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qui arriva à César, depuis tyran de son pays, quand, plaidant pour Catilina, le conspirateur, il voulut établir le dogme de la mortalité de l'ame:

Caton et Cicéron, dit Rousseau, ne s'amusèrent point à philosopher; ils se contentèrent de montrer que César parloit en mauvais citoyen et avançoit une doctrine pernicieuse à l'état ". C'étoit assez prouver qu'elle étoit fausse; car rien de pernicieux ne peut être la conséquence d'une vérité.

Enfin je citerai, pour abréger, à ces ridicules et fanatiques contempteurs de Dieu, qui se disent philosophes, et qui, loin de l'être assez pour savoir admirer les merveilles de la nature et s'élever ainsi à son inconcevable auteur, ne le sont pas même assez pour tolérer leurs semblables, professant des principes plus vrais et plus consolans que les leurs; je leur citerai, pour les rendre plus circonspects, ce mot du philosophe Bayle, qui les valoit bien. « L'on peut comparer, dit-il, la philosophie, (il ne parle que de la fausse à des poudres si corrosives qu'après avoir consumé les chairs baveuses d'une plaie, elles rongeroient la chair vive, carieroient les os et perceroient jusqu'aux moëlles. La philosophie, continuet-il, réfute d'abord les erreurs; mais si on ne l'arrête point là, elle attaque les vérités; et quand on la laisse faire à sa fantaisie, elle va si loin qu'elle ne sait plus où elle est, ni ne trouve plus où s'asseoir ".

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Résumons en deux mots tout ce qui vient d'être dit. La superstition et le fanatisme sont deux monstres execrables qu'il faut étouffer. L'athéisme persécuteur est un monstre encore plus horrible. Prêtres fanatiques, faux philosophes fanatiques, ne valent pas mieux les uns que les autres : leur charlatanisme imposteur, car ils ont cela de commun, est également odieux; factieux, perturbateurs, intolérans, ils méritent tous sans doute également d'être chassés d'une société dont ils ne sont pas dignes, d'une société d'amis, de frères, en un mot, de Républicains. Mais la vraie religion, la vraie philosophie, qui n'en est pas différente, seront toujours dignes des respects de toute la terre; ceux qui en propagent les principes

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salutaires mériteront toujours une place distinguée dans l'estime, la confiance, la reconnoissance des personnes sensées, des hommes vraiment vertueux, des amis des mœurs et de la liberté.

SABATIER-LABASTIE, pasteur protestant.

REPONSE.

Dans l'article qui a fait naître les réflexions du citoyen Sabatier, nous avons réclamé contre la pire· de toutes les intolérances, qui est celle des athées : aux autorités et aux raisons que nous citâmes alors, nous aimons à joindre celles que contient sa lettre. La doctrine qu'il y professe est la nôtre; et si, dans notre cours de morale universelle, nous avons fondé la morale sur une autre base que celle de la religion, nous n'avons pas prétendu pour céla rayer les vertus religieuses, du nombre des vertus. Notre déclaration à cet égard a été formelle, et la suite de ce cours prouvera combien elle a été sincère.

L'athéisme n cût-il d'autre mauvais effet que de rapetisser l'homme, de l'isoler, de fermer pour lui la source des consolations les plus douces et des plus nobles sentimens, c'en seroit assez pour défendre à tout véritable ami des hommes de chercher à en répandre la doctrine. On ne voit pas ce que gagneroit la nature humaine à une opinion qui la rend moins grande et moins heureuse.

De quelle trempe sont les esprits qui, sur cet article important, se flattent d'aller plus loin et de mieux voir que Bacon, Rousseau, Bayle et Voltaire?

Bornons-nous donc sagement à proscrire, à poursuivre sans relâche la superstition et le fanatisme. Quant à la religion philosophique, dont tous les dogmes sont l'existence d'un Dieu et l'amour des hommes, gardons-nous de la combattre et de vouloir l'éteindre, ni dans l'ame de nos frères, ni dans la nôtre.

CONVENTION NATIONALE.

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Abolition de l'esclavage des Nègres. — 16 pluviôse.

Voici encore une de ces lois immortelles et bienfaitrices du genre humain, dont il sera éternellement ́redevable aux assemblées législatives de France. Depuis cinq ans on avoit proclamé les droits de l'homme et fondé sur eux la liberté; mais il sembloit que ces droits et cette liberté dussent se borner à l'Europe et aux hommes de couleur blanche. En Amérique, l'esclavage avilissoit encore de malheureux noirs dont cette couleur étoit le seul crime.

