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ties et qu'elle empêche tous les abus. Est-ce là ce que nous donne la loi qui régit actuellement la matière?

Nous devons dire ici, et nous le faisons avec un intense regret, qu'il n'en est rien. Nous sommes persuadé qu'il suffira d'appeler sur point l'attention générale, pour qu'il soit remédié à la situation, sans retard.

Aussi bien la question est remuée de plus en plus, et des accents généreux et indignés se font entendre tant à la tribune de nos Chambres législatives que dans les prétoires de nos tribunaux.

N'est-il pas étonnant qu'il soit permis encore dans notre pays à des particuliers d'ouvrir un établissement d'aliénés? Les particuliers généralement sont guidés par l'intérêt personnel; ce sont, comme le disait vulgairement une haute personnalité du barreau, avant tout des marchands de soupe. Ils seront même animés des meilleures intentions, qu'encore le besoin de vivre, de se maintenir, de se développer et de s'enrichir finira par les entraîner absolument. Notons au reste que même ceux qui sont conduits par le désir de soulager leurs semblables, ne pouvant tout faire par eux-mêmes,

sont forcés de recourir à des aides qui les trahissent et font dévoyer très souvent les meilleures intentions

L'intérêt personnel est fort puissant dans les entreprises humaines, qui doivent amener comme résultat la richesse et la prospérité. Il l'est infiniment moins quand le dévouement seul est là qui réclame les concours et quand c'est le bien des autres qu'il faut réaliser.

Souvent nous voyons faire une propagande acharnée en faveur des institutions créées par les particuliers. Les journaux en sont pleins et les esprits clairvoyants s'en trouvent tous les jours attristés. Ce ne sont pas les guérisons qu'on répand à son de trompe; c'est le nombre croissant des internés qu'on renseigne, c'est l'insuffisance de l'établissement qu'il faut constamment agrandir, c'est la nécessité de se garer contre tous accidents possibles, le plus souvent imaginaires, c'est le besoin d'enfermer tout le monde, si l'on en croyait la réclame.

Il faut que cette situation prenne fin. Il faut que cette propagande immorale n'ait plus lieu d'être. Il faut que le nombre de nos établissements n'aille pas toujours croissant, mais qu'il diminue. Il faut que le nombre de nos aliénés,

loin de grandir, finisse par se trouver d'accord avec la réalité et qu'il soit réduit considérablement. Il faut aussi que la science tende à nous affranchir de ce mal qui annule l'individu.

Pour arriver à ce résultat, il faudrait que les maisons de santé se trouvassent établies et dirigées entièrement par les pouvoirs publics. C'est la tendance qui se manifeste de plus en plus, heureusement, et qui, dans un avenir prochain, espérons-le, finira par triompher. Encore faudra-t-il veiller alors à empêcher tous abus nouveaux. Il faudra que l'animosité, la haine, les luttes des partis, les visées particulières, l'égoïsme, le désir immodéré de s'élever et de s'enrichir aux dépens des autres et même en leur passant sur le corps au besoin, soient mis dans l'impossibilité de réaliser leurs noirs desseins. Nous ne voulons pas rendre l'humanité plus mauvaise qu'elle n'est. Nous reconnaissons volontiers que chez elle se rencontrent de grandes qualités et de grandes vertus. Mais encore faut-il compter avec les faiblesses des hommes et avec leurs vices, et c'est faire beaucoup pour les individus comme pour la généralité que de les arrêter, et, partout où il y a moyen, aussi de les prévenir.

Hâtons-nous d'ajouter que, si les particuliers peuvent établir des maisons de santé, le législateur n'a pas voulu qu'ils le fissent sans intervention aucune et selon leur fantaisie. Ils sont tenus, avant d'agir, de solliciter l'autorisation du Gouvernement. Et si nous sommes hostile à toute intervention non justifiée, nous l'approuvons pleinement là où elle est commandée par l'intérêt général.

Pour le maintien des établissements existant au moment du vote de la loi, l'autorisation du Gouvernement a été exigée également. Le législateur a voulu ainsi s'assurer, au moins dans une certaine mesure, de la bonne organisation des établissements, de l'observance des dispositions légales et de la sauvegarde de la liberté individuelle. Cet examen présente de sérieuses difficultés. Ce sont les médecins le plus souvent qui prononcent et qui, soit de bonne foi, soit par erreur, soit par parti pris, peuvent poser les actes les plus répréhensibles. Nous verrons plus tard quelles sont les conditions nécessaires pour qu'il n'y ait que la moindre somme d'abus possible.

Il est vrai que dès aujourd'hui les contraventions aux dispositions légales sont passibles des

peines comminées par l'article 38 de la loi. Mais ceci seul ne suffit point, dans l'impossibilité où l'on est souvent de relever et de faire poursuivre les violations des règles prescrites. par le législateur et imposées par les principes d'humanité et la nécessité d'assurer à chacun ce qui lui appartient.

La loi a voulu assurer à tous encore plus, si possible, la garantie de ses droits. Il faut donc rendre hommage à ses intentions; tout ce qui, au moment où la loi est intervenue, semblait nécessaire ou utile, le législateur l'a voulu; seulement il a perdu de vue quelque peu les extrémités auxquelles peut conduire l'intérêt mal entendu; il a perdu de vue aussi la nécessité d'assimiler la personne atteinte aux prévenus des tribunaux répressifs, tant que les juridictions compétentes n'ont pas statué définitivement, à une personne de raison pour toutes les améliorations possibles dans le traitement ou dans l'état.

Ceci dit, constatons encore que le législateur, en assimilant toute maison où l'aliéné est traité, même seul, par une personne qui n'a avec lui aucun lien de parenté ou d'alliance, ou qui n'a pas la qualité de tuteur, de cura

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