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avec elle des grâces versatiles 1. » Suivant le même auteur, reconnaître au juste qui tombe un tel pouvoir de pratiquer le bien et de fuir le péché, qu'il ne tienne qu'à lui de faire l'un et d'éviter l'autre, ce serait nier que la grâce efficace soit absolument grâce 2.

De là il résulte que la grâce efficace exige que 、 l'homme ne puisse rien qui l'appelle.

Le juste vient d'accomplir la loi par la grâce efficace. Il faut donc qu'aussitôt il perde le pouvoir de l'accomplir encore et d'attirer la grâce efficace, sans quoi il ne saurait avoir la grâce efficace pour l'instant suivant; or, perdre ce pouvoir à chaque instant, et à chaque instant le recevoir de nouveau, suppose que ce pouvoir est étranger dans l'homme, c'est-à-dire que l'homme est une machine.

Que si on voulait que ce pouvoir fût propre à l'homme, c'est-à-dire que la grâce ne fit que le fortifier, on prouverait qu'il est nul, c'est-à-dire encore que l'homme n'a point d'activité. Supposons que le juste, après avoir surmonté une grande difficulté avec une grande grâce, n'ait à faire qu'une chose très-facile : il faut immédiatement qu'il perde le grand pouvoir afin de recevoir le très-petit. Un tel changement ne peut s'opérer qu'en supposant que le pouvoir qu'on veut en nous, est nul.

1. Défense de tous les théologiens, etc., p. 444.

2. Ibid., p. 442.

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C'est pourquoi les cinq propositions n'expriment, aux yeux des jansénistes, que la grâce efficace par elle-même, dont Jansénius est le docteur moderne.

Que dit la première? Que la grâce manque quelquefois aux justes. Comme quelquefois ils n'observent point des devoirs qui ne demandent presque aucune force, il faut qu'ils n'en aient réellement aucune d'inhérente.

Que dit la seconde ? Qu'on ne résiste jamais à la grâce intérieure. Qu'est-ce que ne résister jamais à la grâce, sinon n'avoir point de force dans la volonté? La volonté ne saurait évidemment d'aucune manière résister à l'action de la grâce efficace au premier instant; mais fortifiée par cette grâce, elle peut ensuite ne pas la suivre.

Ainsi des trois autres propositions.

Cependant Jansenius proclame l'activité de l'âme :

(Citer Petit-Pied, Examen critique, à la fin du 3o vol. de l'Examen pacifique.)

D'où vient donc l'erreur de Jansénius? De ce qu'il a mal pris saint Augustin dans la différence de la grâce de l'état d'innocence et de l'état corrompu. Il

prétend que saint Augustin, dans le premier état, soumettait la grâce au libre arbitre, comme Molina1. Lui,

4. Plus loin, l'auteur reconnaît lui-même chez saint Augustin une tendance au molinisme pour l'état primitif. Mais ce qui n'était tout au plus, chez le docteur de la grâce, qu'une erreur, une inadver

prenant la contre-partie, exclut de l'état actuel l'action du libre arbitre. C'est cette contradiction de Jansénius de proclamer le libre arbitre et d'expliquer..... (Le reste manque.)

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De là le jansénisme. Il admet bien le concours de Dieu, mais un concours de puissance, comme la prémotion physique. Dieu, dans ce système, n'a point de volonté réellement conditionnelle; en d'autres termes, on ne lui résiste jamais. Le fond de l'erreur, c'est que la vérité et l'ordre, les idées, dépendent de sa volonté, et qu'antérieurement à la volonté qui veut la création, il n'a point tenu compte de l'opposition des créa

tures.

JANSENIUS A L'ALAMBIC NE DONNANT QUE LES CINQ

PROPOSITIONS.

On rapporte que Bossuet disait que, si on mettait l'Augustinus de Jansénius à l'alambic, il n'en sortirait que les cinq propositions. C'est vrai dans un sens. Jansénius veut combattre les ennemis de la grâce, Lessius,

tance accidentelle et sans racine, est devenu la base du système de ses modernes interprètes. En général, faute des lumières de la vraie philosophie, les jansénistes ont suivi saint Augustin avec plus de zèle que d'intelligence et de succès.

ÉD.

1

Vasquez, Molina, Suarez, Grégoire de Valence. Or, il admet leur principe pour l'état originel, et prétend que le libre arbitre tournait la grâce à son gré dans Adam et dans les anges; mais, depuis la chute, c'est la grâce qui tourne le libre arbitre. Dans cette révolution, toute grâce soumise au libre arbitre a péri, toute grâce est efficace, d'où :

1° Quand le juste tombe, c'est qu'il n'a pas le moyen de persévérer;

2o On ne résiste jamais à la grâce intérieure ;

3° Quoique le juste tombe par nécessité, il ne laisse pas de pécher; s'il se soutient, c'est aussi nécessairement. Ainsi, pour mériter ou démériter, il n'a pas, etc. ; 4° Les semi-pélagiens étaient hérétiques, en disant qu'on peut résister à la grâce intérieure ;

5o Jésus-Christ mort pour les seuls élus, c'est-àdire eux seuls ayant des grâces efficaces.

Suivant Jansénius, la nature de la grâce ou du rapport intérieur de Dieu à l'homme a changé par la chute. Avant, la raison humaine serait indépendante de la raison divine; après, elle en est dépendante.

Jansénius a raison de rejeter la grâce suffisante des novateurs, parce qu'elle n'en exige pas d'autre. Mais il a tort de rejeter aussi la grâce suffisante qui en demande une autre, et qui l'obtient dans les justes s'ils déploient tout ce qu'ils ont de force, priant Dieu de

les aider à le faire.

Mais si Jansénius s'est trompé en interprétant mal saint Augustin, il n'en a pas moins de belles choses, 6o, 7, 8 livres, sur le libre arbitre, contre l'état de

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Inconséquence de ceux qui veulent que la grâce manque au juste, et qui nient la possibilité de l'état de pure nature.

Inconséquence réciproque de ceux qui admettent la grâce absolument suffisante molinienne, et qui veulent l'état de pure nature ou que Dieu refusât cette grâce à Adam.

GRACE EFFICACE 1.

Il y aurait contradiction qu'on résistât à la grâce efficace, puisqu'elle est efficace, précisément parce qu'on n'y résiste point. Pareillement contradiction de résister à une grâce plus forte que la cupidité. Cependant le juste tombant et pouvant ne pas tomber avec une grâce suffisante, c'est-à-dire plus forte que la cupidité, sans

1. Les jansénistes enseignant une fausse grâce efficace, et les molinistes une fausse grâce suffisante, Bordas, à cause de l'équivoque, évitait en général d'employer ces expressions, quoique susceptibles d'un bon sens, et quoiqu'on doive en effet distinguer deux différentes sortes de grâces.

ÉD.

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