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impudence et s'est donné le nom de sagesse; que l'égoisme, la cupidité, la mauvaise foi, l'orgueil et l'ambition, les haines et les discordes ont fait à la société les plaies les plus profondes? S'ils ont détruit des préjugés, ce sont les prétendus préjugés de la Religion, de la vertu et des bonnes mœurs : c'est là leur crime et leur opprobre. Si la Religion, la vertu et les bonnes moeurs sont des préjugés, ce sont du moins des préjugés utiles: qu'où ne nous les ravisse pas, puisque l'on ne peut nous dédommager de leur perte.

CHAPITRE IV.

De la Religion dans ses rapports avec la vie présente.

D. LA Religion est-elle utile dans l'ordre de la

vie présente

Oui, la Religion est utile en toutes choses dit l'Apôtre Saint-Paul; elle a les promesses de la vie présente et celles de la vie future. (†1 Tim. IV.) Si l'on considère l'homme en lui même et comme un ètre isolé, la Religion fait sa gloire, sa consolation, son soutien, en lui donnant Dieu pour père, pour protecteur, pour rémunérateur. Ši on le considère dans l'état social, la Religion lui assure d'une manière plus puissante que tout autre moyen la paix, la sûreté et le bonheur, par le frein qu'elle met aux passions, par la terreur dont elle frappe le crime, par l'encouragement et la force qu'elle donne à la vertu.

D. La Religion ne rend-elle pas l'homme triste, sombre et inquiet, par l'idée qu'elle lui donne d'un Dieu qui veille sans cesse sur toutes ses actions et même sur ses affections et ses pensées les plus secrettes ?

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R. Non; cette idée bien loin de porter à l'inquiétude et à la tristesse, soutient au contraire le juste dans ses combats, et le console dans ses souffrances; elle adoucit pour lui les plus grands sacrifices, lui fait goûter constamment le plaisir, les délices de vivre sous les yeux d'un père tendre et chéri. L'impie, au contraire, abandonné à lui-même, foible et isolé, vil jouet du hazard ou d'une fatale nécessité, éprouve toute l'amertume des misères et des maux dont la vie présente est remplie; il est sans appui et sans consolation, sans ressources et sans espoir. Delà les idées sombres, le mécontentement, l'inquiétude, la mélancolie et le désespoir dont l'empreinte se montre dans les livres des incrédules; de là leurs déclamations contre, la Providence les idées viles et abjectes qu'ils se forment de la nature de l'homme, la préférence qu'ils accordent au sort de la bête sur celui de l'homme, et l'approbation du suicide qu'ils lui laissent pour toute ressource. Ils invectivent contre l'idée d'une Divinité bienfaisante; et quand ils l'ont abandonnée, ils gémissent sur le sort de l'homme et envient la condition des brutes. Qu'ils cessent donc de plaindre l'homme religieux; qu'ils admirent au contraire le calme inaltérable de son cœur, et qu'ils apprennent de lui le vrai chemin du bonheur.

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D. La Religion qui représente Dieu à l'homme comme un père, ne le représente-t-elle pas encore comme un juge; et sous ce point de vue ne doitelle pas accabler l'homme de crainte, d'inquiétude et de désespoir?

R. La Religion ne représente pas Dieu comme un juge cruel et impitoyable: en lui la bonté égale la justice, et la Religion ne nous le montre inexorable que pour le pécheur obstiné qui s'est montré jusqu'à la fin sourd à la voix paternelle du Dieu qui l'attendoit. Cette idée de la justice de Dien

doit sans doute frapper le méchant d'une crainte salutaire; mais elle ne doit pas le désespérer, puisque le même Dieu, qui le menace pour l'autre vie d'un jugement terrible et inexorable, ne lui adresse dans celle-ci que des paroles de miséricorde, et lui tend des bras toujours ouverts au repentir. Elle doit bien moins troubler l'homme juste qui vit dans la foi des promesses et qui sait qu'un Dieu infiniment bon et miséricordieux, qui l'a créé pour son salut, ne l'abandonne pas à la foiblesse de la nature humaine, tant qu'il est docile à sa grace et qu'il fait ses efforts pour mériter un jugement de salut. Ici encore l'expérience éleve la voix, et nous montre l'homme religieux animé d'une vive confiance, et soulevé par l'espérance au-dessus des alarmes désespérantes, réservées au seul pécheur impénitent.

