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Pour assurer encore mieux les choses, le tribunal, en accordant le sauf-conduit, peut obliger le failli à fournir caution de se représenter, sous peine de paiement d'une somme que le tribunal détermine, et qui est dévolue à la masse.

Le failli peut demander aussi sa mise en liberté au tribunal. Dans ce cas, le jugement intervient en audience publique, où la défense peut faire valoir tous ses moyens, où le juge commissaire est entendu nécessairement.

Pour faciliter le règlement de la faillite, le failli doit se tenir à la disposition du juge-commissaire et des curateurs. Il ne peut s'absenter sans l'autorisation du juge. Toutes les convocations, qui lui sont faites, soit par le juge, soit par les curateurs, il est tenu d'y répondre.

Se trouve-t-il en prison ou est-il gardé hors de là, il sera conduit, sur l'ordre du juge-commissaire, là où sa présence sera nécessaire. Il pourra aussi comparaître par fondé de pouvoirs, s'il existe des causes d'empêchement reconnues valables par le juge-commissaire.

En cas de banqueroute simple ou frauduleuse, s'il y a mandat d'amener, de dépôt ou d'arrêt décerné contre le failli, le procureur du

Roi en donne connaissance au juge-commissaire. Le législateur alors se montre plus sévère et interdit au juge-commissaire de proposer et au tribunal d'accorder soit sauf-conduit, soit mise en liberté.

Nous le répétons, ces dispositions sont destinées à disparaître, et avant peu une législation plus libérale nous débarrassera de stipulations que rien ne justifie et qui heurtent l'esprit moderne.

§ 6. Il y a d'autres dispositions, dont l'application toujours large, a fait honneur à notre pays, et qu'il nous plaît de rappeler après les dispositions légales que nous avons passées en revue. Ce sont les dispositions concernant les étrangers. Comme nous l'avons déjà vu, la Constitution, dans son article 128, décrète que, sur le territoire de la Belgique, tout étranger jouit de la protection accordée aux personnes et aux biens, sauf les exceptions établies par la loi. Ceci donne lieu à des réflexions de nature diverse. Les étrangers s'établissent dans le pays; ils y sont simplement de passage et y restent plus ou moins longtemps; ils s'y réfugient enfin, soit à la suite de commotions politiques, soit à la suite de délits ou de condamnations.

Dans les pays voisins, souvent des changements importants sont survenus qui ont bouleversé pour ainsi dire la situation. La France a vu se succéder la monarchie, l'empire et la république. Et plus d'un personnage de marque, plus d'un homme éminent, plus d'un écrivain de haute valeur ont été obligés, à la suite du changement de régime, de s'expatrier et de venir s'installer chez nous. Quand l'empire succède à la monarchie, tous ceux qui font partie de la cour ancienne, tous ceux qui l'entourent et la servent, tous ceux qui la défendent et la soutiennent, tous ceux qui lui sont ardemment dévoués et le prouvent par leurs paroles, leurs actes et leurs écrits, sont suspects à l'autorité nouvelle, avec laquelle il ne leur plaît pas du reste de sympathiser ni de s'arranger. L'empire aussi est exclusif; les républicains lui font ombrage, les monarchistes lui font horreur. Il veut définitivement imposer sa volonté et sa puissance au pays, et écarte et frappe et vincule tous ceux qui le gènent ou pourraient lui nuire. La république, à ses débuts, s'imagine souvent aussi qu'elle a besoin de se fortifier et fait une guerre à outrance à ceux qui pourraient la contrarier dans son action ou la renverser. Tous

ceux qui ont lutté contre son avènement, tous ceux qui, par situation, lui sont hostiles, tous ceux que le régime précédent a élevés et qui escomptent son retour, sont obligés, s'ils veulent échapper aux difficultés, de s'expatrier et d'aller au loin. Et pour tous autres régimes, souvent il en est de même. L'autorité se montre souvent défiante et pose alors les actes les plus regrettables.

Dans d'autres pays, des changements de dynastie ou de régime interviennent également. C'est l'Allemagne, d'où l'Autriche se retire, et qui voit la Prusse prendre la prépondérance; c'est l'Espagne, où une dynastie succède à une autre; c'est l'Italie, qui voit la maison de Sardaigne s'étendre sur le pays entier; c'est la Turquie, où des principautés nouvelles s'établissent et fleurissent. Partout il se rencontre des hommes, à propos de ces événements ou d'autres événements analogues, qui sont forcés de quitter leur pays définitivement ou pour un certain temps seulement, et sont contraints de chercher un refuge ailleurs.

Il a été admis toujours, pour ces personnes, une large tolérance et une large hospitalité. C'est à bras ouverts que les étrangers, fuyant

leur patrie à la suite de commotions politiques, ont été accueillis. Ils l'ont été en Angleterre et en Hollande, ils l'ont été également chez

nous.

Plus d'un d'entre nous se rappelle avoir vu passer en Belgique, les hommes qui fuyaient les rigueurs de l'empire, les poursuites de la république. Ces hommes, souvent distingués par leurs talents, nous ont apporté bien des avantages, bien des enseignements, bien des œuvres remarquables à des titres divers. Rarement ils ont suscité quelque difficulté, plus rarement encore ou jamais, ils n'ont pu nous nuire.

Aussi ont-ils généralement joui chez nous de la plus large liberté et de la plus entière sécurité. Nous les avons vus parcourir le pays, aller du fond du Luxembourg jusqu'à la mer, passer du Hainaut en Campine, et partout faire entendre leur parole et répandie leurs enseignements. Pour rappeler une personnalité éminente, disons que Victor Hugo résida longtemps dans notre capitale. Il y trouva plus d'une de ses inspirations et consacra à notre pays plus d'une de ses œuvres.

Néanmoins son génie, son esprit remuant et

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