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teté, la pudeur, la fidélité conjugale comme des vertus de préjugé, des vertus imaginaires, des vertus d'imbécilles, et ils ont fait l'apologie de la galanterie, de la volupté, du libertinage, même de l'adultère. On trouve cette morale ordurière dans Helvétius, Voltaire, Diderot, Raynal, Toussaint, Boulanger, le Marquis d'Argens, etc. etc.

D'autres ont regardé l'amour paternel, comme un préjugé et une méprise de sentimens; l'amour filial, comme l'ouvrage de l'habitude et de l'éducation, et non celui de la Nature; l'amitié, comme un lien d'intérét; la reconnoissance, comme gratuite et sans principe d'obligation; la vérité et le mensonge, comme indifférens et subordonnés à la loi de l'intérêt; le serment et le parjure comme des préjugés superstitieux; la probité des particuliers, comme inutile au bien public; la crainte de Dieu, comme une folie; le pardon des injures, l'amour des ennemis, comme des vertus imaginaires, impossibles et fanatiques; le mépris des richesses, comme la vertu des ineptes et des paresseux; l'humilité ehrétienne, comme une vertu rampante, abjecte, absurde, injuste, comme une vraie folie: cette doctrine aussi anti-sociale qu'antichrétienne, se trouve, en tout ou en partie, dans les écrits de Voltaire, d'Helvétius, de J. J. Rousseau de d'Alembert, du Marquis d'Argens, de Raynal, de Toussaint, Lamétrie et d'autres.

D. Quelle est donc la morale des Philosophies? R. La plupart n'admettent que la morale des bêtes; ils veulent que l'homme ne s'occupe que de jouissances et non de devoirs, qu'il ne cherche son bonheur que dans le plaisir, dans le plaisir physique, dans le plaisir des sens; dans tout ce qui flatte le corps; ils lui enseignent que le bien et le mal sont indifférens pour le bonheur; quedes hommes seroient fous de vouloir être plus sages; qu'il est inutile, méme injuste de demander & un homme d'étre vertueux, s'il ne peut l'étre

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sans se rendre malheureux; qu'il doit suivre ses penchans, ses amours ses amours, tout ce qui lui plait; satisfaire tous ses désirs et s'abandonner à toutes ses passions; qu'il n'y a pas d'autre sagesse, ni d'autre vertu, etc. Telle est la détestable doctrine de la plupart des Philosophes que je vous ai déjà cités. Et ce ne sont pas des propositions échappées à l'irréflexion, ou à la passion; c'est là réellement le systême, le code de la morale que la moderne Philosophie a publié, soutenu, développé dans la plupart de ses livres, pour l'opprobre et le malheur de notre siècle.

D. Ce n'est pas là cependant la morale contenue dans les catéchismes du jour et dans les autres livres d'instruction publique qui ont paru avec la sanction du Gouvernement. Est ce que la Philosophie craindroit de dévoiler sa doctrine aux yeux du Peuple!

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R. Elle a bien lieu de le craindre, car le Peuple en seroit révolté et ne regarderoit ses auteurs qu'avec indignation, mépris et horreur. Plus prudente dans sa marche, la Philosophie parle encore avec éloge de la vertu, mais avec ce même esprit d'imposture et de perfidie, avec lequel elle fit souvent l'éloge de la Religion dans le tems où elle en préparoit la ruine. Sa vraie doctrine, telle qu'elle est proposée par ses Adeptes, n'admet pas de vertu ; ou si elle en admet, par politique et contre ses principes, ce sont des vertus mortes auxquelles elle a ôté leur mobile et leur sanction; ce sont de prétendues vertus, accommodées à la corruption du cœur humain, fondées sur l'intérêt et les passions, incapables de rendre l'homme meilleur et la société heureuse; en un mot, ses vertus ne sont pas des vertus, comme son Dieu n'est pas un Dieu, parce qu'elle en fait un Etre aveugle ou indifférent sur les actions des hommes, qui est par rapport à eux comme s'il n'étoit pas. La Philosophie a séparé la morale de la Religion; elle se vante d'avoir expulsé

à jamais la Religion de l'organisation politiqu (Boissy d'Anglas dans le Rapport cité ), et elle ne fonde la morale que sur l'intérêt de chaque individu, de chaque societé. Il ne reste de morale que la morale calculée avec la balance de l'intérêt. Vons avez vu la Convention nationale accueillir cette idée et sembler la consacrer en principe, à la suite d'un Rapport, monument unique de délire et d'impiété (Monit. Octobre 1794) Jugez de là quelle est la nature et quel sera le résultat de ces prétendites vertus morales, que l'on laisse encore subsister pour la forme dans les catéchismes et autres livres d'iustruction populaire.

D. L'intérêt attaché à la pratique de la vertu n'est-il pas en effet un motif suffisant pour lui gagner l'amour et le respect des hommes?

