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si elles le jugent convenir, sauf aussi aux idées opposées à engager un débat par la voie de la presse et à faire prévaloir leur opinion, grâce à la publicité, grâce aux moyens dont dispose la partie adverse.

C'est qu'il ne faut jamais craindre la liberté. Par elle tout se développe, tout se répand, tout se maintient. Par elle tout grandit et s'étend, par elle tout est sauvegardé. Les erreurs ont beau se faire jour; elles ont beau se montrer sous les couleurs les plus flatteuses; elles ont beau chercher à s'imposer. La vérité apparaît à son tour pour leur opposer sa force, son éclat et sa puissance, et se montrer plus radieuse encore et plus belle. Des voix éloquentes l'ont établi suffisamment et mille circonstances l'ont prouvé à toute évidence.

C'est en raison de la puissance de la liberté de la presse, que le législateur, nous ne saurions assez insister sur ce point, a voulu mieux encore la garantir et donner, à ceux qui en usent, plus de sécurité. « Lorsque l'auteur est connu et domicilié en Belgique, dit l'article 18 de la Constitution, l'éditeur, l'imprimeur ou le distributeur ne peut être poursuivi. » Le législateur constituant a donc déclaré respon

sable d'abord l'auteur; il ne parle qu'ensuite de l'éditeur, de l'imprimeur ou du distributeur.

D'après les principes généraux du droit, nous l'avons dit déjà, tous ceux qui ont sciemment aidé ou assisté l'auteur d'un crime ou d'un délit, dans les faits qui l'ont préparé, consommé ou facilité, sont considérés comme complices et passibles ainsi de peines criminelles ou correctionnelles.

Pour la presse, il en est autrement. Les travaux préparatoires l'établissent à toute évidence et le texte aussi le démontre amplement. C'est d'abord l'auteur qu'on déclare responsable; c'est ensuite et pour autant que l'auteur ne soit pas connu ni domicilié en Belgique, que l'éditeur, l'imprimeur ou le distributeur l'est à son tour. On remarque que la proposition est disjonctive; c'est l'imprimeur, l'éditeur ou le distributeur. La publication de l'écrit n'amène ainsi qu'une responsabilité isolée et successive. La justice ne peut frapper que l'une de ces personnes, d'après l'ordre établi par la Constitution.

Et il en est ainsi au civil aussi bien qu'au criminel. Il en est ainsi qu'il s'agisse de la réclamation de dommages-intérêts ou de l'application d'une peine.

Il va de soi que, si l'imprimeur, l'éditeur et le distributeur étaient intervenus en même temps en une autre qualité, s'ils avaient écrit l'article ou coopéré à sa rédaction, s'ils avaient payé une personne pour la rédaction de l'article ou s'ils l'avaient provoqué d'une autre façon, leur responsabilité changerait avec leur rôle et la justice aurait à leur demander des comptes dans d'autres conditions.

$2. - Pour les délits de presse, la Constitution déclare le jury essentiellement compétent.

Le jury est une institution excellente, qui admet chacun successivement à prendre part à l'exercice de la justice, dans un domaine déterminé. Tous les citoyens peuvent ainsi être appelés à tour de rôle à apprécier la culpabilité des personnes poursuivies en matière criminelle, comme aussi pour délits politiques ou de presse; tous apprennent par là à mieux remplir leurs devoirs, à mieux se pénétrer des nécessités et du bien général; tous apprennent aussi à mieux voir les actes et la responsabilité qu'ils entraînent; tous, en se mettant en rapport avec les personnes les plus éclairées et les plus instruites, se pénètrent mieux des lois

comme aussi des obligations qu'elles imposent et voient leur intelligence se développer comme aussi s'élever leur esprit.

Le jury ôte au pouvoir judiciaire ce qu'il pourrait avoir de cruel et d'arbitraire; il ôte au Gouvernement une arme redoutable et ne lui permet pas de recourir à la menace des tribunaux. Et tout le monde, voyant le jugement remis entre les mains d'autres particuliers comme lui, a une plus grande confiance dans la vie et est plus sûr de la conservation de ses biens et de sa liberté. Le juge, par l'habitude qu'il a de voir se dérouler sous ses yeux les délits et les crimes, d'examiner les preuves, de recueillir les témoignages, de prononcer les peines, devient parfois insensible, défiant à l'excès ou même plein d'incurie. S'il en est comme le président Magnaud, qui savent apprécier de haut les situations et prêter l'oreille à leur cœur et à leur intelligence, il en est d'autres, qui sont dominés par leurs passions égoïstes ou par leur ambition, ou qui sont entraînés par la dureté ou par un esprit étroit et une excessive sévérité.

On a attaqué l'institution du jury; on a dit qu'il n'a pas l'habitude des hommes et des

choses, et qu'il ne sait pas faire la part des responsabilités; on a même demandé sa suppression. Mais les efforts faits en ce sens resteront, il n'en faut pas douter, sans résultat. Il reste acquis que le jury, qui n'a à examiner que les questions de fait, est encore le meilleur juge en toute circonstance. Il reste acquis que le jury sait tenir compte des situations, qu'il sait user de mansuétude et de douceur, qu'il sait aussi frapper sans aller à l'excès. Nous avons vu entrer dans notre législation la condamnation conditionnelle; il a fallu quelque temps pour permettre à la magistrature de l'appliquer partout avec la mesure désirable. Le jury, lui, est essentiellement accessible à toutes les émotions, à toutes les circonstances, causes du délit ou du crime, et de plus en plus il répond aux vrais besoins de la justice et aux aspirations de notre cœur. L'institution pourra en être améliorée et renforcée; elle ne sera jamais, nous y comptons, sérieusement ébranlée.

En France, la loi des 16 29 septembre 1791, à côté du jury du jugement, avait établi un jury d'accusation. Les par l'instruc

preuves réunies

tion, les pièces recueillies, les témoignages entendus, les instruments des délits et des

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