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Dieu et des hommes, mais qui aux yeux de l'empereur n'étoient pas ses plus grands crimes, Othon fit élire un autre pape; à peine étoit-il hors de Rome, que Jean XII, qui n'avoit que 27 ans, souleve les Romains, assemble un autre concile, qui le rétablit et dépose son rival, le tout au nom du Saint Esprit; mais il va en son propre nom coucher avec une femme mariée, et est assassiné par le mari. Le même pape que l'empereur avoit fait nommer, Léon VIII, remonta sur le siége, et remit aux mains d'Othon tout le pouvoir que lui avoit disputé Jean XII.

Au milieu de toutes ces révolutions, le simulacre de l'ancienne constitution Romaine existoit encore... Rome avoit un préfet ou consul, des tribuns, un sénat. Othon étant reparti pour l'Allemagne, ils tentèrent de rétablir la république; mais il revint prompt comme l'éclair, et fit pendre tous cenx qui avoient trempé dans le complot. Le parti Romain n'en fat point abbatu: sous le successeur d'Othon,qui suivit le mauvais systême de porter en Allemagne le titre d'empereur de Rome, deux ou trois papes nommés par lui furent immolés par des papes créatures du consul, du sénat et du peuple. Othon II revient và Rome, comme son prédécesseur, fait égorger les principaux sénateurs, et les partisans du consul; mais le consul et le pape appellent à leur secours les Sarrasins et les Grecs; l'empereur les combat, est fait prisonnier, s'échappe et meurt à Rome; où il avoit installé un pape de sa famille.

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L'ombre de la république est rétablie de nouveau. Le pape imperial est chassé, un pape romain lui succède, mais pour peu de tems. Rome est prise, le consul décapité: le pape a les yeux crevés, le nez coupé; il est précipité du haut du château SaintAnge Othon II, donne aux Romains un pape de sa façon il reçoit les mêmes sermens, usurpe les mêmes pouvoirs et confirme aussi, dit-on, les mêmes donations qu'Othon et Charlemagne.

Ce commencement du XIe siècle fut signale dans Rome par moins de révolutions et de crimes sanglans, les crimes honteux de l'intrigue et de la vénalité en

prirent la place. Les évêchés se vendoient au plus eifrant, etcelui de Rome n'avoit de particulier que de se vendre plus cher que les autres. On l'achetta pour Benoît IX, enfant de 12 ans; et tandis que pour entrer en exercice, il attendoit son âge, deux autres papes l'achetèrent aussi. Après s'être quelque tems excommuniés tous les trois, ils partagèrent les rcwenus et les plaisirs, et vendirent ensuite chacun eur part de la dignité au diacre Gratien, qui fut le pape Grégoire VI. Il fut exilé par l'empereur Henri ill, qui se remit à créer des papes Allemands avec une autorité absolue.

Léon IX, est celui qui marque le plus dans l'his toire. On en a fait un saint; et il est difficile de deviner pourquoi. Il s'étoit fait donner par l'empereur I ville de Bénévent en échange d'un fel d'Allemagne. Il y avoit de mauvais, voisins: C'étoient les descens dans des chevaliers normands qui avoient, conquis la Sicile, et qui, tout aussi habiles et aussi brigands que leurs pères avoient acquis par le droit de l'épée une partie de la pointe de l'Italie, la Pouille et presque tout le Bénéventin, Léon les excommunie d'abord, se met ensuite à la tête d une armée levée par l'empereur, y joint des troupes italiennes, commandées par des évêques, et mis en déroute avec son état major ecclésiastique, arrêté dans sa fuite, et détenu un an prisonnier. Les vainqueurs poursuivirent leurs conquêtes; ils y ajoutèrent la Calabre et e territoire de Capouer Trop faibles pour résister à T'empereur s'ils n'avoient pour eux le pape, ils fient lever l'excommunication lancée contre eux par Léon IX et maintenue par son successeur Nicolas, En rendant hommage à ce dernier de tout ce qu'ils possédoient en Italie et même de la Sicile, et en se reconnoissant vassaux du Saint-Siege, dont ils devinrent par-là même les protecteurs.

L'empereur conservoit toujours le droit de nommer les papés, c'est-à-dire que l'argent, l'intrigue et la querre, continuoient de donner un chef à l'église de Jesus-Christ. Les Romains lassés de ce joug, s'étant enfin choisi un évêque, la cour impériale en nomma

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un autre; mais le Romain fut le plus fort: il chassa son rival, et même osa citer le jeune empereur Henri IV, à comparoître à Rome devant lui, Un coup aussi hardi lui étoit inspiré par un moine qui lui succéda sous le nom célèbre de Grégoire VII.

Elu par le peuple romain, il eut l'adresse de se faire confirmer par l'empereur; mais bientôt exécutant les grands projets qu'il avoit conçus, il excommunia Henri, menaça le roi de France de cette fou dre alors très-redoutable, et la lança presqu'à la fois 1 sur les princes de la Calabre et de la Pouille, qui poursuivoient jusques dans les campagnes de Rome, les princes de Salerne, ses protégés, dont ils avoient envahi les états. Il arme et soulève contre l'empereur une partie de l'Italie et la moitié de l'Allemagne. L'empereur le fait saisir à l'autel par des bandits qui le blessent et l'emprisonnent dans une tour, d'où il ne sortit qu'à prix d'argent. Henri le fait déposer dans un concile, et dans un autre concile Grégoire Te dépose à son tour, relève tous ses sujets de leurs sérmens, et leur défend de le reconnoître pour roi, Sa bulle et ses lettres audacieuses inondent l'Europe: il y déclare que non-seulement le pape, mais que tous les évêques sont au-dessus des rois, et lie moyen les évêques à sa cause.

