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attaqué a décidé avec fondement que ce n'était pas la loi de 1841 qui devait régir le droit à percevoir; d'où il suit que ce jugement ne renferme la violation d'aucune loi, et qu'il a fait une juste application de la loi de 1832;-Rejette.

Du 31 janvier 1844. — Ch. civ.

OBSERVATIONS.

Cette décision importante fait justice d'une prétention manifestée par plusieurs instructions de la régie, et sur laquelle étaient intervenus des jugements contraires. (V. J. Av., t. 60, p. 591; t. 62, p. 81 et 411; t. 63, p. 538 et 539; t. 64, p. 96, 413 et 415.)

La question transitoire se trouve irrévocablement jugée. Reste une difficulté, naissant du fait qui a basé l'arrêt de rejet, à savoir quel est le moment où doit être enregistré le traité à produire.

A la différence de ce qu'admettait un avis du Conseil d'Etat, du 10 mai 1828 (J. Av., t. 59, p. 142.), la loi du 25 juin 1841 dispose que le traité, rédigé par écrit, devra être enregistré avant d'être produit à l'appui de la demande du successeur désigné (art. 6); que, dans le cas de transmission à l'héritier unique, « la quittance du receveur auquel sera faite la déclaration voulue devra être jointe à l'appui de la demande de nomination du successeur (art. 9). »

Mais la demande à laquelle doit être joint le traité enregistré est-elle celle qui est présentée à la chambre de discipline pour obtenir son admittatur, ou celle qui peut être adressée à la juridiction dont l'avis est également nécessaire, ou bien seulement celle que le candidat, après l'obtention d'avis favorables, peut adresser au Ministre ou au Roi? L'enregistrement semblerait devoir précéder toute demande, si l'on en croit l'instruction de la régie, du 15 juillet 1841, qui porte : « Cette disposition (de l'art. 6) est, en ce qui concerne les traités sous seing privé, l'application de l'art. 23 de la loi du 22 frimaire an 7, lequel assujettit à l'enregistrement les actes sous signature privée, avant qu'il en soit fait usage, soit par acte public, soit en justice, ou devant toute autre autorité constituée; » car la qualification d'autorité constituée appartient assurément à toute chambre de discipline et à tout tribunal appelés par la loi à donner leur avis sur le successeur désigné. Cependant, nous ne pouvons réputer obligatoire l'enregistrement avant les épreuves préalables, qui peuvent n'être pas suivies d'admittatur, ni même avant l'avis du tribunal consulté, qui peut déterminer une renonciation à la demande annoncée; et la disposition invoquée de la loi fiscale ne nous paraît pas applicable à un cas où il ne s'agit nullement de faire valoir un titre opérant obligation

ou libération. Il doit suffire, suivant nous, de faire enregistrer le traité au moment où les avis donnés permettent d'adresser au gouvernement la demande en nomination, que lui seul a le pouvoir d'accueillir ou repousser mais alors, il y a nécessité de s'entendre avec le dépositaire des pièces produites, pour que l'enregistrement ait lieu sur le double produit du traité, ou pour qu'il y soit substitué ou joint un duplicata enregistré.

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On peut admettre comme valable le traité par lequel un agent de change convient avec un tiers que celui-ci lui procurera des affaires, moyennant une remise déterminée sur les courtages.

(Croquelois C. Lecordier.)

En 1827, M. Lecordier, alors agent de change près la bourse de Paris, fit avec le sieur Croquelois, quittant son emploi dans une compagnie d'assurances, un traité par lequel celui-ci promettait tout son temps et tous ses soins à M. Lecordier, auquel il procurerait toutes les affaires dont il pourrait disposer, moyennant le tiers ou le quart des bénéfices, selon qu'ils s'élèveraient à telle ou telle somme, ou bien 4,000 fr. par an, au choix de cet employé. Le traité portait qu'en cas de cessation des fonctions d'agent de change avant dix ans, celui-ci aurait le droit d'exiger les 4,000 fr. pour chacune des années qui resteraient à courir. Les deux frères de l'agent de change intervinrent au traité pour en garantir l'exécution.

Décès de M. Lecordier, en 1840. Le sieur Croquelois demande judiciairement contre ses frères et sa succession le paiement d'une somme de 26,000 fr. pour les six années et demie, restant à courir, à raison de 4,000 fr. par an.