La voix de l'humanité, de la justice est enfin entendue. Les ravages de nos colonies sont expiés. Ils n'eurent d'autre cause que la perfidie des colons blancs, leur opiniâtre résistance aux progrès de la raison, leur fol orgueil, leur infâme avarice, leurs efforts pour faire passer sous le joug de l'Espagne ou de l'Angleterre cette riche colonie de Saint-Domingue, où ils auroient alors été bien sûrs de perpétuer l'esclavage.

C'est ce qu'a fait évidemment connoître une députation tricolore qu'elle est enfin parvenue à envoyer en France, et qui, ayant fait vérifier ses pouvoirs, vint siéger, le 15 pluviôse, à la Convention nationale. Un blanc, un noir, un mulâtre la composent. Ils furent reçus à bras ouverts; et l'accolade du président leur fut donnée au nom de l'assemblée entière.

Le lendemain, l'un d'eux fit à la Convention un rapport sommaire des divers événemens qui ont agité leur patrie. Il en a fait voir la cause dans la politique odieuse de l'Angleterre et de l'Espagne, combinée avec l'aristocratie des colons. Dans les dernières crises, signalées par l'incendie de la ville du Cap, ce sont les noirs, armés pour la France qui ont sauvé la colonie par leur courage. Ils ont demandé pour prix la liberté.

Les commissaires civils envoyés par le gouvernement français, témoins de leurs services, leur en ont promis la récompense. La Convention pouvoit-elle ratifier cette promesse ?

ne pas

La délibération étoit à peine commencée, et les avis n'étoient point partagés : Président, s'est écrié Lacroix, ne souffre pas que la Convention se déshonore par une plus longue discussion. L'assemblée entière se lève, vote par acclamation, et le président prononce l'abolition de l'esclavage au milieu des cris répétés de vive la liberté, vive l'égalité, honneur à l'huma

nité !

Les deux députés de couleur étoient à la tribune; ils se jettent dans les bras l'un de l'autre, s'embrassent, se serrent et mêlent en pleurant leurs cris de joie, de reconnoissance et de liberté à ceux de l'assemblée et du public. Lacroix les conduit au président qui leur donne le baiser fraternel. Tous les députés s'élancent vers eux: ils passent rapidement dans les bras de tous leurs collègues.

Un autre spectacle attire l'attention de l'assemblée. Dans une des tribunes du fond, une femme de couleur venoit de s'évanouir. Depuis long-tems elle assistoit aux séances; témoin assidu de tous les mouvemens révolutionnaires, elle les avoit supportés. Mais ce dernier est au-dessus de ses forces. Le bonheur dé voir la liberté rendue à ses frères lui ôte le sentiment. Tous les regards sont fixés sur elle; on s'empresse de la secourir. Enfin elle revient à elle, et c'èst pour se voir l'objet de la sensibilité des représentans du peuple, et pour être admise dans l'intérieur de la salle aux honneurs de la séance.

La Convention s'occupe ensuite de la rédaction du décret ; elle est arrêtée en ces termes:

L'esclavage est aboli dans toute l'étendue de la République, sans distinction de couleur : les hommes de couleur habitant les colonies, sont réputés citoyens français et jouissent de tous les droits assurés par la constitution.

Le comité de salut public est chargé de prendre

les mesures ultérieures pour l'exécution du décret, et d'en faire le rapport à la Convention nationale.

Extrait du registre des arrêtés du comité de salut public de la Convention nationale.

Du 14 pluviose, deuxième année de la République française, une et indivisible.

Le comité de salut public, considérant que la fabrication révolutionnaire du salpêtre, de la poudre e des canons, dans toute l'étendue de la République, exige un grand nombre d'agens éclairés, pour être poriée promptement à toute l'activité nécessaire, arrête ce qui suit:

Art. I. Tous les districts de la République enverront à Paris deux citoyens robustes, intelligens et accoutumés au travail, pris dans les compagnies de canonniers, ou parmi les citoyens qui ont fait le service le plus actif dans la garde nationale. Paris en fournira deux par section.

II. Ces citoyens seront âgés de vingt cinq à trente ans; un au moins de chaque district devra savoir lire et écrire. Le choix en sera fait par les administrateurs de district, sur la présentation des sociétés populaires, dans l'intervalle de cinq jours au plus après la réception du présent arrêté.

Ill. Les administrateurs de district leur feront un état de route comme aux canonniers de l'armée.

IV. Ces citoyens se rendront à Paris immédiatement après leur nomination. Deux jours après leur nomination au plus tard, l'agent national du district sera tenu d'en donner connoissance, ainsi que de leur départ, au comité de salut public.

V. La municipalité de Paris fera préparer les emplacemens convenables pour loger ces citoyens. Elle nommera un commissaire pour les recevoir, les inspecter et leur faire fournir tous les objets qui leur seront nécessaires,

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