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des destinées d'une société, où le crime n'a qu'une si foible barriéré à franchir, où le cœur de l'homme est abandonné à toute sa corruption, où les passions ne connoisant plus de frein doivent se déborder en torrens, s'enflammer, s'entre-choquer et exercer tous leurs ravages. Je n'y apperçois que licence, débauche et libertinage, ruses, fraudes et injustices, vols, rapines ét concussions, mauvaise foi, méfiance, ingratitude, haines et vengeances, troubles et factions, conspirattons, séditions et révolte, tous les symptômes d'un horrible déchirement et d'une prochaine dissolution.

D. Une société politique ne peut-elle donc pas de conserver et prospérer sans Religion?

R. Non; ce rève des Philosophes modernes est démenti par la nature du cœur humain, par l'histoire du monde et par les sentimens des sages de tous les tems.

Une société ne peut être florissante et heureuse que par les bonnes mœurs et l'emqire de la vertu: et sans Religion il ne peut y avoir, comme nous l'avons prouvé, ni bonnes mœurs, ni vertus. Les ennemis de la Religion placent eux-mêmes les idées vulgaires sur le vice et la vertu, sur le bien et le mal moral, dans la classe des préjugés.

Une société n'est assise sur une base solide; qu'autant que l'autorité qui gouverne, se contient dans les bornes de la justice et que les gouxernés se plient à la sonmission et à l'obéissance. Otez la Religion, l'autorité ne connoit plus de frein, elle se livre à la soif insatiable du pouvoir; elle ne dirige ses loix et ses entreprises qu'à l'affermissement et à l'accroissement de sa puissance, et dégénère bientôt en oppression et en tyrannie.

Otez la Religion, les hommes ne voient plus dans l'autorité qui gouverne qu'un pouvoir subordonné à leur volonté, un joug importun, un empire trop absolu, un fardeau pesant, intolérable, et ils cherchent à le secouer. Il ne manque jamais dans un

Etat d'hommes difficiles et mécontens, inquiets et turbulens; animés de l'esprit d'insubordination et d'indépendance, enflammés de cupidité, dévorés d'ambition, jaloux, ennemis de l'autorité qui comprime leurs passions, et irrités des actes de justice et de sévérité qu'ils en éprouvent. Il ne faut à ces hommes que l'occasion de la révolte; et ils la font naître. Ils censurent, calomnient, et avilissent l'autorité. Ils décrient, dénaturent et rendent odieux tous ces actes: ils la présentent à l'opinion sous la figure terrible du despotisme et de la tyrannie; ils forment contr'elle une ligue de tous les mécontens; ils feignent de plaindre le Peuple, et lui exagèrent, pour l'irriter, ses charges et ses souffrances; ils le séduisent par l'appât trompeur de l'indépendance et du bonheur, et l'entraînent dans la révolte et l'anarchie.

Ainsi, quand on ne reconnoit et qu'on ne craint plus l'autorité d'un Maître suprême, auteur, protecteur de toutes les sociétés et vengeur des crimes qui en attaquent le lien, il s'établit nécessairement une lutte entre la Puissance qui gouverne et qui tend à la tyrannie, et le Peuple qui est gouverné et qui tend à l'indépendance; et ce combat terrible, qui commence par troubler la société, doit finir par la dissoudre.

Consultez l'Histoire de tous les Peuples vous n'en trouverez même aucun sans Religion; vous ne trouverez aucun Gouvernement qui n'ait la Religion ponr base et pour appui ; elle fut mêlée à la Législation, au Gouveruement des Egyptiens, dès Perses, des Grecs et des Romains, des Nations civilisées et des Nations barbares; et c'est l'irréligion qui a amené la chûte des plus beaux et plus puissans Empires, avec la décadence et la ruine des

mœurs.

Or la nature des choses ne change pas: ces mêmes causes doivent généralement produire par tout et en tous tems les mêmes effets; c'est une extrava

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gance de prétendre s'affranchir d'une autorité dont le besoin est attesté par tous les tems et par tous les Peuples. Les Français, comme tous les autres Peuples, ont besoin de la Religion, pour avoir une morale, des mœurs et des vertus; en France, comme ailleurs, un Gouvernement sans Religion est un édifice sans fondement, et il ne pourra résister au vent des passions et au torrent des crimes. » C'est par la Religion, disoit Ciceron, » que toutes choses se gouvernent. L'ignorance du >> vrai Dieu, disoit Platon, est la peste la plus dan»gereuse de toutes les Républiques. Qui rejette » la Religion, arrache les fondemens de la société >>> humaine. Il seroit aussi difficile de fonder une République sans Religion, que de bâtir une ville » en l'air, ont dit les Sages de l'antiquité ».

