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a été faite pour vous comme pour tous les autres François. Vos représentans ont même senti que les campagnes étant les nourricières de l'Etat pour lequel elles se couvrent, tous les ans, des productions qui l'alimentent, c'étoit sur les habitans des campagnes que devoient se porter les plus grands bienfaits de la constitution nouvelle. Elle va bientôt être achevée; c'est ce moment que nous saisissons pour vous la faire connoître. Tout vous invite à poursuivre vos travaux, à vous laisser aller au courant des nouvelles institutions et de l'ordre qu'elles ont établi; et c'est dans ce repos de vos ames long-temps agitées, c'est dans le doux loisir qu'il vous prépare, que vous pourrez vous livrer aux lectures que nous vous offrons. Amis des champs et de la nature, nous ne pouvons avoir de plus douce jouissance que de penser que les habitans des champs vont être heureux Mais il faut qu'ils connoisssent eux-mêmes leur bonheur, et ce n'est pas dans les discours vagues d'une conversation peu réfléchie, qu'ils pourront s'instruire de leurs lois et de la liaison qu'elles ont entr'elles. S'ils consentent à s'abandonner à nos soins, ils trouveront dans la suite de ces feuilles, les principes et les détails de la constitution qu'ils ont juré de maintenir. Nous leur présenterons le sens des décrets portés par l'assemblée nationale et sanctionnés par le roi; nous les leur offrirons dans un ordre facile, et nous tâcherons qu'ils apprennent à aimer chaque loi qu'ils auront appris à connoître.

Jusqu'ici, le paysan, attaché encore à la glèbe, ne connoissoit point les relations de la France avec ses voisins, ou il ne recevoit que de fausses idées à cet égard. Tout habitant d'un pays libre doit cepen

dant être instruit des intérêts de sa patrie, et puisqu'il doit choisir ceux qui sont chargés de contracter et de s'engager pour elle, il ne sauroit lui être indifférent d'ignorer ses relations avec ses voisins, leur situation, leur politique, leurs projets, et ce qu'ils pourroient faire pour troubler notre repos, ou attaquer notre liberté.

Persuadés enfin que les lumières naissent des lumières, et que l'esprit s'éclaire en proportion de ce qu'il est éclairé, nous vous présenterons, habitans des campagnes, toutes les découvertes utiles qui pourront rendre votre sort meilleur, enrichir vos retraites, faciliter vos travaux, et vous instruire des arts et des métiers qui peuvent vous ouvrir de nouvelles sources d'abondance. Vous êtes tout pour nous. Ceux qui s'occupent du bonheur des agriculteurs, travaillent utilement pour la patrie, car les. campagnes sont la fécondité de l'Etat, et c'est le cultivateur éclairé qui féconde les campagnes. Recevez donc les lumières; qu'elles se répandent dans votre esprit comme la joie se répand dans le cœur : et n'oubliez jamais, que si la liberté se conquiert par la force, elle se conserve par l'ins

truction.

Situation actuelle de la France,

Examinons en commençant dans quelle situation est aujourd'hui la France; et mettons nos lecteurs à portée d'en juger par les principaux faits arrivés depuis le jour de la grande confédération nationale; époque remarquable dans le cours de la révolution Françoise.

Expliquons d'abord quelques mots qui reviendront souvent, tels que révolution, constitution, assemblée nationale, décrets, et enfin le mot roi.

La révolution est le changement heureux qui s'est fait dans la manière dont la France étoit gouvernée.

La constitution est une suite de lois qui ont réglé, pour l'avenir, cette nouvelle forme de gouvernement.

L'assemblée nationale est l'assemblée des hommes que la nation, c'est-à-dire, les citoyens de toutes les parties de la France ont choisis et envoyés, en leur donnant le pouvoir de les représenter et d'établir ces mêmes lois et cette même constitution.

Les décrets sont les choses décidées, résolues, après délibération, par la majorité, c'est-à-dire, le plus grand nombre des membres de l'assemblée nationale.

