XIV

La Liberté individuelle

et la Science

Nous avons passé en revue les dispositions édictées par le Législateur pour garantir la liberté individuelle. Certes, beaucoup d'améliorations sont encore désirables; nous en avons signalé plus d'une qui entre dans les vœux de tous; nous avons montré combien certaines d'entre elles sont urgentes. La Législature, de ce côté, a une grande tâche à remplir; nous aimons à croire qu'elle n'y faillira pas et qu'elle saura pourvoir, sans faiblesse ni hésitation, aux nécessités reconnues.

La science aussi, dans le domaine de la liberté individuelle, doit nous faire réaliser beaucoup de progrès. Nous la voyons dans toutes les sphères réaliser des merveilles, et il

ne s'écoule pas de jour que nous n'ayons à applaudir. Qui ne voit d'un œil satisfait la vapeur nous mettre en rapport avec le monde entier et nous permettre de profiter du travail, des productions et des créations de tous les pays? Qui ne considère avec bonheur le télégraphe et ses promptes communications, le téléphone et ses rapports avec la civilisation? Qui n'espère de la science plus encore?

On ne s'attendrait pas, dans ces conditions, à nous voir nous préoccuper de la science et de ses effets au point de vue de la liberté individuelle. Et cependant nous ne pouvons nous en empêcher.

Voilà près de sept ans bientôt que nous avons vu se manifester tout à coup l'électricité dans des manifestations nouvelles et merveilleuses. Nous avons pu voir que directement elle s'est emparée de l'homme et qu'elle en dispose à son gré. Nous avons pu aussi nous assurer qu'elle agit sur tout ce qui nous entoure, et qu'elle peut produire mille résultats plus grands et plus importants les uns que les

autres.

Et nous avons été émerveillés. Mais l'angoisse aussi nous a quelque peu saisis au cœur.

Et nous nous sommes dit que la liberté individuelle était vivement intéressée à ce qu'on prît des mesures pour nous sauvegarder.

Nous allons rapidement retracer les conséquences de l'électricité considérée à ce point de vue; nous allons montrer ce qui a été fait; nous allons appeler aussi l'attention sur les dispositions que commande la situation.

Il est un Dieu, qui gouverne le ciel et la terre. C'est lui qui a tout créé et qui soutient tout de sa puissante main. C'est en vain qu'on le nierait, ce Dieu; il s'impose aux hommes les moins clairvoyants, aux esprits les plus hostiles. Quand on a considéré la nature et sa beauté, quand on a vu le monde et sa grandeur, quand on a suivi les êtres et leurs variétés, quand aussi on a relevé dans l'espace ces mondes innombrables répandus dans le firmament, on ne saurait laisser de proclamer l'existence, la grandeur et la bonté de Dieu. L'homme, lui seul, par son organisation, par ses dispositions, par ses aspirations vers le bien et vers l'infini, par sa brillante intelligence, son cœur aimant et son âme ouverte à tout ce qui est grand et beau, l'homme seul témoigne de l'existence et de la présence de la Divinité.

Il en est qui ont prétendu que l'homme n'avait qu'une existence éphémère, qu'il ne vivait qu'un moment, que Dieu n'avait que faire de lui et ne pouvait le suivre partout. Et voilà que tout-à-coup, au milieu d'une nuit. sombre, se manifeste une force nouvelle et toute terrestre, qui s'attache à l'homme, reste avec lui en toutes choses et partout, ne l'abandonne jamais et va comme se jouant de lui. Et cette force, quelle est-elle ? C'est l'électricité. Rien n'est plus simple et rien aussi n'est plus puissant.

Le principe est facile à établir. Tout le monde connait l'effet de l'aimant sur la boussole. Il fait dévier l'aiguille à volonté. On sait que l'aiguille est toujours dirigée vers le nord. L'aimant la peut amener vers le sud, la tourner vers l'est ou la pousser vers l'ouest à volonté. Plus la force de l'aimant augmentera, plus aussi l'effet sera rapide et remarquable. C'est ainsi qu'il nous a été donné, dans des conditions relativement simples, de voir tourner l'aiguille autour de la boussole avec la rapidité du vent. Nous avons interposé entre l'aimant et la boussole mille objets divers, la main, le bras, la jambe, le corps humain, un bol rempli

d'eau, une pierre, et toujours nous avons vu se produire le même effet. L'aimant restait maître de la situation et faisait de l'aiguille et de la boussole ce que voulait la main qui le dirigeait.

Supposez que la force agissante soit augmentée, on arrivera à des résultats tout-à-fait étonnants. La boussole sera remplacée par l'homme, l'aimant sera remplacé par une force plus grande, et l'on aura ce qui se constate aujourd'hui, l'effet remarquable et merveilleux que nous avons à relever. Nous avons à peine. besoin d'ajouter que le magnétisme et l'électricité partent d'un même principe et constituent une même force sous des aspects divers.

La science est arrivée ainsi à des conséquences auxquelles nul ne s'est attendu.

L'électricité se trouve répandue partout dans l'espace. Elle nous entoure, elle nous imprègne avec l'atmosphère que nous respirons. On a trouvé le moyen de l'utiliser et d'en tirer parti en toute circonstance. Heureux quand ce moyen sera tourné en faveur de l'humanité! Malheureux tant qu'il sera tourné

contre nous!

Soyons en sûrs, ce n'est là qu'une épreuve, qu'il dépend de nous de rendre plus ou moins