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qu'ils payoient auparavant. On porte l'équité et l'attention jusqu'à distinguer les différens pays où le peuple avoit sagement laissé percevoir les taxes non encore supprimées, d'avec les autres pays où les habitans égarés avoient autorisé, favorisé la contrebande, par des violences plus dangereuses qu'utiles pour la liberté.

La contribution des terres est, ainsi que l'ont enseigné tous les sages politiques, et pratiqué toutes les nations policées, la contribution fondamentale du trésor public. L'assemblée, après avoir discuté cette grande question dans toute son étendue, a rendu un premier décret qui détermine, quelle est la portion du revenu des terres, consacrées à payer cette contribution. Nous exposerons, dans une de nos feuilles, tous les principes et tous les décrets relatifs à un sujet qui intéresse chaque propriétaire. Chaque propriétaire paie à son intérêt ce qu'il paie à l'Etat.

Nouveau récit de l'aventure tragique du château de Sauve, près d'Uzès, en Languedoc.

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On raconte ainsi la dispute qui a produit cette horrible tragédie. On étoit à table. On parla de constitution. M. d'Avéjean s'éleva contre l'égalité des droits. Le vicaire de Sauve, après plusieurs raisonnemens, finit par dire vous conviendrez du moins, monsieur, que nous serons tous égaux en paradis. - Je renoncerois au paradis, s'écria le violent et orgueilleux adversaire, plutôt que d'y être avec la canaille. Le vicaire répondit à cette insulte avec une juste indignation, et sortit. M. d'Avéjean menaça de l'exterminer. Sa belle-mère, qui connoissoit sa violence indomptable, songea à prévenir de nouvelles scènes; elle envoya demander au vicaire, quelque livres qu'elle lui avoit prêtés. C'étoit un avertissement poli de ne pas reparoître au château. Le vicaire, qui n'entendit pas ce langage, ou qui se confia à sa modération, rapporta lui-même les livres. Madame de Sauve le reçut avec bonté, mais avec froideur. En la quittant, il eût l'imprudence ou la bonhommie d'aller droit à la chambre de M. d'Avéjean,

pour lui faire des reproches mêlés d'excuses. C'est alors que l'ennemi de l'égalité et de la raison s'abandonna å toute sa fureur. Il s'en est bien puni en se poignardant sur le corps de son innocente et malheureuse femme. Il est impossible, tout en condamnant ce furieux, de ne pas le plaindre. Il s'est montré si passionné pour celle qu'il aimoit! il rug:ssoit de douleur, comme il avoit rugi de colère. Il voulut habiller lui-même la morte, qu'il ne quitta pas un instant. Il lui parloit, tantot avec des sanglots qui attendrissoient les spectateurs, tantôt avec des imprécations qui les épouvantoient. Lorsqu'on vint l'avertir que tout étoit prêt pour le convoi funèbre, il parut se calmer comme par miracle. Il dit, avec sang-froid, qu'il vouloit ACCOMPAGNER SA PAUVRE FEMME. Reprenant ensuite son air le plus impérieux, il dit aux domestiques: SORTEZ, LAISSEZ-MOI LUI DIRE UN DERNIER ADIEU. Sa sœur voulut rester. Il employa toute l'adresse possible pour l'éloigner. Elle le quitta. Au même instant il s'enfonça un fer dans le cœur, dans ce cœur si violent et si sensible. On dit que sa bella-mère est mourante. On ajoute que le vicaire, blessé dangereusement, a été trépané, Nous sommes revenus au récit de cet évènement terrible, afin qu'il serve de leçon, et qu'il inculque dans tous les bons esprits, l'horreur de la dispute, ou du moins de l'intolérance.

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Messieurs les Souscripteurs qui auront des réclamations à faire, sont priés d'indiquer avec précision le numéro qui se trouve sur leur adresse.

LETTRE DE M. DE KERSAINT, Chef de Division dans la Marine Françoise, adressée aux Matelots de Brest. ́

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COMPAGNONS ET AMIS

J'ai vécu long-temps au milieu de vous, et j'ai mérité votre estime. Ecoutez, avec confiance et avec attention, des paroles dictées par le desir de vous éclairer sur les conséquences de vos dernières démarches. On abuse du mot de liberté pour vous porter à la désobéissance. Etre né libre, ce n'est pas être né indépendant. Vous êtes né au milieu d'hommes vos semblables, et votre liberté doit s'accorder avec la leur. Si vous étiez libre de lever le filet de notre voisin, de manger les fruits de son jardin, un autre auroit le même droit. Vous seriez donc en guerre avec lui et avec tout le monde. Votre liberté seroit celle d'un voleur de grand chemin, laquelle dure jusqu'à ce qu'un voyageur le tue, ou que le bourreau le pende..

