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de toute déprédation, surtout sur les frontières où les délits de l'espèce sont assez fréquents. Les délinquants repassent dans les pays voisins, et échappent ainsi souvent à toute répression. De là les articles 124 et 125, qui méritent, de notre part, une attention spéciale.

Les agents et les gardes forestiers doivent arrêter et conduire devant le juge de paix, devant le bourgmestre ou le commissaire de police tout inconnu surpris en flagrant délit. Ils le doivent faire pour établir son identité, et sont tenus, après cela, de lui rendre la liberté.

On remarquera que cette disposition est fort large. Le moindre délit pourra amener cette mesure exceptionnelle de l'arrestation et du transfert devant les magistrats déterminés, de toute personne quelle qu'elle soit, car il sera toujours facile de dire qu'on a affaire à un inconnu.

Il faudrait qu'il fût stipulé par le législateur même, lorsqu'il s'agit de nationaux, qu'il faut, pour motiver une mesure semblable, que le délit ait une gravité réelle. Dans tous les autres cas, il sera aisé aux gardes de connaître le nom et le domicile de la personne en cause, et de dresser tel procès-verbal que de besoin, pour assurer les poursuites nécessaires.

Les exigences trop grandes et les sévérités outrées, au reste, n'atteignent pas le but. Du moment qu'on veut arriver à un résultat inadmissible, on a à craindre des luttes et des accidents, et au lieu de faire avancer les choses, on amène souvent la mort même des agents intervenants.

Il en est de même pour les étrangers surpris en flagrant délit forestier. Là aussi les rixes sont fatales, si l'on montre des exigences outrées; en voulant user de trop de précautions, on arrive à un résultat tout à fait opposé, et l'on finit par une situation fort regrettable souvent et en dehors de toute proportion avec l'importance du délit.

Le législateur a décrété que tout étranger surpris en flagrant délit forestier, pourrait être arrêté, mis à la disposition du procureur du Roi et retenu sous mandat de dépôt décerné par le juge d'instruction, et cela jusqu'à ce qu'il ait élu domicile dans le royaume, que l'amende encourue ait été consignée entre les mains du receveur des domaines, ou que la rentrée en ait été assurée d'une autre manière.

Il est vrai que le législateur ajoute une chose, c'est que, si le tribunal n'est pas saisi

de la cause dans la quinzaine, le prévenu sera mis en liberté.

La détention des étrangers peut durer ainsi pendant quinze jours. Certes c'est beaucoup, d'autant plus que la règle est générale et doit s'appliquer au cas même d'amende. C'est vraiment passer la mesure; un délit aussi peu important, qui peut uniquement amener une amende, ne justifie pas évidemment une détention, encore moins une détention aussi longue. Il est vrai que l'intéressé a certains moyens d'y échapper; il peut élire domicile dans le royaume, il peut consigner entre les mains du receveur des domaines l'amende encourue, il peut encore assurer la rentrée de l'amende d'une autre manière. Mais le plus souvent le fait même sera contesté, et la détention aura lieu effecti

vement.

Lorsque le délit entraîne la peine d'emprisonnement, le prévenu est soumis aux règles générales de la procédure criminelle. Qu'estce à dire? C'est qu'il faut recourir alors à la loi de 1874, sur la détention préventive. Or, celle-ci n'intervient que lorsque le fait peut entraîner un emprisonnement correctionnel de trois mois ou une peine plus grave.

Il y a donc là une étrange anomalie. S'agitil d'une amende simplement, il peut y avoir arrestation et détention pendant une durée de quinze jours. Est-il question d'emprisonnement, comme l'emprisonnement n'est qu'exceptionnel et peut avoir une durée beaucoup moins longue, il n'y aura pas lieu généralement à détention. Il est désirable que cette anomalie ne subsiste point.

Un peu plus de mansuétude ici ne pourra pas nuire; elle est du reste appelée par la plupart des auteurs, qui se sont occupés de la matière.

§ 3. Les gardes champêtres et les gardes forestiers ont à intervenir également dans l'exécution de la loi de 1882 sur la chasse. L'article 22 de cette loi stipule que, lorsque le délinquant est déguisé ou masqué, lorsqu'il refuse de faire connaître son nom ou qu'il n'a pas de domicile connu, il peut être arrêté et conduit devant le bourgmestre ou le juge de paix. Le magistrat intervenant s'assure de son individualité, et met, s'il y a lieu, le délinquant à la disposition du procureur du Roi.

Il est évident qu'il y aurait abus de pouvoir, si l'on appliquait cette disposition à une per

sonne, qui n'eût commis aucune infraction à la loi sur la chasse. Le simple soupçon aussi ne suffit pas; il faut qu'il y ait réellement délit.

Mais, lorsque cette circonstance existe, qu'il s'agisse d'un Belge ou d'un étranger, la règle est la même. En vertu de l'article 128 de la Constitution, tout étranger, qui se trouve sur le territoire de la Belgique, jouit de la protection accordée aux personnes et aux biens; il est soumis aussi, suivant l'article 3 du titre préliminaire du Code civil, aux lois de police et aux règles établies pour sauvegarder les propriétés et la sécurité publique.

Il faudra que les agents usent avec modération du pouvoir qui leur est donné par l'article 22 de la loi de 1882. S'ils ne le faisaient pas, ils se créeraient mille difficultés et s'exposeraient vainement. Des luttes s'engageraient plus d'une fois et ne pourraient amener que des malheurs. Ainsi il faudra que le délinquant soit déguisé ou masqué. Il faudra encore que le délinquant refuse de faire connaître son nom. Mais s'il représente un port d'armes de chasse, un passeport, des pièces qui donnent son signalement, l'agent de l'autorité

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