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maux que touchés des biens, ont donné dans un excès déplorable! Combien ont passé des reproches que l'humanité peut faire à la plupart des religions, jusqu'à jurer dans leur ame haine à toute religion! combien enfin à force de reconnoître l'absurdité des petites idées dont on a défiguré la grande et sublime idée d'un Dieu, ont fini par nier l'existence de Dieu même! Le nombre en est très grand sans doute; il peut s'augmenter encore; il pourroit arriver enfin qu'une nation entière fût sans culte, sans religion, sans Dien..... Vous frémissez! mès amis, contentezvous de pla udre ceux qui sont tombés ou qui tomberopt dans cet aveuglement; mais convenez que vous leur donueriez un champ trop libre pour se soustraire au joug des loix de la morale, si vous en établissiez le principe sur la religion, si vous me distinguiez absolument les notions morales des opinions religieuses, si vous ne reconnoissiez hautement qu'indépendamment de toute secte, de tout dogme de tout culte, indépendamment même de l'existence d'un Etre suprême, les hommes réunis en société ont des vertus, à exercer, des vices à fuir, et que c'est à la morale à leur apprendre quels

sont ces vertus et ces vices.

Le Mahometan. Mais enfin quel sera le principe fondamental sur lequel vous éleverez solidement l'édifice de votre morale ?

Le Philosophe. Ce principe est bien simple: c'est l'intérêt propre de l'homme c'est le soin de sa conservation et de son bonheur.

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Le Catholique. Eh quoi' laisserez-vous donc l'homme sans religion sur la terre?

Le Philosophe. Non sans doute ne vous ai je pas dit que l'une des bases que je donnerois à sa morale seroit le soin de son bonheur ? Je mettrai donc la piété au nombre des vertus humaines; mais je ne veux pas, en la plaçant la première, en la donnant, comme on l'a fait, pour fondement aux autres vertus, lui permettre, à elle ou à l'hypocrisie qui prend son masque, de se préférer à toutes, et souvent de se mettre à leur place.

Mais en voilà bien assez pour aujourd'hui. Remettons le reste à notre première rencontre. Je vous promets d'avance de vous persuader. Je vous promets aussi que je n'aurai pas besoin pour cela d'un grand nombre de conférences: je ne veux pas qu'on puisse dire de nos entretiens ce que vous avez dit de ces gros livres, qui vous ont si justement effrayés.

Suite de la RÉFORME DU CALENDRIER.

Il ne suffisoit pas d'avoir aboli pour le peuple Français libre le Calendrier des peuples esclaves; d'avoir partagé l'année en douze mois égaux, et le mois en trois décades. L'esprit saisit facilement ces divisions simples; mais on étoit habitué à donner un nom à chaque mois de l'année, à chaque jour de la semaine. A cette habitude commode substituera-t-on l'indication numérique, toute sèche et toute traînante? Dira-t-on le premier jour de la première décade du second mois de la seconde année ? ce seroient des longueurs éternelles et une prolixité insupportable.

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Nos législateurs ont remédié à cet inconvénient, plus grave peut-être qu'il ne le paroît, en donnant à chacun des mois et des jours, dans le Calendrier nouveau, un nom particulier, comme ils en avoient un dans l'ancien.

Rien de plus naturel, ni en même tems de plus ingénieux que les noms donnés aux mois.

D'abord chacun de ces noms exprime la température qui règne, ou le genre de productions que donne la terre, pendant le mois auquel il appartient.

Ensuite, de même que l'année est divisée en quatre saisons, les douze mois sont partagés en quatre groupes les trois mois qui composent chaque groupe ont une terminaison pareille, et les quatre groupes ont quatre différentes terminaisons; ensone que l'on reconnoît tout de suite que le premier et le second mois, par exemple, appartiennent à la même saison, mais que le troisième et le quatrième sont de deux saisons différentes. Il

y a même dans l'harmonie de ces noms, et sur tout dans leur chûre ou terminaison, quelque chose d'imitauf, qui rappelle la saison dont le mois qu'ils indiquent fait pariie:

Ainsi les trois premiers mois de l'année qui composent l'AUTOMNE prennent leur nom; le premier, des vendanges qui se font de Septembre en Octobre (vieux style) ce mois se nomme VINDEMIÄIRE, du mot latin vindemia, vendange; le second, des brouillards et des brumes basses qui règne nt ordinairement d'Octobre en Novembre: il se

nomme

BRUMAIRE; le troisième, du froid, ou sec, ou humide et des frimats qui se font sentir de novembre en decembre il se nomme FRIMAIRE. Ces trois noms ont un son grave et une mesure moyenne.

Les trois mois de l'HIVER prennent leur nom; le premier, de la neige qui blanchit la terre de Décembre en Janvier : ce mois se nomme NIVOSE, du mot latin nives, les neiges; le second, des pluies qui tombent généralement avec plus d'abondance de Janvier en Février; il se nomme PLUVIOSE; le troisième des giboulées et du vent qui souffle d'ordinaire

de Février en Mars: il se nomme VENTOSE. Ces trois noms, des mois d'hiver ont un son lourd et une mesure longue.

