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Je crois que l'abbé Maury s'en est servi le premier publiquement en France, en 1790. I outrageoit, comme à son ordinaire, à la tribune, la révolution, la raison et les principes de la liberté. Les tribunes. murmurèrent et huèrent son éloquence. Faites donc taire, dit il au président, ces Sans- Culottes qui se "moquent de moi".

On trouve dans l'histoire une origine plus ancienne et plus respectable du nom de Sans-Culottes. Une partie de la Gaule antique, qui fut nommée ensuite Lyonnaise ( la patrie des Lyonnais), étoit appeliée Gallia Braccata, la Gaule culottée. Par conséquent le reste des Gaules, jusqu'aux bords du Rhin, étoit la Gaule non culottée. Nos pères étoient donc dès lors des Sans-Culottes.

Quoi qu'il en soit, ce nom de Sanculottides, donné aux cinq jours complémentaires de l'année, est destiné à consacrer cette dénomination révolutionnaire.

Les cinq jours des Sanculottides, composant une demi-décade, seront dénommés Primidi, Duodi, Tridi, Quartidi, Quintidi; et dans l'année bissextile (1),le sixième jour se nommera Sextidi. Le lendemain des Sonculottides, l'année recommencera par Primidi, premier de Vindemiaire, etc.

Les cinq jours Sanculottides seront autant de jours de fête.

Le Primidi sera consacré à célébrer les vertus publiques et privées, qui sont le plus solide fondement du gouvernement républicain, à révéler, à préconiser publiquement et avec une pompe nationale, les actes de vertu, les grandes, belles et bonnes actions individuelles. Cette fête s'appellera la Fête de la Vertu.

"Le Duodi des Sanculottides sera consacré à l'attribut le plus précieux et le plus noble de l'espèce humaine, à l'intelligence qui nous distingue du reste des êtrès créés, au génie qui est le plus haut dégré, le maximum de l'intelligence. Les conceptions les plus grandes, les plus utiles à la patrie, sous quelque rapport que ce puisse être, soit dans les sciences, les arts, les métiers,

(1) Ou plutôt sextile, comme je l'ai dit no. 3, p. 63.

soit en matière de législation, de philosophie ou de morale, en un mot tout ce qui tient à l'invention et aux operations créatrices de l'esprit humain, sera, comme les actes de vertu, préconisé publiquement et avec toute la pompe nationale. Ce sera la Fête du Génie.

"Le Tridi sera consacré à l'industrie et à l'activité laborieuse. Les actes de constance dans le travail, dė patience dans la confection des choses utiles à la patrie, enfin tout ce qui aura été fait de bon, de beau, de grand dans les opérations manuelles ou mécaniques, et dont la société peut retirer de l'avantage, recevra les mêmes honneurs que la vertu et le génie. Cette fête s'appellera la Fête du Travail.

"Le Quartidise nommera la Fête de l'Opinion. Ici s'élevera un tribunal d'une espèce nouvelle, tout à-la-fois gaie et terrible, Malheur aux fonctionnaires publics qui auront mal répondu à la confiance nationale, qui ne se seront conciliés ni le respect ni l'amour du peuple! Ils seront frappés ce jour-là, non dans leur fortune, non dans leur personné, ni même dans le moindre de leurs droits de citoyen, mais dans l'Opinion. Dans le jour unique et solemnel de la fête de l'Opinion: la loi ouvre la bouche à tous les citoyens sur le moral, le personnel et les actions des fonctionnaires publics : la loi donne carrière à l'imagination, plaisante et gaie des François. Les chansons, les allusions, les caricatures, les pasquinades, le sel de l'ironie, les sarcasmes de la folie, seront dans ce jour le salaire de celui des élus du peuple qui l'aura trompé, qui s'en sera fait mésestimer ou hair. L'animosité particulière, les vengeances privées ne sont point à redouter. L'Opinion elle même feroit justice du téméraire détracteur d'un magistrat estimé.

,, Enfin le Quintidi des Sanculottides sera consacré au témoignage public de la gratitude nationale, envers ceux qui, dans les jours précédens, auront été préconisés, et auront été déclarés avoir mérité les bienfaits de la nation. La distribution en sera faite publiquement, et toujours avec tout l'éclat

d'une pompe nationale. Cette fête s'appellera la Fête des Récompenses.

"Tous les quatre ans, à la fin de l'année bissextile ou sextile) le sextidi ou le sixième jour des Sanculottides, des jeux nationaux seront célébrés. Cette époque d'un jour sera par excellence nommée, non la Franciade, comme on l'avoit décrété d'abord, mais LA SANCULOTTIDE.

Ce jour-là, se rassembleront, de toutes les parties de la République, les diverses portions du peuple françois. Tous viendront célébrer la liberté, l'égalité, cimenter dans leurs embrassemens la fraternité françoise, et jurer au nom de la nation entière, sur l'autel de la patrie, de vivre et de mourir libres, et en braves Sans-Culottes 19. (Extrait du rapport de FABRE D'EGLANTINE, au nom du comité d'instruction publique ).

