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« considérée comme un transport de juridiction ou de

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pouvoir d'absoudre. » Et c'est ainsi qu'il faut entendre quantité de théologiens, qui enseignent que le simple prêtre devient ministre légitime de la confession par le choix tout seul que le pénitent fait de lui: proposition qui révolterait sans doute les théologiens de nos jours, accoutumés qu'ils sont à entendre, par la juridiction nécessaire au prêtre pour absoudre, un vrai pouvoir qu'il n'avait pas et qui lui est donné par l'évêque; au lieu que, dans la vérité, c'est le pénitent qui a besoin d'un pouvoir de se confesser, c'est-à-dire d'une permission de s'adresser à un autre qu'à son curé.

« Il faut avouer que cette manière d'expliquer et de présenter ce point de discipline est beaucoup plus naturelle, plus intelligible, plus analogue à l'idée que nous avons de la puissance que confère l'ordination sacerdotale; enfin, mieux assortie à la discipline courante de tous les siècles telle que je viens de la rapporter et dont les auteurs que j'ai cités, choisis entre mille autres, sont de sûrs garants. Il est vrai que la façon dont le concile de Trente s'est exprimé, a donné occasion aux modernes de se former des idées fort différentes... Reprenons en deux mots tout ce qui vient d'être établi.

« Deux vérités de fait : 1o Dans les premiers siècles, tout simple prêtre confessait sans aucune nouvelle permission. 2° Depuis l'érection et la distribution des pa

roisses, un simple prêtre confessait sur consentement des curés, sans avoir besoin de la permission de l'évêque.

« Trois vérités de principe: 1° Tout prêtre dans son ordination reçoit la juridiction nécessaire pour confesser, autant que la puissance nécessaire. 2° S'il lui manque quelque chose pour exercer sa juridiction, ce sont les curés qui le lui donnent. 3° Les curés proprement ne lui donnent rien, mais c'est une permission qu'ils accordent à leurs paroissiens de se confesser à lui. »

Besoigne cite Gerson 1 et Almain 2 «< disant qu'un curé, qui n'est pas encore prêtre, peut commettre un simple prêtre pour confesser dans sa paroisse.» Il est plus clair que le jour que celui qui se trouve pourvu d'une cure sans être encore ordonné, c'est-à-dire sans avoir aucun pouvoir pour confesser, n'en peut transférer d'aucune sorte au prêtre qu'il charge de confesser à sa place.

Nous n'avons point ici à examiner la disposition du concile de Trente relative aux confesseurs 3. Mais concluons de ce qui précède qu'en exigeant l'approbation de l'évêque pour confesser il ne saurait entendre un don quelconque de pouvoir. Cette approbation doit simplement consister à reconnaître que les prêtres ont

1. T. II, part. II, Consid. 11, p. 243; part. III, p. 337 et 339. 2. Ibid., p. 964.

3. Sess. XXIII, ch. xv. De la Réf.

les qualités nécessaires pour exercer de telles fonctions. Outre le développement nouveau des preuves contre la distinction du pouvoir d'ordre et du pouvoir de juridiction et contre la délégation de celui-ci, développement qui, joint, à celui de Maultrot, le rend plus complet, Besoigne montre fort bien que le canon d'Elvire et autres semblables ne délèguent point la puissance d'ordre pour le sacrement de pénitence comme on pourrait l'imaginer.

On interprète de la même façon un passage de saint Cyprien : « Ceux, dit--il, à qui les confesseurs auraient donné des lettres de grâce, qui peuvent en effet leur profiter auprès du Seigneur s'ils viennent à tomber dans une maladie qui les mette en péril, ne doivent pas souffrir de notre absence, ni attendre notre retour; qu'ils fassent seulement leur confession devant le premier prêtre qui se trouvera présent; s'il ne s'en rencontre point et que le danger presse, à défaut de prêtre, il suffira du ministère d'un diacre, qui pourra donner l'imposition des mains et la réconciliation que les martyrs nous ont témoigné désirer pour ceux qui sont dans ce cas 1. » Il ne s'agit point là d'absoudre sacramentellement, mais de lever la pénitence publique imposée à ceux qui avaient failli dans la persécution et de leur donner l'eucharistie. L'histoire offre plusieurs

1. Lettre XII. Guillon, dont je prends la trad., en fait la XIX®.

exemples de confessions faites à des laïques; ce sont des actes d'humilité et non de sacrement.

La Luzerne, si prononcé pour la délégation du pouvoir de juridiction dont il s'est tant servi pour ravir aux prêtres leurs droits propres de juger, combat la délégation du pouvoir d'ordre pour conférer ceux des ordres qui sont sacrement 1. Excepté quelques théologiens infiniment rares, tous repoussent la délégation du pouvoir d'ordre, lors même qu'ils admettent celle du pouvoir de juridiction.

Au reste, définir la distinction et la délégation, c'est les réfuter. Qu'est-ce que le pouvoir d'ordre? c'est le pouvoir d'exercer les fonctions sacerdotales. Qu'est-ce que le pouvoir de juridiction? c'est le pouvoir de les exercer sur des sujets déterminés. Apparemment on ne saurait exercer en l'air les fonctions du sacerdoce; il faut les exercer sur quelqu'un, sur telle ou telle personne. Donc le pouvoir de les exercer et le pouvoir de les exercer sur un sujet déterminé, ne forment qu'un même pouvoir. Puisque le pouvoir de les exercer sur un sujet déterminé est identique au pouvoir de les exercer, et qu'on reçoit ce dernier ou le pouvoir d'ordre par l'ordination, c'est aussi par l'ordination nécessairement qu'on reçoit l'autre, qui est le pouvoir de juridiction. Prétendre les distinguer, alors qu'ils sont in

1. Droits et devoirs respectifs des évêques et des prêtres, p. 143.

divisiblement un, et les déléguer, ou tous les deux, ou seulement le pouvoir juridictionnel, quand ils ont une source unique dans le sacrement de l'ordre, quelles vaines imaginations!

Ici nous les avons combattues par l'histoire et l'autorité des docteurs. Dans les Pouvoirs constitutifs de l'Église, livre III, chapitre 7, nous les avons attaquées en considérant l'essence du sacerdoce. Il semble que l'Observateur aurait dû montrer que nous nous trompions avant de proclamer que c'est en vertu d'une pure délégation que les laïques administrent le baptême. Un écrivain moins solidement posé dans la science n'y aurait pas manqué. Mais lui a d'autres allures qui sentent le maître. Il enseigne et n'est point enseigné. Peu importe qu'il débite ce qui, selon Bossuet, surpasse toute absurdité. Il va fièrement son train, nous jetant au front le stigmate d'hérésie. La même façon de procéder, il l'emploiera contre les droits des laïques et des prêtres au gouvernement de l'Église. Nous croyons avoir établi ces droits avec des preuves qui méritaient d'être examinées. Toutefois il est clair qu'il ne pouvait descendre jusque-là.

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