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armé les citoyens les uns contre les autres, et d'avoir par ce moyen fait couler le sang d'un nombre incalculable de citoyens; ce qui est contraire à l'article IV de la section première du titre premier de la seconde partie du code pénal, et à l'article II de la seconde section du titre premier du même code.

En conséquence, l'accusateur public requiert qu'il lui soitonné acte, par le tribunal assemblé, de la présente accusation; qu'il soit ordonné qu'à sa diligence et par un huissier du tribunal, porteur de l'ordonnance à intérvénir, Marie Antoinette se qualifiant de Lorraine d'Autriche, veuve de Louis Capet, actuellement détenue dans la maison d'arrêt dite la Conciergerie du palais, sera écrouée sur les registres de ladite maison. pour y rester comme en maison de justice; comme aussi que l'ordonnance à intervenir sera notifiée à la municipalité de Paris et à l'accusée. Fait au cabinet de l'accusateur public, le premier jour de la troisième décade du premier mois de l'an second de la République, une et indivisible.

Signé, FouQUIER.

Le tribunal, faisant droit sur le réquisitoire de l'accusateur public, lui donne acte de l'accusation par lui portée contre Marie-Antoinette, dite Lorraine-d'Autriche, veuve de Louis Capet.

En conséquence ordonne qu'à sa diligence et par un huissier du tribunal. porteur de la présente ordonnance, ladite Marie - Antoinette, veuve de Louis Capet, sera prise au corps, arrêtée et écrouée sur les registres de la maison d'arrêt, dite de la Conciergerie, à Paris, où elle est actuellement détenue, pour y rester comme en maison de justice; comme aussi que la présente ordonnance sera notifiée, tant à la municipalité de Paris qu'à l'accusée. .

Fait et jugé au tribunal, le second jour de la troisième décade du premier mois de l'an second de la République. Amand- Martial - Joseph Herman, Etienne Foucault, Gabriel Toussaint Scellier, Pierre-André Coffinhal, Gabriel Deliège, PierreLouis Ragmey, Antoine-Marie Maire, François

Joseph Denizot, Etienne Maçon, tous juges du tribunal, qui ont signé.

Après la lecture de cet acte, un grand nombre de témoins ont été entendus. Les débats ont duré plus de 48 heures. Sur toutes les questions que l'on a pu faire à l'accusée, son systême a été presque généralement de répondre oui à tout ce qui étoit ou indifférent ou à sa décharge, etnon à tout le reste.

Sa contenance a été fermé sans affectation et sans trouble. On a même remarqué plusieurs fois qu'en parlant à ses défenseurs officieux qui étoient auprès d'elle, en leur donnant des papiers ou les recevant de leur main, elle employoit ces tournures obligeantes et ces manières gracieuses d'une femme qui s'est fait une longue étude de l'art de plaire.

Tous les débats étant terminés, les deux défenseurs Chauveau et Tronçon - Ducoudray ont pris successivement la parole. Ils ont été écoutés dans le plus grand silence et ont parlé avec éloquence et

avec zèle.

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Après leurs discours, le président du tribunal a fait un résumé de toute l'affaire : il a rappellé tous les faits à la charge de l'accusée; il en est un qui suppose tous les autres c'est que, de

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son aveu,

elle avoit la confiance de Louis Capet. Il est une accusation générale qui renferme en quelque sorte toutes les inculpations, toutes les dépositions particulières c'est le peuple français tout ehtier qui accuse Antoinette; ce sont tous les événemens politiques depuis cinq années qui déposent contre elle.

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Le président a ensuite soumis aux jurés les questions suivantes :

1o. Est-il constant qu'il ait existé des manceuvres et intelligences avec les puissances étrangères, et autrès ennemis extérieurs de la République ; lesdites manœuvres et intelligences tendant à leur fournir des secours en argent, à leur donner l'entrée du territoire français, et à y faciliter le progrès de leurs armes ?

2. Marie-Antoinette d'Autriche, veuve de Louis

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Capet, est-elle convaincue d'avoir coopéré à ces manoeuvres et d'avoir entretenu ces intelligences ?

3°. Est-il constant qu'il a existé un complot et conspiration tendant à allumer la guerre civile dans l'intérieur de la République?

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4°. Marie Antoinette d'Autriche, veuve de Louis Capet, est-elle convaincue d'avoir participé à ce complot et conspiration?

Après une heure de délibération, les jurés sont rentrés à l'audience, et ont fait sur ces quatre questions une déclaration affirmativę.

Avant qu'on ramenât l'accusée pour l'entendre, le président a dit au peuple: Si cet auditoire n'étoit pas rempli d'hommes libres, et qui par conséquent sentent toute leur dignité, je devrois peutêtre leur rappeller qu'au moment où la justice nationale va prononcer la loi, la raison, la moralité leur commandent le plus grand calme; que la loi leur défend tout signe d'approbation, et que de quelques crimes qu'une personne soit couverte, une fois atteinte par la loi, elle n'appartient plus qu'au malheur et à l'humanité.

