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actif, sa plume qui ne savait pas se contraindre et sa parole vigoureuse et vengeresse amenèrent des désordres, qui causèrent son expulsion.

C'est qu'un pays, s'il doit recevoir largement, et dans les circonstances exceptionnelles, donner l'hospitalité aux réfugiés étrangers, doit aussi veiller à sa propre conservation et au maintien de son intégrité et de son indépendance. Les étrangers l'exposent-ils à rompre avec des nations amies, ils doivent s'attendre à des mesures exceptionnelles qui mettent fin à leur séjour. Il va de soi que tout Gouvernement, qui se respecte, ne tient aucun compte des doléances qui passent la mesure ou n'ont aucun fondement, et qu'il sait, au besoin, prendre une attitude ferme pour défendre ses droits méconnus ou contestés à propos de ses hôtes étrangers. Il sait défendre sa dignité; il sait aussi comprendre les nécessités d'une situation et appliquer les dispositions voulues aux personnes, qui abuseraient de l'hospitalité, qui leur aurait été accordée.

Une loi est intervenue pour régler la situation des étrangers. A raison de son importance, elle n'avait qu'une durée limitée. Le Gouver

nement devait aussi annuellement rendre compte aux Chambres législatives de son exécution. Cette loi a été successivement prorogée et nous régit encore aujourd'hui. Elle part de l'article 128 de la Constitution, qui, nous l'avons dit, proclame que tout étranger, sur le territoire de la Belgique, jouit de la protection accordée aux personnes et aux biens, sauf les exceptions établies par la loi. La protection ainsi est la règle; le législateur seul peut y apporter des exceptions.

Aux termes de la loi sur la matière, l'étranger résidant en Belgique, qui compromet, par sa conduite, la tranquillité publique, peut être contraint par le Gouvernement de s'éloigner d'un certain lieu, d'habiter dans un lieu déterminé, ou même de sortir du royaume. Il faut donc que l'étranger compromette la tranquillité publique. C'est là ce qu'on avait déclaré pour Victor Hugo. Sa maison avait été assaillie la nuit. A la vérité il y avait encore autre chose, c'étaient les instances du pays voisin pour obtenir son expulsion. Et la haute personnalité de Victor Hugo aurait peut-être pu déterminer quelque résistance. Mais le Gouvernement en jugea autrement. Un arrêté

royal fut délibéré en conseil des ministres et il fut enjoint au grand écrivain de sortir du

royaume.

C'est le Gouvernement, dans les conditions que nous venons de voir, qui seul statue et prononce, sous sa responsabilité et sous le contrôle des Chambres législatives et de la presse. Le pouvoir judiciaire ici ne peut pas intervenir; c'est le pouvoir exécutif seul, qui prononce.

On s'est demandé s'il ne fallait pas introduire une autre règle, et appeler, dans tous les cas, le pouvoir judiciaire à examiner la situation. Deux systèmes sont possibles. L'autorité judiciaire prononcerait dans les conditions ordinaires; elle pourrait aussi, après examen contradictoire et délibération, émettre un simple avis.

y

On a pensé que la situation pouvait réclamer des mesures immédiates et que l'intervention du pouvoir judiciaire pouvait souvent amener des retards et des difficultés. Mais il a lieu de remarquer que souvent le pouvoir judiciaire prend des mesures d'urgence, et il n'aurait pas été impossible de les provoquer encore en ce cas-ci. Devant les exigences sou

vent non justifiées d'un Gouvernement étranger, le pouvoir exécutif se serait trouvé plus fort et mieux en mesure d'opposer un refus.

L'intervention directe et isolée du pouvoir judiciaire n'était pas possible. Il y a ici des circonstances de nature essentiellement politique, qui souveut doivent dominer et entraîner la décision. Salus populi suprema lex esto, c'est cette règle, qui doit être ici de mise, mais qu'il faut concilier avec les règles du droit naturel et les droits de l'hospitalité. Voilà pourquoi l'intervention mitigée du pouvoir judiciaire serait faite pour nous plaire; voilà pourquoi aussi, en bien des circonstances, elle serait de nature à répondre à toutes les exigences.

Quand il s'agit de contraindre l'étranger à s'éloigner d'un certain lieu ou à s'établir dans un lieu déterminé, il n'est pas nécessaire que la mesure soit délibérée en conseil des ministres. Cette garantie n'est introduite par le législateur que pour l'expulsion du royaume.

L'étranger peut être poursuivi ou avoir été condamné à l'étranger pour les crimes ou délits qui donnent lieu à l'extradition. Il y a là des règles spéciales que nous examinerons plus loin.

Pour ceux qui se trouveraient dans les conditions que nous venons de rappeler, le législateur, nous nous empressons de le dire à son honneur, a introduit certaines exceptions. Si la nation, à laquelle ils appartiennent, est en paix. avec la Belgique, l'expulsion ni l'extradition ne seront de mise, si l'étranger a été autorisé à établir son domicile dans le royaume, en exécution des règles du Code civil. Il en sera de même pour l'étranger marié avec une femme Belge, dont il a un ou plusieurs enfants nés en Belgique, pendant sa résidence dans le pays. La même disposition sera applicable à l'étranger décoré de la croix de fer. L'étranger marié avec une femme Belge, qui a fixé sa résidence en Belgique depuis plus de cinq ans et a continué d'y résider d'une manière permanente, bénéficiera aussi de l'exception, alors même qu'il n'y aurait pas d'enfant dans la famille. Il y a enfin défense d'expulser et d'extrader l'individu né en Belgique d'un étranger et qui y réside, lorsqu'il se trouve dans le délai d'option prévu par l'article 9 du Code civil.

L'arrêté royal, portant expulsion d'un étranger du royaume, doit être signifié par huissier à l'intéressé. Il lui est accordé, pour s'exécuter, un délai d'un jour franc au moins.

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