R. Non si vous séparez cet intérêt de celui : que présente la Religion, il est trop foible pour commander des sacrifices, et contrebalancer les intérêts et les efforts des passions. Est-ce en effet l'intérêt personnel qui persuadera au libertin de renoncer aux plaisirs des sens; à l'avare, de restituer un bien mal acquis; à l'ambitieux, d'abandonner une place dont il est incapable; à l'innocence aux prises avec la passion et la misère, de résister à la séduction ; à l'homme indigent, de préférer les angoises de la pauvreté à un vol utile et secret? Qui ne sait que l'intérêt des passions est plus puissant que celui de la vertu, et qu'abandonner la vertu à l'intérêt personnel, c'est là livrer à son cruel ennemi?

D. La conscience ne pourroit-elle pas suppléer au défaut de l'intérêt de la vertu, pour porter les hommes à sa pratique et à la fuite du vice?

Non; la conscience n'est fondée que sur la foi d'une vie future, où Dieu punit le crime et récompense la vertu. Otez cette foi, détruisez la Religion, la conscience n'est plus qu'un mot, elle est stérile et impuissante sur les actions des hommes.

Les Philosophes incrédules ont reconnu et admis

cette consequence, et aprés avoir attaqué la Reli gion, ils ont relégué la conscience et ses remords au nombre des préjugés. Ils ont soutenu que la >> conscience n'est pas un sentiment inné, inhérent » à la Nature, et que ses loix ne dépendent que de >> l'habitude; que les remords ne sont que la pré>> voyance des peines physiques temporelles aux » quelles le crime nous expose; qu'ils sont inutiles » et contraires au bonheur: qu'il faut se dégager » de ces fantômes, de ces craintes inutiles; que la >> Philosophie est trop éclairée pour se laisser ron»ger par ces bourreaux de remords, fruits amers » de l'éducation que l'arbre de la Nature ne porte >> jamais. » (Morale universelle Hevétius, Lamétrie, Systême de la Nature, etc., etc.)

D. Mais la raison ne reste t-elle pas à l'homme incrédule, pour lui défendre le mal et lui prescrire le bien ?

R. Il est dans l'homme une puissance plus forte que la raison, le penchant invincible qui le porte à chercher son bonheur. S'il n'a point de bonheur à attendre dans une vie future, il faut qu'il le cherche dans la vie présente : la raison ne peut s'y opposer, ni vaincrela Nature; et c'est en vain qu'elle exigeroit de l'homme de stériles sacrifices: dès qu'elle ne peut les récompenser; ni en punir le refus, elle n'a plus de droit de les obtenir; tout précépte dénué de sanction est toujours vain et impuissant; et c'est par une juste conséquence que les prétendus Philosophes en rejettant toute Religion, ont rejeté toute obligation morale, toute distinction de bien et de mal moral, de vice et de vertu, et ont abandonné l'homme à l'instinct de l'animalité.

D. Ne peut-on pas trouver dans le point d'honneur un mobile capable de balancer les efforts des passions contre la vertu ?

R. Le point d'honneur peut, il est vrai, porter à de grandes actions; mais tous les hommes n'y sont pas sensibles. Il est impuissant contre les ten

tations des crimes secrets; il est trop foible pour comprimer les passions. violentes; et souvent il se laisse pervertir et égarer par les passions et les préjugés. Que peut en faveur de la vertu le point d'honneur d'un libertin, d'un ambitieux d'un homme emporté par la vengeance? Quel est l'homme qui confieroit au prétendu point d'honneur d'un in pie sa fortune, l'honneur de sa femme et de ses enfans? Le point d'honneur ne commande pas la vertu, mais les apparences, il peut faire des esclaves de l'opinion, des hypocrites, il ne fera jamais des hommes vertueux, jamais il ne méritera la confiance, et n'assurera l'ordre et la prospérité des sociétés.

D. Les loix humaines du moins ne sont-elles pas suffisantes pour proscrire le crime de la société, et y faire régner la vertu,

elles ne

R. Non; les loix ne peuvent rien sur le domaine de la vertu; elles ne la prescrivent pas', la récompensent pas; elles ne peuvent même la connoître, parce que la vraie vertu est ordinairement cachée, et que le vice prend trop souvent ses apparences pour lui ravir ses honneurs.

Si les loix répriment quelques crimes, ce ne sont que les crimes publics; elles ne peuvent rien contre les crimes secrets, ni sur les passions et la corrup tion du cœur qui enfantent tous les crimes; elles ne sauroient former des mœurs, et sans mœurs elles sont vanies et impuissantes. Le Législateur peut les faire injustes, vicieuses et cruelles, le ministre le magistrat, l'administrateur, le guerrier peuvent les faire servir à leur cupidité, à leur ambition, à leurs caprises, à leurs vengeances; l'homme puissant peut les braver, l'intriguant et le scélérat peuvent les éluder par la ruse, les complots et les artifices; tant qu'elles seront seules en action, la vertu sera sans appui, tous les vices pourront infecter la société, et le crime n'aura d'autre embarras que celui de fuir les témoins. Or, jugez du malheur et

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