L'accusée est rentrée : on lui a lu la déclaration du jury, et les deux articles du code pénal qui punissent. de mort, 1. toute manoeuvre, toute intelligence avec les ennemis de la France, pour leur en faciliter l'entrée, leur livrer des villes, forteresses, ports, vaisseaux, magasins, arsenaux, etc., leur fournir des secours en soldats, argent, vivres, munitions, ou autres, corrompre ou ébranler en leur faveur la fidélité des officiers, des soldats et des autres citoyens; 2. toutes conspirations et complots tendant à exciter des troubles intérieurs et des dissentions civiles.

L'accusateur public a requis que conformément à ces deux articles, Marie-Antoinette fût condamnéeà la peine de mort. Le président ayant demandé à l'accusée si elle avoit quelques réclamations à faire' sur cette application de la loi, clle a fait en secouant la tête ane réponse négative; et la même interpellation étant faite aux défenseurs, Tronçon a dit:

la déclaration du jury étant précisé, et la loi for melle sur cet objet, j'annonce que mon ministère à l'égard de la veuve Capet est terminé.

Les juges ont été aux opinions, et la condamnation à mott a été prononcée à l'unanimité. Il étoit quatre heures du matin : l'accusée a écouté sa sentence sans montrer la moindre altération dans son maintien ni dans ses traits. On l'a reconduite à la Conciergerie.

Une heure après, le rappel fut battu dans toutes les sections. A sept heures, toute la force armée fut sur pied des canons furent placés à l'extrêmité des ponts, places et carrefours qui se trouvent depuis le Palais de justice jusqu'à la place de la Révolution. A dix heures, de nombreuses patrouilles parcoururent la ville; la circulation des voitures fut interrompue dans les rues où devoit passer Antoinette. A onze heures, elle sortit de la Conciergerie, vêtue d'un deshabillé blanc. Elle monta comme tous les autres criminels, dans la voiture de l'exécutéur, ayant à ses côtés un prêtre constitutionnel, et escortée par de nombreux détachemens de gendarmerie à pied et à cheval.

La force armée au nombre de plus de 30,000. homines, formoit le long de la route une double haie. Antoinette regardoit avec indifférence tantôt les citoyens armés, tantôt ceux qui étoient placés aux fenêtres. Les flammes tricolores, et les inscriptions républicaines et fraternelles placées sur la façade des maisons, parurent occuper son attention. On n'appercevoit sur son visage ni abattement ni fierté : elle avoit l'air calme, et paroissoit insensible aux cris de vive la République à bas la tyrannie! qu'elle ne cessa d'entendre sur son passage.

A midi, étant arrivée sur la place de la Révolution, elle tourna les yeux du côté du jardin national: alors seulement elle changea de couleur, et devint beaucoup plus pâle qu'elle n'avoit été jusqu'à ce moment. Elle monta ensuite sur l'échafaud avec assez de courage.

Après sa mort, l'exécuteur montra sa tête au peu

ple, au milieu des cris mille fois répétés de vive la République,

N. B. Le procès de Marie-Antoinette, sans avoir la même importance que celui de Louis Capet, en faisoit, pour ainsi dire, partic: ayant donné l'un tout entier, notre feuille ne pouvoit se dispenser d'accor der à l'autre quelqu'étendue. L'instruction publique, qui est notre objet principal, a cédé pour aujour d'hui la place à cet objet de curiosité plutôt que d'intérêt, elle la reprendra désormais et ne la quit-. tera plus.

Encore une fois, cette feuille n'est pas, à proprement parler, un journal, un papier-nouvelles. Les faits y doivent tenir peu d'espace, les personnes encore moins. Les choses, et sur-tout les principes, sont tout pour nous et pour le plus grand nombre de nos lecteurs.

Au numéro prochain, la suite de la géographie et le commencement du cours de morale.

CONVENTION NATIONALE.

Scelles apposés relativement

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au divorce.

Aussitôt qu'une demande de divorce étoit formée. par l'un des deux époux, l'autre, s'il étoit animé par la haine ou par l'intérêt et la mauvaise foi, pouvoit spolier la communauté, s'emparer de ce qu'il y avoit de plus précieux, et se retirer comme un ennemi qui pille et ravage tout dans sa fuite.

C'est à quoi la loi n'avoit pas pourvu, et cé qui lui restoit à prévenir. Autorisé par elle, celui des deux, époux qui aura formé l'action en divorce pourra faire apposer les scellés sur tous les meubles et effets mobiliers de la communauté.

Les scellés ne pourront être levés, soit pendant le cours de l'action, soit après le jugement définitif, qu'en procédant de suite à l'inventaire des objets

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