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Eh bien! ce système ne nous paraît pas admissible. A nos yeux et aux yeux de tous les gens de bonne foi, il doit être absolument condamné. Il n'est pas possible de disposer ainsi de la liberté d'un homme; il n'est pas possible de décider ainsi de sa vie entière.

Qu'on ne nous conteste pas que les choses. ainsi se passent le plus souvent. Il est certes,. parmi nos magistrats, des hommes très dignes. et qui ne prononcent jamais à la légère, surtout quand la liberté d'un homme est en cause. Mais combien d'autres, qui par précipitation, au milieu des affaires qui les préoccupent, par d'autres causes que rien n'explique ou même par légèreté, passent sur toutes les considérations et prononcent sans songer aux conséquences!

Tout le monde se rappelle cette histoire du jeune homme arrêté pour mendicité et vagabondage, enfermé dans un dépôt de mendicité et enlevé, pour ainsi dire, sous les yeux des gardiens, par sa sœur, en société de qui il passa la frontière en voiture, au grand galop de ses chevaux.

Il faut donner à la personne arrêtée le moyen de se justifier et de réclamer sa liberté si elle

l'entend convenir. Elle ne doit pas attendre passivement la décision qui sera prise à son sujet; elle doit être admise à jouer un rôle actif, et la loi doit garantir à cet égard ses droits. Elle doit l'autoriser à produire telles pièces, tels témoins que réclament les circonstances et la cause; elle doit l'autoriser à recourir à un conseil; elle doit, en tout cas, toujours le faire interpeller directement et l'appeler à s'expliquer sur tous les points. Alors une décision pourra intervenir en connaissance de cause; et il restera encore, après cela, assez de chances d'erreurs et de malentendus.

Le juge de paix, après vérification, met à la disposition du Gouvernement, pour être enfermé dans un dépôt de mendicité, pendant deux ans au moins et sept ans au plus, les individus valides, qui, au lieu de pourvoir à leur subsistance par le travail, exploitent la charité comme mendiants de profession, les individus qui, par fainéantise, ivrognerie ou dérèglement de mœurs, vivent en état de vagabondage, ainsi que les souteneurs de filles publiques.

Il y a là trois catégories de personnes, et l'on ne dira pas qu'il soit toujours facile de

reconnaître celles qui se trouvent dans les conditions déterminées par le législateur. Exploiter la charité publique, être mendiant de profession, ce n'est pas certes tendre en passant la main, comme cet ouvrier, qui manque de travail et qui est forcé par les plaintes et les cris des enfants qui l'entourent, de demander pour eux du pain. Et cependant, si le malheur le veut, ce sera celui-là qui sera considéré comme se trouvant dans les conditions prévues, et qui, au grand dam de tous les siens, pourra être enfermé, pour une durée de deux à sept ans, dans un dépôt de mendicité, d'où il ne sortira peut-être que brisé, en tout cas diminué dans son estime et dans l'estime publique. La seule possibilité de semblable résultat devrait amener l'amélioration nous réclamons.

que

Et qu'est-ce encore que la fainéantise, que l'ivrognerie, que le dérèglement des mœurs? Qu'entend-on par souteneurs de filles publiques?

Ce sont là des questions très délicates, qui réclament beaucoup de prudence et d'attention, et pour l'examen desquelles l'active coopération de l'intéressé est indispensable.

Il est vrai que la loi autorise le ministère

public et les tribunaux à mettre provisoirement en liberté les individus arrêtés dans ces conditions. Il est vrai encore que le Ministre de la Justice peut faire mettre en liberté les individus enfermés dans un dépôt de mendicité, lorsqu'il juge inutile de prolonger l'internement. Mais ce sont là mesures rares, d'application restreinte, dont peu d'individus. pourront bénéficier. Il faudra que l'intéressé soit tout particulièrement connu ou recommandé, et quand la police s'est emparée d'une personne, il lui est bien difficile d'arriver à ce résultat.

Notons qu'en cette circonstance, le Ministre de la justice est admis à intervenir directement. C'est que, et il faut en louer le législateur, la mise à la disposition du Gouvernement et l'internement dans un dépôt de mendicité ne sont pas considérés comme des peines; c'est que la loi ne veut pas qu'en cette circonstance, il faille, pour recouvrer sa liberté, avoir recours à la grâce réservée uniquement au Roi.

L'internement dans un dépôt, comme dans une école de bienfaisance, est considéré comme une simple mesure de police d'un caractère. essentiellement passager.

Les personnes qui passent dans un dépôt de mendicité,, mendiants ou vagabonds, peuvent avoir subi un emprisonnement à la suite d'une infraction prévue par la loi pénale. Elles sont alors, accessoirement, mises à la disposition. du Gouvernement, si le juge l'estime utile, pour être internées, pendant un an au moins et sept ans au plus. La condamnation accessoire peut ainsi parfois être plus dure que la condamnation principale, ce qui offre peut-être de sérieux inconvénients.

Pour les maisons de refuge, c'est aussi le juge de paix en principe, qui est chargé d'intervenir. La loi veut que ces vagabonds et mendiants, qui ne se trouvent pas dans les conditions exceptionnelles relevées pour les dépôts de mendicité, soient mis à la disposition du Gouvernement pour être internés dans les établissements de l'espèce. Ces individus ne pourront être rangés ni parmi ceux qui exploitent la charité comme mendiants de profession, ou parmi ceux qui par fainéantise, ivrognerie ou dérèglement de mœurs, vivent en état de vagabondage, ni parmi les souteneurs de filles publiques. Ce seront pour ainsi dire des mendiants et vagabonds, au premier

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