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VII

La Liberté individuelle

et la loi sur le régime des aliénés

Nous avons vu précédemment les précautions prises par le législateur constituant pour garantir la liberté individuelle. Les excès commis antérieurement avaient mis le Congrès plus encore en garde contre les abus.

Sous l'ancien régime, c'étaient les lettres de cachet, qui envoyaient les gens en exil ou les faisaient enlever et constituer prisonniers.

L'assemblée constituante les avait supprimées. Mais l'arbitraire n'en était pas moins revenu et s'était représenté sous bien des formes. A la veille de la révolution Belge, les mesures prises à l'égard des hommes, qui avaient relevé les fautes et les exactions commises par le Pouvoir, avaient porté l'irritation au comble.

On voulut rendre le retour des faits critiqués, absolument impossible. De là, les précautions prises et les dispositions édictées par la Constitution Belge. Plus de poursuites hors des cas prévus par la loi; plus de poursuites aussi hors la forme prescrite par le législateur; plus d'arrestation, si ce n'est en vertu de l'ordonnance motivée du juge, signifiée au moment où la force publique intervenait ou au plus tard dans les vingt-quatre heures. Une seule exception était admise à cette règle et c'était le cas de flagrant délit.

Nous avons vu les lois portées pour l'exécution de ces dispositions. Nous avons constaté qu'elles prêtent, malgré toutes les précautions, à l'équivoque et même aux abus. Que sera-ce donc d'une loi exceptionnelle, faite pour une situation spéciale, celle des aliénés? En attendant que nous examinions les règles établies pour les vagabonds et les mendiants, cette législation doit nous arrêter nécessairement.

SI. - Presque tous les ans, nous voyons le Parlement s'en occuper. Des faits sont signalés, des abus sont relevés, des critiques se font jour, et la législation sur la matière est mise

en cause. Des études paraissent, les journaux et les revues s'occupent de la question, et le Pouvoir s'enquiert de ce qui se passe à l'étranger et suit attentivement toutes les circonstances nouvelles, tous les cas particuliers, tous les faits spéciaux, qui viennent à sa connais

sance.

Il serait fastidieux de relever et d'examiner toutes les situations sur lesquelles successivement a été appelée l'attention. Il est évident pour tous que la liberté individuelle court, de ce côté, le plus grand danger. Ce danger est d'autant plus grave que le transfert dans une maison d'aliénés s'opère plus facilement et que la détention une fois acquise, elle peut se prolonger indéfiniment. Il le faut reconnaître, les maisons d'aliénés, à moins de précautions multiples, à moins de mesures efficaces, peuvent, à un moment déterminé, devenir les oubliettes modernes ».

C'est qu'on peut bien dire quand on y entre, mais qu'on ne sait jamais quand ni comment

on en sort.

Des travaux nombreux ont été publiés sur l'aliénation mentale et sa nature. Cette question si intéressante pour l'humanité, devait

nécessairement appeler l'attention de ceux qui s'intéressent au bien-être général. Et, le croirait-on, on en est arrivé successivement non à réduire les cas d'aliénation mentale, mais, comme le constatent des auteurs fort distingués, à les exagérer considérablement.

Tout est là du reste qui confirme cette constatation. Un médecin disait : « Tous les hommes sont fous, toutes les femmes sont hystériques ». Un sénateur, et non le moins éminent, déclarait au Sénat que plus d'une fois on l'avait taxé de folie, à raison de l'originalité de ses idées et de l'énergie qu'il mettait à les défendre et à les faire triompher. Le directeur d'une maison de santé disait, à son tour, que son rapport annuel lui coûtait des peines infinies, et que, pour dresser un relevé comprenant une centaine de ses pensionnaires, il lui fallait, pour le classement seul, quinze jours au moins.

Et tout cela ne remonte pas à une époque éloignée; c'est bel et bien, hélas! de l'histoire contemporaine.

La législation, en présence de ce danger, ne saurait être ni assez sévère, ni assez prévoyante. Il faut qu'elle donne à chacun toutes ses garan

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