Jugement qui, sans discussion, accueillie cette demande.

Appel.-La famille Lecordier soutient que le traité, s'il ne constitue pas une société, qui serait entachée d'une nullité radicale, n'en est pas moins nul comme contraire à l'ordre public, en ce qu'il blesse l'indépendance de l'agent de change et peut l'obliger à prêter son ministère pour des opérations illicites; tellement que la chambre syndicale proscrit toute convention de cette nature.

Le sieur Croquelois a présenté le traité comme lui assurant, à titre de traitement, une juste indemnité pour la perte qu'on lui a fait éprouver en le déterminant à quitter un emploi lu

cratif et sûr.

L'organe du ministère public, M. l'avocat général Poinsot, estimé qu'il pourrait y avoir lieu d'annuler un pareil traité, qui émanerait d'un notaire, d'un avoué ou d'un huissier; mais qu'il en était autrement pour un agent de change, dont la fonction légale se bornait à attester l'individualité de ceux auxquels il avait à prêter son ministère, parce que l'ordre public ne s'opposait pas à ce qu'un tiers amenât ces personnes à cet officier ministériel.

Le jugement a été confirmé, avec cette restriction que les cautions conserveraient le bénéfice du terme.

ARRÊT.

« LA COUR; Attendu que feu Lecordier s'est formellement engagé par l'acte sous seing privé du 7 décembre 1837 à payer à Croquelois, à titre d'indemnité, une somme de 4,000 fr. pour chaque année d'inexécution du traité énoncé audit acte;

Que le baron Lecordier et Frédéric Lecordier se sont solidairement rendus cautions de cette obligation;

« Attendu que l'indemnité stipulée au profit de Croquelois n'était dans la pensée des contestants que la réparation du préjudice que Croquelois aurait à souffrir en quittant un emploi sûr et lucratif pour se consacrer aux travaux que Lecordier voulait lui confier; que la cause de l'indemnité n'avait donc rien que d'honnête et légal;

« Que le traité, au surplus, intervenu entre Croquelois et Lecordier est tout à fait étranger aux devoirs que Lecordier pouvait avoir à remplir en sa qualité d'agent de change;

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Qu'il ne présente dans ses éléments rien de contraire à l'ordre

blic ni aux lois;

pu

« Que la validité est dès lors incontestable, ce qui rend inutile l'examen de la recevabilité des conclusions tardives en nullité dudit acte:

<< Attendu que la quotité de la dette n'est pas méconnue;

« Condamne la veuve Lecordier, tant en son nom qu'en celui de ses enfants, et les frères Lecordier, solidairement, à payer à Croquelois 26,333 fr., tant pour appointements que pour indemnité de six années et demie, avec les intérêts du jour de la demande. »

Du 10 fév. 1844.-4 ch.

COUR ROYALE DE RENNES.

1° Discipline. Notaire.-Preuve testimoniale. 20 Discipline.-Jugement.-Signification.

1° L'art. 1341, C. C. ne fait pas obstacle à ce que le ministère public, qui poursuit disciplinairement un notaire, soit admis à établir, même par la preuve testimoniale, que les actes reçus par ce notaire contiennent de fausses énonciations.

6

2o En matière disciplinaire, il n'y a pas lieu de signifier à partie les jugements contradictoirement rendus avec l'inculpé et en sa présence.

(Minist. publ. C. X...)

M. X..., notaire, avait été traduit devant le tribunal de Nantes comme inculpé de divers faits devant donner lieu à l'application de peines disciplinaires. Sur les réquisitions du procureur du roi, un jugement, rendu le 29 août 1843, en présence du notaire inculpé, admet le ministère public à prouver par témoins la fausseté de certaines énonciations contenues aux actes reçus par l'officier poursuivi, et fixe le jour où ces témoins seront entendus.

Au jour indiqué, X... alors assisté d'un avoué, conclut à ce que le ministère public soit déclaré non recevable à justifier ses inculpations par la preuve testimoniale, attendu que l'admission d'un semblable moyen de preuve constituerait une violation formelle de l'art. 1341, C. C.; en tout cas il conclut à ce qu'il ne soit pas procédé à l'audition des témoins, attendu que le jugement ordonnant la preuve ne lui a pas été signifié.

