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aux prises avec la loi et avec ceux qui les entourent. Pour plus de clarté, nous nous occuperons de cet intérêt dans un second paragraphe.

§ 2. Nous avons vu sur le dépôt de quelles pièces, une personne est colloquée dans une maison de santé.

Notons qu'aucune prescription légale n'ordonne la communication, ni la notification de ces pièces à l'intéressé. Celui-ci sera conduit à l'institution à l'aide d'un subterfuge, ou bien encore il y sera conduit de force. Dans ce dernier cas surtout, la situation peut être fort malheureuse, inutile de l'ajouter. Suspect encore davantage, il peut être traité avec la dernière rigueur.

L'interné ne sait pas le plus souvent ni quelles causes ont déterminé sa collocation, ni quelles personnes ou quelles autorités sont intervenues. Il se trouve dans l'ignorance la plus entière de la situation, et l'unique chose qu'il sache, c'est qu'il est bel et bien séparé du nombre des vivants.

Il voit alors régulièrement, tous les jours, le chef et le médecin de l'établissement. Mais

l'un et l'autre se retranchent derrière le secret professionnel, et prétendent n'avoir rien à dire, ni au sujet des personnes qui sont intervenues, ni au sujet des causes de l'internement. L'un et l'autre ont un intérêt, celui de peupler l'institution, celui d'accroître avec la population, les ressources qui doivent en découler pour eux. C'est dans cet esprit, qu'ils s'en viennent interpeller la personne en cause et, lui refusant toute explication, la mettre souvent à une torture continuelle.

C'est cependant là ce que le législateur a considéré comme une garantie. Et l'on voit que loin d'être un bien, très souvent c'est pour le malheureux, qui se trouve atteint, un véritable mal.

Pour parer à une situation aussi pénible, la loi devrait commencer par exiger la notification pleine et entière de toutes les pièces produites ou déposées. Alors les choses s'éclairciraient. L'aliéné réel resterait confiné dans l'établissement; celui-là au contraire, qui aurait eu à souffrir dans sa liberté sans cause réelle, saurait ce qui a été fait et se trouverait en mesure d'agir toujours. Il pourrait aussi s'expliquer convenablement avec le directeur

et le médecin; il serait en mesure de réunir les éléments voulus, de se défendre et de se faire libérer; il saurait aussi qu'il n'est pas enfermé sans espoir aucun.

Le directeur et le médecin seraient aussi astreints par le fait à la plus grande réserve, et les abus, relevés chez eux en plus d'une circonstance, seraient nécessairement moins nombreux.

Alors aussi le médecin, qui doit consigner ses observations sur un registre spécial, serait astreint à la plus grande prudence, et ne pourrait acter que les constatations réelles; aujourd'hui, sans contrôle aucun, il fait à peu près ce qu'il veut. Or prédisposé à la sévérité et par la délivrance d'un premier certificat et par son intérêt à voir toujours croître la population, sûr aussi de l'impunité, il acfera. le plus souvent, même de bonne foi, les faits les plus défavorables, tout étant vu de ce côté, et les déclarations les plus normales lui apparaissant ainsi sous un autre jour. Je vous laisse à juger de ce que doit amener la mauvaise foi, quand elle se met de la partie. Les inexactitudes doivent abonder nécessairement.

L'interné, séparé de tout secours, vit ainsi

dans une incertitude cruelle. On a parlé souvent et avec raison du prévenu mis en prison sans aucune aide, sans aucun conseil. Combien plus pénible est la situation de la personne colloquée, qui ne sait pas si jamais encore elle reverra la liberté !

Car, une autre condition anormale se rencontre pour lui. Tout le monde, en dehors du personnel de l'établissement, dans les premiers temps, est écarté de lui. Il ne lui est pas même permis de voir directement un conseil. Pour apporter cette consolation et ce secours, le conseil doit avoir d'abord l'autorisation du Ministre de la Justice. Et ce n'est que pour autant qu'elle lui soit accordée, -un rapport défavorable suffit parfois pour l'empêcher, que l'interné peut se mettre en rapport avec un défenseur.

Dans l'entretemps, un extrait du registre renseignant les observations vraies ou fausses du médecin de l'établissement, est transmis au procureur du Roi de l'arrondissement. Ce magistrat se trouve ainsi devant les déclarations seules du premier médecin, qui peut s'être trompé, et qui parfois le fait volontairement, et les constatations du second médecin

intéressé au maintien de la situation. Que ferat-il? Le plus ordinairement il s'en lavera les mains et laissera les choses en l'état, au grand désavantage de l'interné, au grand péril aussi de la généralité exposée au même sort.

Du jour où un conseil se trouverait à côté du colloqué, les choses changeraient de face Le contrôle serait là permanent, pour tous, la lumière se ferait successivement, les preuves seraient aisément recueillies et la justice et la vérité triompheraient le plus souvent.

On se demande en vain pourquoi l'interné n'est pas admis à recourir directement à un conseil. Réellement malade, il n'y songera pas le plus souvent. Et l'avocat même appelé auprès de lui, ne pourrait faire du mal à personne et serait la cause d'un bien immense toujours, parce qu'il relèverait le moral de la

personne en cause.

Une forfaiture par contre a-t-elle été commise, sa présence devient tout à fait indispensable. Et il y a vraiment de l'inhumanité à refuser au malheureux ce concours.

Il y a du reste une contradiction manifeste entre la défense édictée d'une part, et la faculté, qui lui est laissée de l'autre, de pren

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