par ce

La guerre civile éclate en Allemagne. Henri est fait prisonnier, et condamné à vivre excommunié, sans autorité, sans société, en attendant le jugement d'une assemblée de princes et d'évêques, qui doit être présidée par le pape. Il va se jetter aux pieds de ce terrible pontife. Il n'est admis qu'après trois jours de jeûne, après être resté long-tems pieds nus dans une cour, exposé au froid de janvier, dépouille de ses habits et revêtu d'un cilice. Pour obtenir l'ab solution qu'il demande il faut qu'il jure entière soumission au pape. Grégoire l'absout sans lui par donner, continue de soulever l'Allemagne, et fail Rodolphe empereur. Las de tant d'affronts, Henn reprend sa fierté, trouve des ressources, rassemble un concile pour excommunier et déposer Grégoire et une armée pour combattre Rodolphe. Grégoin

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est déposé, Rodolphe vaincu et tué. Mais le pape inflexible, ne rabat rien de son orgueil ni de ses prétentions. Il écrit aux évêques allemands de nommer un autre souverain, qui rende hommage au Saintsiége: il continue de faire lever en France des subsides par ses légats: il se prétend seigneur suzerain de l'Espagne il écrit au roi de Hongrie que ce royaume appartient à l'église romaine. Il soutient que le devoir d'un pape est de soumettre les couronnés et d'humilier les rois. Henri qui a de grandes humiliations à venger, le poursuit sans relâche et va l'assiéger dans Rome. Il prend la ville d'assaut. Le pape retiré dans le château Saint-Ange, le brave et l'excommunic. Délivré par un duc de la Pouille, pendant l'absence de l'empereur, Grégoire meurt ́à Salerne, laissant l'Europe en feu, Rome saccagée par ses vainqueurs et par ses libérateurs, mais le siége papal enrichi par son audace, par ses prétentions outrées, qu'il avoit fait passer pour des droits, et sur-tout par une donation fameuse qui établit enfin sur des réalités, la souveraineté pontificale.

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La jeune comtesse Mathilde, dont le vieux Grégoire étoit directeur, et qui possédoit la Toscane, Maniouc, Parme, Reggio, Plaisance, Ferrare Modène, une partie de l'Ombrie et du duché de Spolete, Verone, presque tout le patrimoiue de Saint-Pierre qui n'avoit pas alors ce nom, et une partie de la Marche d'Ancone, donna tous ses biens au st-siége, réitera même cette donation et la confirma par son testament. Il ne s'agissoit plus que de ranger ces états à l'obéissance; et ce ne pouvoit être que l'ouvrage du tems. Quelques-uns furent contestés dès l'origine; d'autres ne se soumirent jamais ; d'autres après avoir cedé, reprirent ou leur liberté ou d'autres maîtres, mais enfin cette donation, de quelque manière qu'elle fut acquise, étoit un titre; et ce fut à la tenace ambition des papes à le faire valoir. Les querelles entre le Siége apostolique l'Empire ne s'éteignirent, ni avec Grégoire, ni avec Henri qui mourut d'une mort funeste, et fut, à titre d'excommunié, barbarement exhumé par son propre

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et

fils. Les papes affranchis de la nomination et même de l'approbation des empereurs, leur disputèrent Pinvestiture des évêchés et des bénéfices. Ces que, Telles de dignités religieuses furent teintes de sanghumain. Un concile termina la guerre des investitures mais laissa indécises les grandes questions de vassalité et de suzeraineté entre les empereurs et les papes, et de validité des donations de Mathilde. La chaire; dite de Saint-Pierre, devint plus que jamais le but des intrigues et des factions. Déja,1 depuis un siècle, ce n'étoit plus le sénat et le peuple qui choisissoient les papes, c'étoient les cardinauxévêques. Tantôt la faction romaine l'emportoit parmi eux, ef tantôt la faction allemande. Pendant huit ans, deux papes régnèrent à la fois. L'un d'eux, pour se procurer la protection impériale, céda, par un acte, à Henri V et à ses enfans, l'usufruit de tous les domaines donnés par Mathilde à Grégoire. Mais au milieu de tous ces troubles, quelques-uns de ces domaines se démembroicnt et se formcient en Républiques, telles que Sienne et Florence, tandis que dans ta Lombardie impériale, Milan, Bologne et Pavie en faisoient autant. Rome, quoiqu'il y restât peu de Romains, voulut suivre cet exemple. Le sénat fut rétabli. I osa signifier au pape Lucius II que la souveraineté résidoit dans le peuple romain, et que l'évêque ne devoit avoir soin que de l'église. Le pape au lieu de répondre, assiégea le sénat dans le capi tole, et s'y fit casser la tête d'un coup de pierre. Eus gène son successeur s'y prit plus adroitement,-il-rea gagna le peuple; et, après lui, Adrien IV le remit tout-à-fait sous le joug.

Cet Adrien, fils dun mendiant et qui avoit été mendiant lui même, soutint avec autant de fiertés, contre l'empereur Frédéric Barbe-rousse ikes prétentions du siége de Rome, que Grégoire VI contre Henri IV. Les empereurs avoient beau faire,ikfalloit toujours venir recevoir des mains du paper ce titre vain et cette couronne qui scroit peut-être redevenue celle du monde s'ils n'avoient pas voulu la porter loin de Rome. Baiser les pieds du pape, lui

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