Jugement du 6 novembre qui rejette la première partie de ces conclusions par le motif que le tribunal ayant ordonné la preuve ne peut revenir sur son jugement, mais qui admet la seconde, par les motifs invoqués.

Appel par le notaire contre le jugement du 29 août qui avait admis la preuve; appel par le ministère public du jugement du 6 novembre refusant de procéder à l'audition des témoins.

Devant la Cour royale de Rennes, M. le 1er avocat général Victor Foucher a soutenu les principes que l'arrêt a adoptés :

« On ne saurait, a dit ce magistrat, soumettre les actions disciplinaires aux formes de procédure imposées dans les actions civiles, même lorsque, comme ici, on procède par voie de jugement, aux termes de l'art. 53 de la loi de niv. an XI, et non par voie d'arrêté rendu en la chambre du conseil. La nature de ces actions s'oppose même à ce qu'on suive les prescriptions de la loi de procédure civile, et les rend souvent impraticables. Ainsi, en matière civile, la constitution de l'avoué est la base sur laquelle repose la procédure; toutes ses règles sont tracées en vue de la présence de ce dominus litis dans la cause.

« Or, les motifs qui ont fait exiger que la partie se fit représenter, et ne parût pas en personne à moins d'ordre du juge, ne sauraient être appliqués aux actions disciplinaires, parce que le débat ne porte pas seulement sur des intérêts privés, et n'existe pas entre simples individus, mais bien entre un fonctionnaire ou agent public, et la société lui demandant compte des faits par lesquels il aurait compromis le caractère dont elle

l'aurait revêtu. Aussi, loin qu'on puisse interdire à la partie de s'expliquer en personne, en pareille matière, sa présence est au contraire commandée, et cette partie ne saurait légalement faire intervenir un tiers pour la représenter, lorsque c'est d'elle même que doivent venir les explications à donner à ses juges. Elle peut sans doute ne pas répondre à l'appel qui lui est fait, mais alors il sera procédé par défaut.

«Ainsi donc, sous ce premier rapport, la loi de procédure civile n'est pas applicable. En effet, si cette loi ordonne la signification de certains jugements à parties, c'est justement parce que ces parties ne sont pas censées être en personne à l'audience, et que la loi, gardienne de leurs intérêts, veut qu'elles soient mises à même de donner les instructions que ces intérêts commandent, lorsque les jugements rendus peuvent les léser.

« Mais dès l'instant où le ministère des avoués n'est pas obligatoire en matière disciplinaire, et où le jugement d'instruction est rendu en présence de l'agent traduit, celui-ci est suffisamment averti par la signification que lui en fait le juge lui-même, comme cela se pratique dans toutes les matières où il s'agit de délits ou de quasi-délits poursuivis à la requête du ministère public. Il faut donc décider si la signification n'est nécessaire qu'autant que le jugement est rendu en l'absence de l'agent ou du fonctionnaire inculpé. L'affaire présente encore un exemple frappant des inconvénients qui résulteraient de suivre les formes du Code de procédure civile; car non-seulement alors il aurait fallu signifier le jugement ordonnant la preuve testimoniale, mais encore accomplir toutes les obligations des art. 255, 260, 261, 283, 286, 289, etc., dont la plupart, surtout en ce qui concerne les significations préalables à faire aux témoins et aux parties, et les reproches des témoins, ne sauraient recevoir leur exécution en matière disciplinaire.

« S'il en est ainsi, le jugement du tribunal de Nantes, ordonnant la preuve testimoniale et fixant le jour de leur audition, ayant été rendu en présence du notaire, celui-ci ne peut en exiger la signification préalable, et a été suffisamment averti et mis en demeure par celle que le juge lui en a ainsi faite. >>

S'expliquant sur l'appel du jugement qui a admis la preuve testimoniale, M. le premier avocat général y a trouvé une nouvelle preuve de l'impossibilité d'appliquer le principe des actions civiles aux actions disciplinaires, qui en diffèrent essentiellement par leur but, et par suite, dans les moyens de preuve qu'elles admettent. «L'action disciplinaire, a-t-il dit, est une mesure dont le but est de s'enquérir des agissements du fonctionnaire au point de vue de la considération dont il a besoin pour remplir les fonctions qui lui sont confiées par le gouvernement, et dont celui-ci répond vis-à-vis de la société à laquelle elle le présente comme digne de cette confiance.

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