D. Comment devons-nous donc envisager les prétendus Philosophes?

R. Nous ne pouvons nous empêcher de les regarder comme les destructeurs de toutes les vertus, et les fauteurs de tous les vices; comme des maîtres de corruption, des ennemis de la gloire, du bonheur de l'homme, de la paix, de l'ordre et de la stabilité des empires, comme la peste de la société. La charité chrétienne doit nous faire supporter leurs personnes; mais leur doctrine est aussi funeste qu'elle est fausse, et elle n'est pas moins détestable par ses ravages, qu'elle est méprisable par ses absurdités.

Tel est le jugement qu'en a porté un Philosophe trop fameux, mais qui pourtant ne s'est pas abandonné au délire de l'irreligion absolue, J. J. Rousseau. » Fuyez, dit-il à son Emile, ceux qui sous » prétexte d'expliquer la Nature, sément dans le » cœur des hommes de désolantes doctrin es..... » renversant, détruisant tout ce que les hommes » respectent; ils ôtent aux affligés les dernières >> consolations de leurs misères, aux puisssans et

aux riches le seul frein de leurs passions; ils

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Darrachent du fond des cœurs les remords du >> crime, l'espoir de la vertu, et se vantent encore » d'être les bienfaiteurs du Genre-humain. Ja» mais, disent-ils, la vérité n'est nuisible aux >> hommes; je le crois, comme eux; et c'est, à >> mon avis, une preuve que ce qu'ils enseignent » n'est pas la vérité».

D. Mais les talens, les lumières des Philosophes, leur style enchanteur, les services qu'ils ont rendus à la société en éclairant les hommes et en détruisant les préjugés, ne leur donnent-ils pas droit à notre admiration, à notre estime, et même à notre reconnoissance?

seau,

R. Nous admirons et nous estimons les talens dont le Créateur a doué quelques-uns des prétendus Philosophes, mais nous sommes forcés à déplorer, à mépriser, à détester l'abus qu'ils en ont fait. Les facultés naturelles sont purement un don de Dieu : l'usage seul en est digne d'éloge ou de mépris, de reconnoissance ou d'exécration. Et que nous importe qu'un Bayle, un Voltaire, un J. J. Rousun Diderot, un d'Alembert, aient eu de grands talens, s'ils s'en sont servi pour outrager Dieu dont ils les avoient reçus, pour éteindre dans les ames la lumière de la foi et le germe des vertus, pour ôter aux hommes l'espoir et les consolations les plus nécessaires, pour livrer la société aux ravages du crime, aux dissentions, aux troubles, aux cruautés de la tyrannie, aux horreurs de l'anarchie? Louerai-je, estimerai-je l'assassin qui se sert d'une excellente épée pour m'égorger? Faudra - t- il louer jusqu'aux talens de Mandrin ou de Robespierre? Oui, sans doute quelques Philosophes ont eu de trop grands talens, le malheur de notre siècle : ils en furent les fléaux, comme ils en seront l'opprobre dans les annales de la Religion et de la vertu.

pour

On nous vante leurs lumières et que sont des lumières qui ne servent qu'à obscurcir les vérités

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les plus essentielles à la gloire et au bonheur de l'homme? Quelle est donc la nature de ces étranges lumières, qui ne répandent que des ténèbres, qui ne produisent que des difficultés, des doutes et des incertitudes, et n'enfantent que d'absurdes et monstreux systémes? Que l'on cesse de nous vanter une science aussi perfide. Le simple fidèle, instruit de sa Religion, est plus éclairé, plus philosophe que tous les Philosophes irréligieux.

On loue la beauté du style des écrivains impies : mais la beauté du style ne change pas le fonds des choses; et si elle n'est qu'un appât dangereux, une enveloppe séduisante qui cache un poison mortel pour l'insinuer plus facilement, il faut détester cet artifice au lieu de l'admirer.

On parle de services rendus à la société par les prétendus Philosophes: sans doute, s'ils ont fait quelques découvertes utiles dans les arts et les sciences humaines, on doit leur en savoir gré et leur en tenir compte; mais que sont ces légers avantages en comparaison des maux qu'ils ont faits aux hommes, je ne dis pas dans l'ordre de leurs destinées éternelles, car les maux de ce genre étant infinis, rien au monde ne peut les compenser, mais dans l'ordre même de la vie présente dont ils ont détruit l'harmonie autant qu'il étoit en eux, en sappant les fondemens de la Religion.

Ils ont détruit, dit on, les préjugés : Et quels préjugés ont-ils détruits? Qu'on en cite un funeste à la société qu'ils aient déraciné, ou seule ment attaqué; qu'on cite un seul vice dont ils aient guéri les hommes, une vertu qu'ils leur aient donnée, une amélioration de moeurs qu'ils aient produite? Eh! ne voit-on pas au contraire que c'est depuis qu'ils se sont érigés en maîtres du genre humain, qu'ils ont rempli le monde de leurs écrits, que les passions n'ont plus connu de frein, que les moeurs se sont dégradées et corrompues, que le vice qui se cachoit autrefois, s'est montré avec impudence

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