Le roi est le chef de nation, qui a reçu d'elle le pouvoir de faire exécuter les lois décrétées par l'assemblée, après qu'il les a sanctionnées, c'est-àdire, reconnues et approuvées.

Disons aussi ce que c'étoit que la confédération. L'assemblée nationale avoit décidé, que les gardes nationales, ainsi que l'armée, connue sous le nom de troupes de ligne, enfin, que tous les citoyens qui portent les armes, enverroient à Paris leurs députés, pour promettre, par serment, en leur nom, le même jour, à la même heure, de défendre la constitution.

Cette cérémonie eut lieu dans le Champ-de-Mars, sous les yeux d'un peuple immense, le 14 juillet, époque célèbre par le souvenir de la Bastille, prise le même jour, dans la précédente année. Jamais aucun peuple ne vit une fête plus majestueuse.

L'assemblée nationale et le roi y prêtèrent au

même instant un serment pareil. Le roi est donc, comme tout autre François, personnellement engagé au maintien de la constitution. Le ciel et la nation ont reçu tous ces sermens.

On a nommé cette cérémonie, confédération, et ce serment, fédératif. Cela veut dire, pacte d'alliance; serment d'alliance. Tous les François qui l'ont prêté, sont donc alliés et frères. Ceux qui feront du mal aux autres seront donc de mauvais frères; ils seront aussi des parjures, c'est-à-dire, des hommes sans foi et sans parole.

Ainsi, depuis le serment fédératif, comme depuis le serment civique, l'histoire de la France est l'histoire de la manière dont les François ont tenu et tiendront leur parole.

Cependant, nous n'avons pas été exempts d'alarmes, depuis ce grand jour. Comme on s'inquiète souvent, au moment d'une belle récolte, nous avons souvent tremblé pour la constitution.

Les habitans de la Lorraine, vers la frontière, (là où finit la France) ont craint un moment, que des soldats étrangers, à qui on permettoit de passer sur ces terres, ne fussent appelés par des ennemis de la liberté. Alors nous avons vu les villes, les hameaux, les gardes nationales, les municipalités, tous les citoyens se préparer à la défense commune, et avec tant de courage, que cette fausse terreur n'a servi qu'a nous inspirer une sécurité réelle. Aucun peuple voisin n'oseroit attaquer cette armée d'hommes libres qui forme une muraille patriotique autour de la France.

Quelques évènemens ont paru annoncer des conspirations. (C'est le nom qu'on donne aux complots d'un citoyen contre sa patrie.) On croit que

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beaucoup de François désirent et espèrent ce qu'on appelle la contre révolution, et s'efforcent de renverser la constitution nouvelle. Parmi les personnes accusées, les plus remarquables sont MM. Bonne Savardin et Thouard de Riole. Les juges instruisent leur procès.

Au surplus, les hommes sensés craignent peu les conspirations des mauvais citoyens, mais beaucoup la division entre les bons.

C'est ce qu'on a vu dans plusieurs pays, où les soldats, mécontens des officiers, ont violé les lois militaires. La plupart cependant ont été ramenés à l'obéissance. Mais à Nancy, (département de la Meurthe) trois régimens, trompés par de faux soupçons, ont poussé plus loin leur égarement. Ils ont résisté aux ordres des magistrats, de leurs chefs, duroi, même aux décrets de l'assemblée nationale. Des citoyens partageoient leur erreur. Il a fallu les soumet tre par la force. Cette révolte a fait répandre beaucoup de sang. Cruelle nécessité! mais du moins on a vu qu'il existoit en France des lois, et de braves hommes, pour les faires respecter. Ces troubles sont appaisés, et Nancy et en paix.

de

Des divisions plus dangereuses agitent encore nos concitoyens des pays méridionaux. Là meurent et vivent confondus des catholiques et des protestans. On a excité les premiers contre les autres. A Montauban et à Nîmes, ont été livrés plusieurs combats, où un grand nombre d'hommes a péri. L'assemblée nationale a puni les auteurs de ces maux. On a cherché à les renouveller; des milices nationales s'étoient réunies et avoient formé un camp aux environs de Jales, pour renouveller la confédération; un petit nombre de

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