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A présent, mes Amis, jugez si vous avez le droit. de refuser vos services à l'Etat. Ces services sont l'échange de ceux que d'autres Citoyens rendent pour vous. La justice, la maréchaussée veille autour de votre maison pour vous défendre contre les brigands. Tandis qu'avec des vaisseaux de guerre Yous repoussez les vaisseaux de guerre ennemis vos Concitoyens naviguent pour le bien du commerce, d'autres François gardent les côtes, d'autres maintiennent les lois, d'autres cultivent les champs et les arts. Tout l'Etat travaille pour vous, et vous refuseriez de travailler pour l'Etat? Mais quoi, direzvous, on pourra nous enlever à nos familles, pour Dous entasser dans des vaisseaux, nous y traiter durement, nous y nourrir mal, nous y payer plus mal encore, nous condamner à de fortes punitions sur les plus légères causes; et vous voulez que nous

nous croyións libres ? Nous avons cru que la liberté étoit la justice,

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Je sens, mes braves amis, que vos plaintes sont fondées. Mais vos démarches sont imprudentes et condamnables. L'assemblée nationale s'occupe de vos intérêts. La loi constitutionnelle du 26 juin vous accorde déja plusieurs avantages. Les législaturés suivantes acheveront de réformer l'abus des classes qui vous blessent. Moi-même j'ai sollicité, avec ardeur, la destruction de cet abus: les circons tances ne l'ont pas permise encore: soumettez-vous jusqu'au retour de la paix et de l'ordre général. Si vous saviez tous les obstacles que l'on y oppose ! Voulez-vous ajouter au trouble et aux embarras públics? voulez-vous que nos côtes soient ravagées que nos Colonies soient conquises par les Anglois? Eh! que deviendra la navigation? eh que deviendra le commerce? Mais non: on vous calomnie: vous n'avez pas refusé de servir la Nation. Je vous connois, braves et généreux marins: si l'ennemi nous attaquoit, et que la France fût hors d'état de vous bien payer, je suis sûr que vous iriez combattre encore pour elle; et les Anglois, qui espèrent tirer un grand parti de nos discordes, verroient bientôt que des Matelots François libres, sont plus redou tables que jamais.

Je me hâte de vous envoyer cette lettre. Puisse t-elle vous ramener à vos devoirs! Craignez, chers amis, craignez les hommes qui vous ont portés à la révolte; obéissez à vos supérieurs. S'ils n'obeissent pas eux-mêmes à la loi, dénoncez-les, non par des insurrections coupables, mais par des plaintes fermes et respectueuses vous en avez le droit, et l'Assem blée Nationale vous rendra justice. Je suis, avec un attachement qui ne finira qu'avec ma vie, votre ancien compagnon de fortune, KERSAINT.

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FEUILLE VILLAGEOISE.

CINQUIEME SEMAINE.

Feudi 28 Octobre 1799.

Suite de la Géographie universelle.

La France est placée, à peu près, dans le centre et au milieu de l'Europe. Elle sert ainsi de point de rallîment, ct, en quelque sorte, de grand chemin aux nations Européennes. Elle réunit ce que l'Europe a de meilleur. Elle jouit d'un climat tempéré, quoique variable. Elle renferme dans son sein une population nombreuse qui monte à vingt-qua tre ou vingt-cinq millions d'hommes. Le caractère général de son peuple est actif, industrieux, humain et sociable. Elle est située avantageusement, soit pour se défendre contre ses voisins, soit pour commercer avec eux. L'Océan la sépare des Anglois; la Méditerranée et les Alpes la séparent de l'Italie; les Pyrénées, montagnes presque aussi éten dues et aussi élevées que les Alpes, la séparentde l'Espagne; le Rhin, fleuve qui descend du MontSaint-Godard ainsi que le Rhône la sépare de l'Allemagne. En un mot, on diroit que la nature s'est plu à tracer, encadrer, arrondir, fortifier ce

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