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tution nouvelle, il faudra toujours veiller, dans l'intérêt de tous et dans l'intérêt de l'ordre social, à la sauvegarde des droits de chacun. Or, dans les cas de l'espèce, il ne peut dépendre d'une personne seule, de prendre une décision aussi importante, sans aucune des mesures de protection exigées par les circonstances. Rien n'empêcherait le tribunal, à défaut du collège, de statuer dans les conditions habituelles et de prendre en audience publique telle mesure que de droit.

Mais ce qu'on ne saurait admettre, c'est ce qui est prévu par la disposition suivante. La loi admet une demande d'admission émanant de toute personne intéressée et indiquant la nature des relations. C'est ouvrir la porte toute large aux abus; c'est aller au devant de toutes les difficultés. Notons qu'il ne faut pas nécessairement parenté ni alliance; il suffit d'établir, et encore bien superficiellement vis-à-vis du chef de l'établissement, qui a tout intérêt à multiplier le nombre de ses pensionnaires, qu'on a quelque intérêt à la mesure.

Lorsqu'il y a parenté ou alliance, celle-ci doit être renseignée.

Ajoutons que le législateur ici, et pour ce

cas seul, a fait une légère réserve. La demande doit être revêtue du visa du bourgmestre de la commune où l'aliéné se trouve. Un simple visa suffit. Et les instructions ont beau exiger un examen sérieux, en présence d'un texte aussi large, il se rencontrera rarement ou jamais.

Le législateur autorise encore la députation permanente à provoquer la collocation, lorsqu'il s'agit d'un indigent, lorsque le collège échevinal est admis à agir, et généralement dans tous les cas quelconques. C'est vraiment beaucoup de précautions, lorsqu'il y a un collège des bourgmestre et échevins, beaucoup plus rapproché de l'individu et mieux en situation d'apprécier ce que demandent les circonstances. Il va de soi, après cela, que nous n'approuvons pas davantage l'intervention du Gouverneur, autorisé à agir seul, en cas d'urgence, sauf ratification par la députation per

manente.

En un mot, le législateur nous paraît ici s'être placé à un faux point de vue. Il a voulu avant tout garantir l'ordre public en vertu de l'adage « Salus populi suprema lex esto ». Et l'on sait que l'autorité, par le fait même qu'elle

occupe le pouvoir, n'est que trop pressée le plus souvent d'agir. On se demande aussi comment un seul individu pourrait causer à la généralité un mal assez grand pour déterminer le pouvoir supérieur à intervenir.

La Constitution a remis à l'autorité le soin de veiller à la liberté individuelle. Et c'est la garantie de cette liberté qui aurait dû avant tout préoccuper le législateur. C'est en l'assurant, que la loi aurait sauvegardé l'intérêt de

tous.

La seule autorité communale, pour ces raisons, aurait dû être admise à intervenir dans l'occurrence, et l'intéressé aurait dû conserver le droit et le moyen d'agir quand il convient, pour faire reconnaître ses droits méconnus.

Le législateur, à la vérité, a exigé une autre précaution. Il veut que toute mesure prise à l'égard d'un aliéné, ne le soit que sur la production d'un certificat médical, délivré par un praticien non attaché à l'établissement.

Mais n'oublions pas que les médecins sont faillibles, et qu'en fait ils ne se trompent que trop souvent. N'oublions pas aussi qu'ils ont leurs faiblesses, leurs passions et que les luttes de parti et d'ambition agissent constamment

autour d'eux. La précaution prise par la loi ne saurait donc être considérée comme bien sérieuse, quand il s'agit de décider du sort d'un homme. Même un second médecin intervenant, non en même temps que le premier, mais en dehors de sa présence, n'assurerait pas les choses, sans recours possible et sans le droit correspondant de faire appel à d'autres médecins.

En cas d'urgence, le certificat n'est pas même exigé au moment de l'entrée de l'aliéné; il doit alors être délivré dans les vingt-quatre heures. Cette latitude nous paraît exagérée et peu en rapport avec la situation du temps présent. Même à la campagne les médecins sont nombreux; il est facile de les rencontrer et facile aussi d'avoir toutes les pièces désirables. Loin de faciliter la collocation d'une personne prétendûment aliénée, il faut l'entourer de toutes les précautions possibles, dût même un accident, rare assurément, se rencontrer à ce propos.

Le chef de l'établissement est tenu de donner avis par écrit de l'admission de l'aliéné à toutes les autorités. C'est le Gouverneur de la province qui est prévenu, c'est le procureur du

Roi de l'arrondissement, c'est le Juge de paix du canton, c'est le bourgmestre de la commune, c'est le comité de surveillance de l'établissement, c'est encore le procureur du Roi de l'arrondissement du domicile ou de la résidence habituelle de l'aliéné, c'est enfin l'autorité locale qui en donne connaissance au plus proche parent connu ou aux personnes chez lesquelles l'aliéné avait son habitation.

A voir cette liste si longue, on serait disposé à s'écrier que tout certainement est bien garanti. Mais quand on regarde les choses de plus près, on constate qu'il n'en est point ainsi. Toutes ces autorités ont mille occupations diverses, mille préoccupations de toute nature. Et l'avis qui leur arrive, se perd le plus souvent au milieu de pièces innombrables, qui s'en viennent distraire absolument leur attention. Et puis souvent encore, dans les circonstances un peu neuves, le nombre même est de nature à nuire à la personne en cause. L'un s'en remet à l'autre, et personne n'agit effectivement. Les parents aussi, faciles à s'effrayer, à se désorienter, n'osent pas intervenir et attendent anxieusement les événements.

Nous allons voir de plus près les personnes

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