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et que les Ministres de tous étoient également exposés aux outrages et à la vengeance de l'impiété, s'ils ne renonçoient à leurs fonctions et à leur état.

Après les violens et longs accès de cette impie frénésie, l'on a effectivement toléré l'exercice privé de tout autre Culte que du véritable, dont les Ministres sont toujours restés sous le glaive de la persécution; mais à quoi se réduisoit cette liberté même pour les autres Culies? Et n'est-ce pas insulter au bon sens comme à la Religion, de soutenir l'existence d'une liberté legale des Cultes tandis qu'on la restreint dans le secret d'une chambre, et que l'on punit toute assemblée religieuse comme un attroupement séditieux. Voici ce que Grégoire a eu le courage de dire à ce sujet à la Convention : « La liberté des Cultes est en Turquie, >> et elle n'existe point en France; le Peuple est » privé d'un droit dont' on jouit dans les Etats des» potiques, même sous les régences de Maroc et » d'Alger. Si cet état de chose doit persévérer » ne parlons plus de l'Inquisition, nous en avons » perdu le droit ; car la liberté des Cultes n'est » que dans les décrets, et la persécution tiraille la >> France. Quelle insulte plus grave pouvoit on » faire au Peuple, que de lui ravir l'exercice d'un » droit fondé sur la Nature?..... Lorsque par votre » ordre nous sommes allés dans le Mont-Blanc et » les Alpes maritimes leur imprimer les formes ré

publicaines en votre nom, au nom de la loi, >> nous avons juré anx Catholiques de ces contrées » la liberté du Culte dont ils redoutoient la perte : >> ILS L'ONT PERDUE, et je ne veux pas être par» jure..... Vous auriez la mesure de cette intolé

rance et de ses effets contre - révolutionnaires » si des millons d'hommes haletant d'effroi et te»naillés par la persécution, étoient sûrs de fran>> chir la frontière sans rencontrer la guillotine ou » les cachots. Et qu'est-ce donc qu'une liberté,

» qu'une immensité de Citoyens s'apprêtent à fuir. » Mais, dit-on, il est permis à chaque Citoyen de » pratiquer son Culte dans sa maison. Quoi ! la dé» claration des droits, la Constitution et des loix >> publiées avec appareil, auroient uniquement pour » but de statuer que, dans ma chambre, je puis » faire ce que je veux? S'il est permis de déraison»ner, que ce ne soit pas du moins d'une manière » si grossière. Je ne rappelerai pas qu'un espion»nage tyrannique a été exercé jusqu'au sein des »familles, et que la liberté des Citoyens a été ou»tragée jusques dans ses foyers, etc. etc.,» (Moniteur, Décembre 1794. )

Telle étoit à cette époque l'obstination de la Philosophie dans son projet de destruction de tous les Cultes, qu'elle ne se rendit pas à des raisons si pressantes. Le discours de Grégoire n'eut aucun effet; il fut seulement répondu qu'il pouvoit faire beaucoup de mal, et que l'on étoit assez avancé en révolution pour ne pas parler de Religion.

D. Mais enfin la Convention n'a-t-elle pas décrété la liberté de l'exercice public de tous les Cultes?

R. Il est vrai que, forcée par les circonstances et par des raisons de politique, la Convention s'est enfin déterminée à décréter la liberté de l'exercice public de tous les Cultes; mais qu'elle est la faveur de ce décret pour la Religion catholique, dès que le décret de déportation de ses Ministres subsiste? Le Culte catholique peut-il s'exercer sans Ministres, ou par des Ministres schismatiques, Juifs, Musulmans? Si c'est sérieusement, et non par dérision que l'on tolère le Culte catholique, pourquoi ne lui rend-on pas ses Ministres ?

Mais il n'y a plus lieu de s'abuser à ce sujet : le décret du 24 Octobre dernier remet en vigueur tous les décrets portés en 1792 et 1793 contre les Prêtres fidèles. Ce décret, enfanté par la haine et les fureurs combinées de l'impiété et du jacobi

nisme, montre assez quelle confiance on peut avoir dans le prétendu esprit de tolérance que l'on affiche, et dans la protection promise au libre exercice de tous les Cultes.

Il s'en faut bien que par ce décret on ait voulu favoriser la Religion catholique, ni aucune autre. Le rapport fait à la Convention, au nom des Comités de salut public, de sûreté générale et de législation pour le solliciter, dévoile au contraire l'impiété la plus profonde, la plus absolue, et ne propose la tolérance de la Religion que comme un moyen de la détruire, plus prompt et plus efficace que celui de la persécution.