Les trois mois du PRINTEMS prennent leur nom; le premier, de la fermentation de la sève et du développement des germes de Mars en Avril: ce mois se nomme GERMINAL, le second, de l'épanouissement des fleurs d'Avril en Mai: il se nomme FLOREAL; le troisième, de la fécondité riante, et de la récolte des prairies: il se nomme PRAIRIAL. Les noms de ces trois mois printaniers ont un son gai, et une mesure brève.

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Eun les trois mois de l'ÉTÉ prennent leur nom; le premier des moissons dorées qui c couvrent les champs de Juin en Juillet: ce mois se nomme MESSIDOR, du latin messis, moisson; le second, des chaleurs ardentes qui embrâsent l'air de Juillet en Août il se nomme FERVIDOR, du mot latin fervidus, brûlant; le troisième, des fruits que le soleil dore et

mûrit d'Août en Septembre: il se nomme FRUCTIDOR, du latin, fructus, fruit. Les noms de ces trois mois d'été, où la nature est riche et majestueuse, ont une harmonie sonore et une mesure imposante.

Les noms des mois sont donc :

AUTOMNE Vindemiaire, Brumaire, Frimaire.
HIVER Nivôse, Pluviose, Ventôse.
PRINTEMS Germinal, Floréal, Prairial.
ÉTÉ Messidor, Fervidor, Fructidor.

On voit qu'il résulte de ces dénominations expressives et harmonieuses que, par la seule prononciation du nom du mois, chacun sentira parfaitement trois choses; la saison où il se trouve, la température et l'état de la végétation.

De la dénomination des mois', passons à celle des jours. Il s'agissoit de désigner, 1o. le passage d'un jour à l'autre; 2°. la place du jour dans la décade; 30. sa place dans le mois.

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Dans l'ancien Calendrier, les sept jours de la semaine portoient des noms composés de ceux des sept planetes (1) et de la syllabe di, venant du latin dies, qui veut dire jour. En conservant cette syllabe et la faisant précéder des nombres ordinaux, depuis un jusqu'à dix, on a remplacé d'une manière raisonnable et commode cette dénomination plané

taire.

On a donné à ces noms de nombre leur forme latine, et non pas la françoise, pour qu'elle s'accor dât mieux avec cette syllabe di, qui est latine.

On dit donc, pour nommer les dix jours de la décalle:

Primidi, Duodi, Tridi, Quartidi, Quintidi, Sextidï, Septidi, Octodi, Nonodi, Decadi.

De cette manière, la différence de Primidi à Duodi exprime le passage du premier au deuxième jour de la décade, et la place qu'y occupe chacun de ces deux jours; deux premières circonstances que l'on avoit à désigner.

(1) Voyez no. 3, page 50. No. 6. Quatrième année.

F 3

La troisième circonstance, qui est la place de chaque jour dans le mois, est indiquée par le nombre lui même, que l'on joint, si l'on veut, au nom du jour de la décade, comme on le joignoit auparavant au nom du jour de la semaine. Ainsi Primidi, 1 1 de tel mois, présentera l'idée du onzième jour de ce mois et du premier jour d'une décade.

L'avantage bien sensible de ces noms composés, Primidi, Duodi, Tridi, etc., est que le quantième du mois sera toujours présent à la mémoire en nommant le jour de la décade, sans qu'il soit besoin de recourir au Calendrier.

Par exemple, il suffit de savoir que le jour actuel est Tridi, pour être certain que c'est aussi le 3, ou le 13, ou le 23 du mois ; comme avec Quartidi, le 4, ou le 14 ou le 24 du mois; ainsi de suite.

Et réciproquement le jour de la décade sera présent à l'esprit en nommant le quantième du mois. Il suffit de savoir que l'on est au troisième, au treizième, ou au vingt-troisième jour du mois, pour connoître en même tems que l'on est au Tridi de la pre› mière, de la deuxième, ou de la troisième décade,.

etc.

Enfin l'on sait toujours à peu-près si le mois est à

son commencement, à son milieu, ου fin: à sa

on

voit bien que Tridi est le 3 au commencement du mois, le 13 au milieu, et le 23 à la fin.

Il n'y a donc rien de plus précis, de plus significatif et de plus commode que cette dénomination des jours.

Il reste à parler des cinq jours complémentaires. On a voulu leur donner un nom collectif qui poriât un caractère national, et qui rappellât l'époque de la révolution populaire, dans les cinq jours de fête que célébrera le peuple français à la fin de chaque année. On les a nommés les SANCULOTTIDES.

Le titre de Sans-Culottes, que les aristocrates ont donné au peuple, par mépris, est devenu pour lui un mot de ralliement et un titre d'honneur, comme le titre de gueux que les aristocrates Hollandais donnèrent autrefois aux patriotes de Hollande.

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