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C'est qu'il s'agit de la liberté de la parole et des opinions, sauvegarde de tout le monde, protectrice des droits de tous, génératrice du bien et du progrès. Quand nous parcourons l'histoire du monde, la parole nous y paraît, dans ses effets, si grande et si puissante qu'on ne saurait assez l'admirer. Il est vrai que souvent elle est bien mal récompensée.

En Grèce, Philippe et Alexandre veulent étendre leur domination. Les peuples sont divisés, les hommes sont impuissants, Démosthènes fait retentir sa voix éloquente, et tout le monde s'entend, et tout le monde se ligue, et tout le monde se donne la main, et tout le monde résiste au conquérant. Son dévouement, sa vaillance et son génie, malheureusement, il les paya de sa vie, il dut s'empoisonner pour échapper aux mains de ses persécuteurs.

Socrate parcourt la ville d'Athènes. Il enseigne à tous de profondes vérités. Il fait connaître la morale, il pousse au bien pour assurer à tous le bonheur, il proclame l'existence d'un Dieu unique et l'immortalité de l'âme. Et le monde le suivait et buvait avidement sa parole, et chacun cherchait à se pénétrer de ses grandes leçons. Pour récompense, à son tour, il eut

la ciguë et mourut au milieu des siens en enseignant le devoir.

A Rome, Cicéron suit les mêmes exemples et donne les mêmes leçons. Non seulement il répand les enseignements philosophiques et cherche à élever ses contemporains vers des régions supérieures. Il attaque ceux qui font le malheur du pays, il flagelle impitoyablement ceux qui ne songent qu'au mal, il ameute l'opinion publique contre les hommes néfastes, qui veulent satisfaire leur ambition au prix du bonheur public. Il obtient de grands résultats et aujourd'hui encore, on admire son éloquence et son génie. Mais pour tant de dévouement, pour tant de services, à son tour il trouva la mort. Les triumvirs ne purent lui pardonner ses succès et loin de lui rendre ce qui lui revenait, loin d'honorer un homme, qui aurait pu les garer de nouvelles fautes, ils demandèrent sa tête. Tant il est vrai que le mal souvent est à côté du bien! Tant la liberté de la parole, si puissante dans ses effets, a peine parfois à se faire pardonner!

Faut-il parler d'une autre figure, celle de Jésus-Christ? Il va, il enseigne, il parcourt le pays, il prêche la charité, l'amour de Dieu et

du prochain, il conduit les hommes vers la vie éternelle. Les Pharisiens et les prêtres Juifs l'accusent de vouloir renverser l'ordre établi. Il est condamné et meurt sur la croix. Mais sa parole se répand sur le monde toujours plus forte, toujours plus ardente, toujours plus vivante! Mais ses leçons enseignent les peuples et les rois! Mais la terre entière se pénètre de ses doctrines et proclame à l'envi la grande loi d'amour!

Dans des temps plus rapprochés de nous, nous voyons éclater la révolution. Les abus et les maux sont attaqués, le régime existant avec ses oppressions et ses misères, est ébranlé. Et la liberté rayonnante et belle apparaît dans sa grandeur, au monde étonné. Mirabeau, de sa voix forte et puissante, imprima la direction aux hommes et aux idées; il réunit les efforts et les intentions et assura le succès de la révolution. Sa parole, comme une lave ardente, pénétra partout et réalisa de véritables miracles. Il succomba jeune et fut porté au panthéon; mais deux ans après, la populace exhuma ses cendres et les jeta au vent.

A toutes les époques, du reste, il s'est montré de grands hommes, il s'est élevé de

fortes voix, il s'est donné de belles leçons. La parole s'est exercée toujours avec plus ou moins de liberté, exerçant ses effets étonnants, pour assurer la marche du progrès et de la civili

sation.

Nous avons le bonheur d'avoir reconquis définitivement la liberté de la parole en matière religieuse, philosophique, politique, comme en toute autre matière. Nous avons retrouvé la liberté de conscience, qui nous permet d'agir comme il nous convient. Nous avons vu proclamer aussi la liberté des cultes, qui nous permet d'adorer la Divinité comme il nous convient, ou de nous dispenser d'intervenir dans aucun culte. La liberté individuelle qui nous est garantie, est par là plus entière et plus assurée. Elle trouve aussi dans la parole une forte défense et un grand soutien.

Nous verrons, dans le chapitre suivant, l'appui qui lui vient de la parole écrite, de la presse.

XII

La liberté individuelle

et la liberté de la presse

A côté de la liberté de conscience et de la liberté des opinions, le Congrès a établi la liberté de la presse. Si la parole est puissante, si elle agit efficacement sur les masses, son action cependant est limitée. Elle ne s'adresse qu'à un auditoire restreint et est parfois assez vite oubliée. Mais quand la parole est reproduite par la presse, quand elle est répandue ainsi à tous les horizons, quand elle pénètre dans tous les bourgs, dans toutes les cités, dans toutes les maisons, alors son pouvoir est sans bornes.

Nous avons parlé de Démosthènes et de ses discours. Ajoutons qu'ils furent publiés et répandus en tous lieux. C'est ainsi

que tout le

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