A l'Auteur de la Feuille villageoise,

SUR LE NOUVEAU CALENDRIER.

Livron, département de la Drôme, le 5me, jour du 2me. mois, l'an 2 de la République française une et indivisible. (26 octobre 1793, vieux style.)

Beaucoup de personnes m'ont déjà manifesté leurs allarmes au sujet du nouveau calendrier: il est pourtant bien à désirer que cette réforme soit généralement accueillie; elle peut contribuer à l'extirpation radicale de certains préjugés dont nous ne sommes pas tout-à-fait guéris; et c'est sans doute pour cela même qu'elle les trouve dans son chemin.

Pour dissiper les scrupules de ces chrétiens timides et peu instruits, je leur ai dit, 1o que la loi du sabbath, auquel nous avons substitué notre dimanche, est une loi judaïque, et qu'elle n'oblige pas plus les chrétiens que tant d'autres loix juives dont ils se sont affranchis. Nous n'offrons plus à l'être suprême i fruits, ni gâteaux, ni pigeonnaux, ni agneaux, ni boucs, ni taureaux. Tous ces sacrifices sanglans er

non sanglans, toutes ces expiations, ces purifications, ces jeûnes, ces fêtes dont le christianisme nous a dispensés, étoient cependant ordonnés par la même autorité qui avoit imposé le devoir de se reposer le septième jour, sous peine d'être lapidé. Puis donc que nous sommes libres de ne plus observer les premières pratiques, pourquoi ne regarderions-nous pás la seconde comme étant d'une obligation qui ne nous lie plus, sur tout si cette obligation n'a pas été expressément fenouvellée par une loi formelle du christianisme.

Or, je leur dis en second lieu que la religion chrétienne n'a point prescrit de repos à ses sectateurs et que même son fondateur et ses disciples furent accusés par les Juifs de violer le sabbat, parce qu'ils faisoient quelquefois ce jour-là ce que la loi des Juifs avoit défendu. Un tel exemple est une loi pour des chrétiens. Mais cependant, replique-t-on, on a célébré le dimanche depuis l'origine du christianisme jusqu'à nos jours. Je conviens qu'on la célèbié; mais je nie qu'on se soit reposé tout ce jour-là. Dans les premiers siècles de l'église, tous les dimanches on alloit, dès le lever du soleil, vaquer au service divin; après quoi, chacun retournoit tranquillement à son travail. Ce ne fut que vers le commencement du quatrième siècle que ce scélérat de Constantin, premier empereur chrétien, imposa la loi de s'abs tenir ce même jour de toute œuvre appellée servile. Une pareille loi n'est donc pas une loi chrétienne, mais une loi impériale. Or, maintenant et Tois et empereurs n'ont rien à ordonner au peuple libre; et l'on ne doit pas plus de respect à leurs édits qu'à leurs personnes.

Enfin, ai-je demandé à ceux qui s'adressoient à moi pour s'éclairer, de quoi vous plaignez-vous? Vous oblige-t-on au travail les jours que vous avez choisis pour vous reposer? vous êtes libres de ne pas chômer les fêtes et les dimanches; mais vous êtes libres aussi de les chômer, si vous le préférez. On n'a donc ni violé vos consciences, ni attaqué vos droits.

C'est ainsi que j'instruis mes frères. Si j'ai raison imprimez ma lettre; si je me frompe, réfutez-mei pour nous éclairer tous.

SALUT ET FRATERNITÉ

SABATIER-LABASTIE, pasteur protestant.

REPONSE.

Il n'y a rien à redire et peu de choses à ajouter à ces éclaircissemens. Ils consistent dans des faits hors de doute et des raisonnemens sans replique..

Il est certain que le repos du septième jour est une institution judaïque. Il est certain que dans le christianisme primitif qui sans doute étoit le meilleur, on célébroit le dimanche, mais on n'interrompoit point les travaux. Enfin, il est certain qu'on peut être fort bon chrétien et faire son salut, sans obéir aux édits d'un empereur du quatrième siècle.

La dernière raison du citoyen Sabatier suffiroit seule sans tout le reste. Les fêtes et les dimanches restent les mêmes pour ceux qui voudront les chommer. Ils suivront toujours à leur gré leur Galendrier religieux; mais comme il n'y a point en France de religion exclusive et dominante, comme tous les cultes y sont admis, comme à côté d'une église catholique, d'un prêche protestant, il peut s'élever une synagogue juive, une mosquée turque, un temple de pagodes, un autel de Brama, que chacune de ces religions également protégées par le gouvernement, peut avoir son Calendrier, ses fêtes, ses jours de travail et de repos; il est raisonnable, il est nécessaire qu'il y ait pour tous un Calendrier civil, indépendant de toute idée religieuse, qui divise simplement l'année en saisons, en mois, en fractions de mois, et en jours, sans parler de ce que feront, un jour plutôt qu'un autre, les citoyens qui professent tel ou tel culte..

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Liberté politique, liberté civile liberté religieuse, égalité entre tous les citoyens, égalité entre tous les dogmes aux yeux de la loi, paix et con

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