délierait que par voie de suffrage, et que ses ministres auraient seuls, privativement au corps, tout le pouvoir de juridiction?

<< Enfin saint Augustin attribue au corps des saints, non-seulement le pouvoir de délier par ses prières et par ses gémissements, mais encore celui de lier, de reprendre, d'excommunier par la puissance des clefs 1. Lors même qu'il distingue les justes qui composent la

incipiens esse filius, maternorum membrorun ordine custodito, à præpositis sacramentorum accipiat satisfactionis suæ modum. Serm. CCCLI, no 3.

1. Petrus corpus bonorum, imò corpus Ecclesiæ in bonis. Nam si in eo non esset Ecclesiæ sacramentum, non ei diceret Dominus: Tibi dabo claves, etc. Si hoc Petro tantum dicitur, non hoc facit Ecclesia... Cum excommunicat Ecclesia, in cœlo ligatur excommunicatus.

maison de Dieu d'avec ceux qui sont dans cette maison, il dit que c'est la maison qui a reçu les clefs et le pouvoir de lier, et que si quelqu'un méprise cette maison lorsqu'elle le reprend et le châtie, il doit être regardé comme un païen et un publicain; paroles que Bède, Hincmar et le concile de Bâle ont empruntées de ce saint docteur pour exprimer le pouvoir de l'Église1?

« Or, quoiqu'il soit vrai que les justes ont part à tout par leurs prières, même à la punition que l'Église fait des pécheurs pour les sauver, il semble que les paroles de ce saint docteur ne peuvent être entendues dans un sens plein et parfait, à moins qu'on ne conçoive que tout le corps de l'Église que saint Augustin regarde comme étant proprement composé des justes, liés entre eux et avec les méchants dans une même communion, que ce corps, dis-je, tout entier possède la propriété et le fonds de la puissance des clefs dont l'exercice juridique est confié aux pasteurs, et que c'est le corps qui agit par ces ministres, quant aux fonctions extérieures d'autorité, comme il agit par les saints auprès de Dieu pour obtenir par de ferventes prières que la grâce accompagne ces fonctions et que les châtiments même deviennent salutaires.

4. Domus Dei... quæ unica columba appellatur... Quæ domus etiam claves accepit ac potestatem solvendi et ligandi. Hanc domum si quis corripientem corrigentemque contempserit, sit tibi, inquit, tanquam ethnicus et publicanus. De Bapt., l. VI, c. 54.

« C'est à quoi nous conduit, comme nous l'avons vu, l'idée de l'Église considérée comme république sacrée, ou comme épouse de Jésus-Christ. Mais c'est ce que l'on comprendra peut-être plus distinctement en suivant l'ouverture que nous donne saint Augustin dans un des passages que je viens de citer, qui est qu'il faut s'adresser aux prêtres, afin de garder l'ordre des membres du corps de l'Église.

Il faut donc regarder l'Église comme un corps dont le Saint-Esprit est l'âme, et Jésus-Christ le chef. Il ne se fait rien d'utile dans ce corps qui ne doive être attribué à tout le corps et à quoi tous les membres vivants ne coopèrent, mais en différentes manières, chacun selon la place qu'ils occupent, par les fonctions auxquelles ils sont destinés, et suivant les mouvements du SaintEsprit qui les y applique.

«Le ministère des clefs est donné aux pasteurs comme membres de ce corps, et la fonction qui leur est propre ne convient point aux simples fidèles; mais les fidèles ont une autre fonction qui n'est pas moins importante, ni en un sens moins efficace, qui consiste à gémir. C'est le corps qui prie par les uns et qui juge par les autres; c'est à ce corps que convient le pouvoir de lier et de délier; mais pouvoir qu'il exerce par les seuls pasteurs, quant aux actes de juridiction, et par tout ce qu'il renferme de saints pasteurs et de chrétiens unis entre eux par la charité, quant aux prières qui

obtiennent que Dieu ratifie dans le ciel et rende utile à notre salut le jugement qui est prononcé sur la terre. Voilà, ce me semble, les vues qu'il est bon de réunir, pour bien entendre ce que saint Augustin nous inculque partout que les clefs ont été données à toute l'Église1. >>

Puisque dans ces passages saint Augustin attribue l'absolution, non-seulement aux pontifes, mais encore à l'Église, il est clair que lorsqu'il dit que les clefs ont été données à l'Église, il entend quelque chose de plus que les quatre premiers sens et que le sixième ou le pouvoir précatoire des saints. Cependant il n'en résulte pas que l'Église ait la propriété des clefs sans l'usage, ni les pasteurs l'usage sans la propriété. Car de ce que l'Église aurait la propriété du sacerdoce, mais n'en aurait que la propriété, comprend-on qu'il fallût lui rapporter l'exercice accompli par les pasteurs?

Et, les pasteurs ayant seuls l'exercice du sacerdoce, serait-il plus concevable qu'on dût mettre la propriété dans l'Église? Saint Augustin disant qu'absoudre est le ministère de l'Église, demande une autre explica

tion.

4. Renversement des libertés de l'Église gallic., t. 1, p. 359.

CHAPITRE III

L'ÉGLISE A UN USAGE DES CLEFS.

Que l'Église ait un usage des clefs, c'est ce qui est formellement énoncé dans la 90 proposition de Quesnel, et soutenu par lui, par Legros et par tous ceux qui défendent cette proposition. La voici encore : « C'est l'Église qui a l'autorité d'excommunier pour l'exercer par les premiers pasteurs, du consentement au moins présumé de tout le corps. »

<< N'est-on pas obligé, dit Quesnel, non-seulement de présumer, mais même de croire que si le ministre exerce légitimement l'autorité qu'il a reçue de l'Église, l'Église y consent; comme, au contraire, si on savait que l'Église ne dût pas ratifier l'usage que son ministre fait de son autorité, il en faudrait conclure que l'usage n'a pas été légitime?

<< Je n'avais rien avancé là que je ne puisse autoriser par les paroles du pape saint Innocent Ier. Ce pape, dans sa lettre décrétale écrite à Décentius, évêque d'Eugubio, s'élève contre la nouveauté de quelques prêtres ou évêques, qui se donnaient les uns aux autres la paix avant la célébration des saints mystères, au lieu de se

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