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sait la haute utilité des voies de communication et la nécessité de leur création. Sans elles, les hommes vivraient isolés, les rapports seraient des plus difficiles, si même pas impossibles, l'exploitation du sol rencontrerait les plus grandes difficultés, et la richesse publique en serait singulièrement diminuée. Les voies de communication rapprochent les hommes, facilitent leurs rapports et la transmission des idées; elles offrent pour l'agriculture, pour l'industrie et pour le commerce tous les avantages. C'est ici que l'expropriation trouve certainement sa place; c'est ici qu'elle donne aux particuliers et à la généralité mille ressources, qui leur sont indispensables. Il ne peut dépendre de personne d'arrêter les travaux, dont tout le monde doit bénéficier, et le législateur a bien fait de pourvoir à une situation aussi intéressante.

Parmi les voies de communication, nous avons mentionné déjà les chemins de fer. Ils ont fait leur entrée dans notre pays, peu après la conquête de notre indépendance nationale. Ils ont aidé au développement du commerce et de l'industrie dans des conditions exceptionnelles. Les pays, par leur création, se sont

interpénétrés et la civilisation a fait de sensibles progrès. Les chemins de fer sont devenus. une nécessité de premier ordre, qui s'affirme tous les jours davantage. Aussi notre pays s'en est-il couvert, et nous comptons aujourd'hui le réseau le plus complet peut-être de l'Europe. Il y a là évidemment un intérêt, qui doit tout primer. L'opposition d'un particulier, quel qu'il soit d'ailleurs, ne doit pas pouvoir empêcher le développement des chemins de fer, qui assurent la prospérité générale. Le législateur a donc bien fait d'admettre ici l'expropriation.

Un autre cas d'expropriation est celui admis par l'article 8 de la loi du 25 juillet 1891. « Le Gouvernement pourra, dit-il, lorsque la sécurité des trains ou la conservation des chemins de fer lui paraîtra l'exiger, faire supprimer, moyennant indemnité préalable, à fixer de gré à gré ou par justice, les plantations, bâtisses, constructions, excavations ou dépôts existant légalement. » Il se conçoit que certaines plantations, certaines constructions puissent former un obstacle à l'exploitation régulière des chemins de fer. Le Gouvernement doit être admis à en poursuivre l'expropriation. Néanmoins la conservation de la pro

priété doit rester la règle, et il faudra, pour arriver à cette solution, qu'il y ait nécessité bien reconnue. Ce n'est point le caprice ou l'arbitraire, qui devra décider, c'est la volonté mûrement délibérée et clairement justifiée.

La loi du 1er février 1844 sur la police de la voirie dans les villes ou dans les agglomérations des communes rurales de deux mille habitants et au-dessus, a dû prévoir aussi le cas d'opposition à l'exécution des plans d'alignement. Les rues anciennement étaient souvent assez étroi

tes. On partait de l'idée qu'il fallait utiliser les terrains le mieux possible et laisser à la circulation l'espace voulu, mais cet espace-là exactement. La police aussi n'était pas organisée complètement. Le gaz, l'électricité, les moyens. perfectionnés d'éclairage n'étaient pas connus. Un nombre limité de localités avaient une lampe fumeuse, la plupart manquaient de tout éclairage. Il s'en suivait que les vols, les actes de brigandage et de violence étaient fréquents. C'était une nouvelle raison de se grouper le plus possible.

Les progrès modernes ont changé cela. Nos villes et la plupart même de nos communes rurales, sont bien éclairées. La force publique

est bien organisée; la police s'exerce activement; les actes de mauvais gré sont loin d'être encore aussi fréquents. C'est ainsi que la situation a changé pour ainsi dire complètement. Aussi nos rues s'élargissent-elles pour laisser circuler abondamment l'air et la lumière, nos places publiques prennent des proportions de plus en plus étendues, et autour de nos cités s'étendent des boulevards, qui avec leurs squares, leurs rangées d'arbres et leurs parcs sont pour tout le monde un véritable délice. De là des projets tous les jours nouveaux, et parfois même, il faut le dire encore, un peu exagérés. Pourquoi faut-il que l'abus se rencontre si souvent et se commette si facilement? Beaucoup de nos rues, nous le répétons, qui avaient leur cachet, leur originalité, leur caractère, disparaissent sous la pioche, avec les maisons anciennes, qui les bordent. Et c'est encore l'expropriation qui sert le plus souvent à atteindre ce but, que la généralité ne saurait approuver. Sans doute il faut blâmer l'extension donnée à une loi juste dans des conditions aussi abusives. Et nous ne saurions assez engager les administrateurs à user avec modération d'un droit établi par le législateur.

Ce que nous venons de dire là pour les alignements s'applique à fortiori aux règles établies pour l'expropriation par zones. Souvent, dans nos grandes cités, on projette des travaux de sérieuse importance. C'est à l'occasion de la construction de monuments, qu'on projette la création d'un quartier tout nouveau. C'est l'ouverture ou l'établissement d'une place. C'est, autour d'un édifice public ou d'un monument existant, la démolition de toutes les maisons avoisinantes. Dans ces circonstances, expropriera-t-on simplement les immeubles indispensables? C'est là, semble-t-il, ce qui devrait se passer. Mais les idées modernes sont autres. On veut des constructions plus belles et plus grandes, là où elles peuvent s'établir après l'exécution du travail projeté. On veut que les travaux puissent se faire sans que la situation financière ait trop à en souffrir. Et l'on exproprie, comme le dit le législateur, par zones, c'est-à-dire qu'on prend le bloc entier, et que l'on revend les excédents après l'exécution du travail projeté. Souvent même, pour les maisons à construire, pour les projets à réaliser par les particuliers, des conditions spéciales sont encore imposées, et l'on voit alors tout se transformer

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