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L'auteur et l'éditeur se réservent expressément tous droits de traduction et de reproduction à l'étranger.

Le dépôt légal du second fascicule a été fait en juillet 1876.

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LES

CONSTITUTIONS

DE LA FRANCE

OUVRAGE CONTENANT

OUTRE LES CONSTITUTIONS, LES PRINCIPALES LOIS

RELATIVES AU CULTE, A LA MAGISTRATURE, AUX ÉLECTIONS, A LA LIBERTÉ
DE LA PRESSE, DE RÉUNION ET D'ASSOCIATION, A L'ORGANISATION
DES DÉPARTEMENTS ET DES COMMUNES

AVEC UN COMMENTAIRE

PAR

M. FAUSTIN-ADOLPHE HÉLIE

JUGE AU TRIBUNAL CIVIL DE LA SEINE

ANCIEN SOUS-CHEF DE BUREAU AU MINISTÈRE DE L'INTÉRIEUR, ANCIEN
SECRÉTAIRE EN CHEF DU PARQUET DE LA COUR DE CASSATION

SECOND FASCICULE

COMPRENANT

LA CONVENTION ET LA PREMIÈRE RÉPUBLIQUE

PARIS

A. MARESCQ AINÉ, LIBRAIRE-ÉDITEUR

20, RUE SOUFFLOT, 20

1876

Tous droits réservés

GODLEMS

242-1859

IBRAH

CHAPITRE II.

CONVENTION NATIONALE.

J'ai dit la cause générale qui fit que la France, au lieu de s'asseoir paisiblement dans les principes de 89, fut jetée, à partir de 1792, dans une ère révolutionnaire, où chaque parti, ne respectant ni le droit, ni la justice, ni la volonté de la nation, a poursuivi jusqu'ici, par la violence ou par la ruse, le triomphe de ses préjugés, de ses colères et de ses passions. Désormais j'aurai à expliquer les causes secondes qui ont amené successivement la chute de tant de gouvernements, et à distinguer dans leurs actes le juste de l'injuste.

La Constitution de 1791, semblable à un navire puissant et magnifique, mais mal pourvu de voiles et d'agrès, avait sombré sous la tempête effroyable que le crime de Louis XVI souleva des quatre coins de la France. La Convention fut élue au milieu de l'agitation et de la surexcitation universelles, comme plus tard les Assemblées de 1848 et de 1871. Ses efforts pour fonder la république sur les ruines de la monarchie capétienne furent vains, parce que ses sentiments républicains ne représentaient qu'un caprice passager de la nation.

Si le coup d'État de l'Assemblée nationale au 10 août 1792 fut une injuste violation de la Constitution, néanmoins cette Assem- blée se retirant et abdiquant son pouvoir, l'Assemblée qui la remplaçait, convoquée par elle, se trouvait légitimement investie de ce même pouvoir. Ainsi lorsque la Convention se réunit le 21 septembre 1792, elle possédait légitimement, par suite de cette abdication, le pouvoir législatif; elle avait en mains par la force des choses le pouvoir exécutif; elle avait de plus, par le mandat spécial qu'elle avait reçu en vertu de la Constitution, le droit de juger Louis XVI. Mais la Convention n'avait pas le pou

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voir constituant. En effet elle ne le reçut ni de l'Assemblée législative, ni de la nation. Le Corps législatif ne pouvait pas le lui donner; car il ne le possédait pas, et il n'avait aucun droit de le faire surgir du sein de la souveraineté, contrairement aux prescriptions de la Constitution de 1791, pour en revêtir l'Assemblée nouvelle. Le crime de Louis XVI n'avait pas aboli cette Constitution; l'abdication de l'Assemblée ne pouvait l'abolir davantage; sans quoi il dépendrait à tout moment du caprice soit du Prince soit du Corps législatif, en renonçant à leur fonction et à leur devoir, d'anéantir toutes les lois et de dissoudre la société. Ce que le coup d'État du 10 août ne pouvait faire, l'insurrection du 10 août ne le pouvait pas plus la nation insurgée, eût-elle été unanime, n'avait pas le droit d'abolir la Constitution et d'investir la Convention d'un nouveau pouvoir constituant; car la volonté de la nation, pour lier, doit être constante et réfléchie, à l'abri du caprice, des contradictions et des soubresauts; il faut donc qu'elle s'exerce avec des formes qui attestent sa prudence, et je ne connais pas de maxime plus subversive de toute morale et de toute liberté, que celle qui dit que le peuple peut tout ce qu'il veut. Ces formes nécessaires manquaient dans l'insurrection du 10 août. Donc la Convention, ni par l'assemblée qui la convoqua, ni par la nation qui la nomma, n'eût le pouvoir constituant. Ce pouvoir avait appartenu à l'Assemblée constituante, parce que Louis XVI avait le droit de provoquer la réforme de l'ancienne Constitution, et qu'il avait expressément convoqué la Constituante pour cette réforme.

Ainsi la Convention ne possédait légitimement que la partie exécutive et législative du gouvernement. Elle avait le droit de convoquer le corps constituant, mais non d'en exercer la fonction. Cependant, dès sa première séance, excédant aussitôt son pouvoir légitime, sans réflexion, sans délibération et comme emportée hors de la raison par une sorte de fureur, cette assemblée usurpa le pouvoir constituant en proclamant la république, et ce décret ne fut soumis à la ratification du peuple que trois ans après. Dans une nation la veille monarchique et devenue tout d'un coup républicaine par l'irritation et la passion d'un instant, la proclamation précipitée de la république eut cette conséquence

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