D. Mais quelle gêne, quelle humiliation pour l'homme de se soumettre à tant de devoirs que la Religion exige ?

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R. La Religion exige sans doute de l'homme des sacrifices, des travaux et des combats: à quel autre titre lui décerneroit-elle la couronne de récompense? Mais elle n'exige rien de l'homme qui ne soit propre à le former à la vertu, et conforme à ses grandes destinées; elle adoucit les sacrifices par les consolations; elle le fortifie par de puissans secours dans ses peines et ses combats; elle anime ses espérances, élève son courage, le pénètre de la joie ineffable d'une bonne conscience, et lui fait goûter combien le Seigneur est doux pour ceux qui l'aiment.

Cet état n'est-il pas l'état de la vraie liberté ? N'est-il pas préférable à la servitude des passions? Interrogez l'homme religieux qui surmonte ses passions, et l'impie qui leur obéit, et demandez leur, ou plutôt jugez vous-même quel est le plus heureux; jugez de quel côté se trouvent l'humiliation et l'opprobre, l'honneur et la gloire.

«La tribulation et l'angoisse, dit l'Apôtre Saint>> Paul (Rom. 11.) accableront l'ame de tout » homme qui fait le mal; mais la gloire, l'honneur » et la paix seront le partage de tout homme qui » fait le bien. » Il faut avoir le sentiment bien dépravé et le cœur totalement corrompu, pour mettre son indépendance et sa gloire à vivre sous la tyrannie du vice.

D. N'est-il pas vrai cependant que la Religion rend l'homme petit, foible, rampant et servile?

R. Rien n'est plus faux; car la Religion élève l'homme au-dessus de tout ce qu'il y a de plus grand sur la terre. Elle lui fait mépriser ce qui passionne et captive les adorateurs du monde. Elle lui inspire un cousage invincible, lui donne une force inébranlable au milieu des misères de la vie, dans le sein de l'adversité. Par elle, il méprise les fureurs de la persécution, la terreur des supplices et les angoisses de la mort. Lisez l'histoire des martyrs de la Religion, et voyez le caractère d'élévation et de grandeur d'ame, de fermeté, d'énergie sublime qu'elle présente jusques dans le sexe le plus foible et l'âge le plus tendre.

C'est l'irréligion qui rend l'homme petit, foible, rainpant et servile, parce que ne lui montrant que le néant après cette vie, elle dégrade ses sentimens, et concentre tous ses desirs, ses affections et ses projets vers la terre; elle lui inspire un vil et lâche égoïsme, elle l'abandonne au mobile unique des passions, et le force à chercher des jouissances par les voies les plus corrompues. Tel est le jugement que porte de l'irréligion un écrivain qui ne doit pas être suspect aux incrédules, J. J. Rousseau « l'irréligion, : » dit-il, et en général l'esprit raisonneur et phi

»losophique attache à la vie, effémine, avilit » les ames; concentre toutes les passions dans » la bassesse de l'intérêt particulier, dans l'ab»jection du moi humain, et sappe ainsi à petit >> bruit les vrais fondemens de toute société ?

D. Les sentimens que la Religion inspire à l'homme ne tendent-ils pas à l'isoler de ses semblables, et à le rendre inutile à la société ?

R. Non; ils l'attachent au contraire plus inviolablement aux autres hommes par les liens de la charité, et ils le portent plus puissamment à remplir tous les devoirs que la société impose et à faire au bien commun tous les sacrifices qu'il exige. Bien loin de rejetter ou d'affoiblir les sen timens de la nature et les devoirs de la société la Religion les adopte et les consacre, elle ne détruit pas les motifs naturels de sensibilité, d'honneur, d'intérêt : elle les purifie, les dirige à une fin supérieure, les fortifie de sa sanction et leur imprime ce caractère de grandeur, de force et d'empire qui les rend superieurs à tous les obstacles. L'homme vraiment religieux sera toujours humain et bienfaisant, époux fidèle, père tendre, homme juste, Magistrat intègre guerrier intrépide, Ministre incorruptible, administrateur zélé et infatigable, parce que les motifs qui l'animent sont assez forts pour résister au torrent des passions, vaincre toutes les tentations et le décider aux plus grands sacrifices.

Mais comment l'homme sans Religion se défendra-t-il des calculs de l'égoïsme, des tentations de la cupidité; des attraits de la volupté, de la soif de l'ambition, des fureurs de l'envie, de la haine et de la vengeance? Il est évident et l'expérience montre tous les jours que la feligion fait les meilleurs citoyens, qu'elle est la base et le lien de la société; l'accuser d'isoler les hommes et de les rendre inutiles à la société, c'est une grossière et méprisable calomnie?

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