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considérée comme répondant à toutes les exigences et comme offrant aussi toutes les garan

ties.

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L'article 14 de la Constitution ne s'occupe pas seulement de la liberté des cultes, il traite aussi de la liberté de manifester ses opinions en toute matière. Il ne suffit pas de pouvoir professer la religion de son choix ou même de n'en professer aucune. Il faut encore, pour que cette liberté ne soit pas illusoire, avoir la faculté de soutenir et de répandre telles opinions religieuses, philosophiques, politiques ou autres qu'on désire.

La liberté de conscience n'existe pas encore dans notre législation depuis bien longtemps. Au seizième siècle, c'est l'intolérance qui se pratique et qui domine. Mais peu à peu d'autres idées plus saines se répandent partout. C'est l'Amérique qui enseigne la liberté confessionnelle et la fait entrer dans les lois. C'est l'Angleterre qui introduit le bill de tolérance et qui donne à tous les cultes une liberté égale de s'exercer. C'est la Prusse qui, sous l'inspiration de Frédéric II, reconnaît à chacun le droit de croire ce qui lui plaît et de proclamer

sa croyance comme il l'entend. C'est la France qui, dès le 18 novembre 1787, fait un premier pas dans cette voie, et qui, au 26 août 1789, inscrit dans les droits de l'homme la déclaration suivante : « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leurs manifestations ne troublent pas l'ordre public établi par la loi. »

C'est Voltaire, qui éleva le premier la voix en France pour obtenir la pratique de la tolérance. A propos du procès de Jean Calas, qui avait été condamné à la roue et s'était trouvé victime des haines religieuses, cet écrivain génial avait publié un traité où il réclamait hautement, pour tous, la liberté des opinions, celle de les professer publiquement et d'y conformer sa conduite, en tout ce qui ne porte pas atteinte aux droits d'un autre homme. Turgot, en 1775, s'adressait à Louis xvi pour lui demander de laisser à chacun la liberté de suivre et de professer la religion qu'il croit vraie en

conscience.

Ce n'est pas vainement que l'écrivain répand sa pensée; ce n'est pas vainement qu'il fait appel à l'opinion. Ses idées pénètrent dans les masses, y répandent leurs lumières et leurs clartés, et s'imposent bientôt absolument.

Depuis que les droits de l'homme ont proclamé ce principe si élevé, si vivement réclamé aussi par un écrivain de premier ordre, la liberté de conscience s'est définitivement implantée et a rallié tous les suffrages. Le 9 juin 1815, le Congrès de Vienne stipula comme l'une des bases de la réunion des provinces de Belgique avec les provinces Unies, l'obligation de respecter la liberté de conscience. Le Souverain des Pays-Bas, dans le projet de Constitution qu'il soumit aux notables Belges, proclama que la liberté des opinions religieuses serait garantie à tous. Malgré l'opposition qui fut faite à cette proposition, le Roi promulgua le 24 août 1815 la loi fondamentale des PaysBas où la liberté de conscience se trouvait nettement formulée.

En 1830, sous l'inspiration des idées répandues par le journal l'Avenir, les principes les plus larges s'étaient répandus partout. Ils furent consacrés aussi par la Constitution du 7 février 1831. Déjà antérieurement, le Gouvernement provisoire avait décrété le domaine de l'intelligence essentiellement libre. Il avait décidé qu'il importait de faire disparaître à jamais les entraves par lesquelles le pouvoir

avait enchaîné la pensée dans son expression, sa marche et ses développements. Il avait proclamé qu'il serait libre à chaque citoyen, ou à des citoyens associés dans un but philosophique quel qu'il soit, de professer leurs opinions comme ils l'entendent, et de les répandre par tous les moyens possibles de persuasion et de conviction.

Ce sont ces principes, qui l'ont emporté partout et sont restés absolument vainqueurs. S'il est une école, qui les condamne en thèse générale, tout le monde reste d'accord pour les proclamer indispensables et pour les maintenir. De plus en plus on comprendra que ce serait vainement que l'on chercherait à supprimer la liberté de la parole et des opinions. De plus en plus on comprendra que s'il peut sortir de là quelques inconvénients, ceux-ci sont amplement compensés par le bien qui doit en découler, par les avantages qui en résultent, par les progrès de tous genres qui en ressortent. Les maux amenés par le système contraire, par l'action de l'autorité sur la parole, sont tellement grands, tellement nombreux et tellement criants que tous les efforts doivent tendre à les prévenir. L'unique chose

qu'il faille désirer, c'est que les délits qui seraient commis à l'occasion de l'exercice de cette liberté, soient réfrénés. C'est là aussi ce que la Constitution a décidé. Il faut en effet que le droit de tous soit sauvegardé et que nul ne puisse être atteint dans sa personne ni dans ses intérêts. L'injure et la calomnie amènent parfois de grands maux, dont il faut pouvoir nécessairement se garer. Ces maux ne sont pas seulement engendrés directement, ils le sont aussi par voie indirecte et par voie de conseil. Notons aussi que ce ne sont pas seulement les particuliers qui peuvent être atteints de cette façon; l'ordre public peut parfois être mis en cause. Nul ne peut être admis à provoquer à la désobéissance aux lois; personne ne peut être autorisé à insulter les dépositaires de l'autorité; les machinations, ourdies pour renverser le pouvoir public, ne peuvent être tolérées. Le législateur frappe ces crimes et ces délits de peines diverses. Encore ne saurions-nous engager assez la justice et l'autorité à user, en de semblables circonstances, d'indulgence et de prudence. L'excès de sévérité engendre souvent des maux au lieu de les prévenir et peut, elle aussi, amener beaucoup de misères.

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