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Boissy-d'Anglas n'hésite pas, dans ce Rapport, de faire envisager toutes les Religions coume un fanatisme, comme des superstitions et des maladies de l'esprit humain : toutes les idées religieuses, comme des erreurs, des préjugés, des illusions et des chimères; il attribue expressément l'idée de la Divinité à l'état de servitude, qui fait, selon lui, espérer un vengeur dans le Ciel, et il lui oppose l'athéisme de l'homme libre, qu'il dit jouir dans cet état de l'indépendance et de la plénitude de la raison. Voilà la doctrine publique des prétendus apologistes et garants de la liberté des Cultes.

Voici maintenant leurs vues, leurs projets sur le sort de la Religion, lorsqu'ils semblent en autoriser le libre exercice. « C'est à la Philosophie, » dit Boissy-d'Anglas dans le même Rapport, c'est » à la Philosophie à bannir de dessus la terre les >> longues erreurs (il parle des idées religieuses) >> qui l'ont dominée... Le secret du Gouvernement, » en matière de Religion, est peut-être dans ces >> mots : Voulez-vous détruire le fanatisme et la >> superstition? offrez aux hommes des lumières... >> surveillez ce que vous ne pouvez empêcher, ré»glez ce que vous ne pouvez défendre.... Ne → considérant la Religion que comme une opinion

» privée, vous ignorerez ses dogmes, vous regardė: »rez en pitié ses erreurs. C'est par l'instruction » que seront guéries toutes les maladies de l'es» prit humain. C'est elle qui anéantira toutes les >sectes, tous les préjugés.... Ainsi vous con

sommerez avec certitude la révolution commen»cée par la Phi'osophie.... Bientôt vous ne cons >> noîtrez que pour les mépriser, ces dogmes absurdes, enfans de l'erreur et de la crainte... » Bientôt la religion de Socrate, de Marc-Aurèle » et de Cicéron, sera la seule Religion du monde »>. (Moniteur, Février 1795). Ce Rapport, fréquemment interrompu par les plus vifs applaudissemens, (ibid.) fait voir au plus aveugle des hommnes que la tolérance des Cultes n'a été, dans l'intention de ses auteurs, qu'une perfidie, un piège funeste tendu à la Religion; que l'impiété travaille à la détruire par les bienfaits même qu'elle semble lui accorder ; que la Philosophie règne toujours, et qu'elle tend par toutes voies possibles à consommer le triomphe de l'irrégilion.

CHAPITRE III

Des Causes et des Effets de l'impiété.

D. QUEL

UELLES sont les causes de l'impiété ?

R. Ce sont les passions. L'homme porte naturellement en lui l'empreinte sacrée de son Créateur; sa conscience lui dicte des devoirs à lui rendre; l'éducation développe et affermit ses sentimens religieux; ils ne s'affoiblissent, ne s'étouffent que dans l'effervescence des passions, et ils reprennent ordinairement leur activité et leur empire quand les maladies, les infirmités ou la caducité de l'âge ont calmé la violence des passions.

Que

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Que les impies examinent la marche qu'ils ont tenue, et par quels degrés ils sont tombés dans Tabime de l'irréligion; ils verront qu'ils n'ont commencé à concevoir des doutes sur la Religion que lorsqu'ils y ont été intéressés par quelques passions; ces passions, devenues plus impérieuses, ont rompu la digue qui s'opposoit à leurs ravages, et ils ont sacrifié tout principe, parce qu'ils ont voulu les satisfaire et se débarrasser des remords.

D. Ne peut-on pas être impie par jugement de l'esprit, après avoir examiné le fort et le foible de la Religion?

R. Non et c'est en vain que l'impie veut s'étayer de quelqnes difficultés dont il forme des objections contre la Religion : le vrai principe de son incrédulité est dans son cœur ; il n'est que là, et s'il pénètre jusques à l'esprit, ce n'est pas par des raisonnemens, mais par la séduction du cœur.

Tout libertinage

Marche avec ordre, et son vrai personnage
Est de glisser par degrés son poison

Des sens au coeur, du coeur à la raison.

Et de quelle autre source en effet que celle de la corruption du coeur a pu naftre la Philosophie nouvelle de tant d'impies que l'on a vus s'élever tout-à-coup dans toutes les classes de la société?

Est-ce une étude sérieuse de la Religion, est-ce la comparaison des preuves et des difficultés, qui a rendu incrédules ces hommes grossiers et terrestres qui n'ont aucune teinture des sciences qui n'ont fait aucune étude, qui savent à peine lire, qui ne sauroient rendre compte de leur catéchisme, qui ont passé toute leur vie dans des travaux rustiques et méchaniques, dans le trafic et le commerce; dans la dissipation et le cahos de leurs intérêts temporels? Non, le prodige subit de leur Philosophie ne s'explique que par l'empire du

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