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LE PAYSAN. Vos deux tables, Monsieur, me paroissent bien bonnes. C'est un décalogue double et qui s'accorde parfaitement. Je veux proposer à M. le curé et à M. le maire de faire placer dans notre église deux tables copiées sur les vôtres.

LE SEIGNEUR. M. le maire et M. le curé, qui sont tous deux bons patriotes comme nous, approuveront votre pensée; mais les deux tables coûteroient de la dépense au village. Puisque je suis le riche, c'est à moi de vous les fournir en beau marbre, et alors vous les placerez à l'endroit que la communauté jugera convenable.

LE PAYSAN. Dans l'église, Monsieur, dans l'église. La table des droits sera, si j'ose parler ainsi, un second fond baptismal qui nous régénérera à la liberté. La table des devoirs sera une seconde chaire qui nous prêchera la vertu. J'en vais parler tout de suite. Permettez, Monsieur, que je vous embrasse avec le respect dû à l'homme qui instruit et secourt ses semblables.

LE SEIGNEUR. Je vous embrasse avec l'amitié et la cordialité qui doit exister entre tous les hommes honnêtes et sensibles.

Événemens.

PETERSROURG. L'impératrice, qui vient de conclure la paix avec la Suède, est encore en guerre avec les Turcs. Dans toutes les rencontres, elle a eu de l'avantage sur ce peuple ignorant et discipliné. Les Russes cependant ne sont pas encore aussi avancés dans les arts et les lois qu'ils devroient l'être. Voici un trait qui prouve un reste de servitude barbare. L'impératrice, peur récom

penser le général Potemkin, lui a fait présent de quatorze mille paysans russes. On donne en Russie les hommes, ainsi que des meubles. Le prince de Hesse, les vendoit, comme des troupeaux. Heureux le peuple libre, qui n'est ni à vendre, ni à donner!

FRANCFORT SUR LE MEIN. Léopold, ci-devant grand duc de Toscane, et qui avoit gouverné cet état avec une économie exemplaire, vient d'être couronné avec cette magnificence que les peuples aiment tant, sans réfléchir combien elle leur coûte. On espère que le règne de Léopold sera plus pacifique que celui de l'empereur son frère et son prédécesseur.

AVIGNON. Cette ville, capitale du comtat vénaissin, qui coupe en deux la Provence et le Languedoc, veut se donner à la France. Le comtat vénaissin veut rester au pape. Cette altercation, qui divise tout ce pays-là, fait concevoir aux françois mécontens de la révolution, une espérance folle. Ils croient que la contre-révolution va sortir de terre, par-tout où ils apperçoivent quelque mouvement. Ce sont des taupes qui croient soulever le monde, en remuant la terre dans un coin de jardin.

MONTAUBAN. Les mal-intentionnés, ayant formé des attroupemens dans plusieurs quartiers de la ville, et même hors des murs, on a craint de nouveaux troubles. Les chefs du régiment de Touraine avoient expédié, selon l'usage, des congés à plusieurs soldats; ceux-ci ont refusé d'en profiter, tant qu'ils ont cru que les patriotes de Montauban étoient en péril. La garde nationale de Toulouse informée de ce refus patriotique, a envoyé une députation pour couronner en public les trois plus anciens soldats du régiment de Touraine.

Quelques difficultés s'étant élevées à ce sujet, les commissaires municipaux se sont assemblés pour délibérer là-dessus. Les soldats ont attendu en silence et dans la plus grande subordination, et ils n'ont paru à la fête qu'après la décision municipale. On défend mieux la patrie quand on sait obéir à ses lois.

NISMES. Un soldat du régiment de Guyenne, qui étoit en sentinelle dans son poste, a été assassiné par une troupe de bandits. On en a arrêté quelques-uns qui ont avoué que leur dessein, en assassinant le soldat, étoit de commencer une rixe, une bataille. Ils s'étoient habillés en gardes nationaux, afin de persuader au peuple que la garde nationale et le régiment de Guyenne étoient brouillés l'un avec l'autre. Dans le même temps on devoit répandre le bruit les que protestans égorgeoient les catholiques, afin d'exciter ceux-ci à égorger ceux-là. Les amis de la religion et de la con'corde voient avec douleur combien on abuse de la première pour troubler la seconde. Nous devons avertir tous les villages méridionaux où se trouvent des catholiques et des protestans, que les mauvais citoyens espèrent produire une guerre civile en armant les deux religions l'une contre l'autre.

FLANDRES. Un curé de ce pays, peu semblable aux curés ses voisins, a eu l'audace et la folie de dire à ses paroissiens, qu'il leur refuseroit les sacremens, s'ils achetoient les biens, usurpés jadis par l'église et repris par la nation. Les paroissiens ont été scandalisés d'un pareil blasphême. Les autres curés ont regardé leur confrère comme un profanateur et comme un insensé. Il est question de l'envoyer dans un séminaire, ou

bien aux petites maisons, puisque la tête lui a tourné. CLERMONT EN AUVERGNE. On a distribué dans cette vilie une protestation condamnable, que l'on dit venir de l'évêque ; c'est au sujet des réformes faites par l'assemblée nationale dans la discipline ecclésiastique. L'auteur de cet écrit soutient, contre les principes de l'église gallicane et contre ceux du bon sens, que c'étoit au pape à réformer la France. C'est une hérésie ultramontaine; c'est une confusion d'idées : c'est comme si l'assemblée nationale vouloit régler le collège des cardinaux. Quel que soit l'auteur de cette protestation, il ignore le droit des gens et le droit-canon: on l'exhorte à lire les discours si sages et si pieux de l'illustre abbé Fleuri.

ANGERS. La municipalité ayant fait, selon le décret, la visite des biens et des archives du chapitre de cette ville, elle a trouvé dans ses coffres cent trente mille livres en écus, gardés avec une probité qui honore le chapitre.

SAINT-MAIXENT EN POITOU. Les bénédictins de Saint-Maixent n'ont pas été aussi scrupuleux, aussi probes que le chapitre d'Angers; ils ont vendu tout ce qu'ils avoient de meubles précieux ; ils alloient vendre jusqu'à la chaire de leur église ; la municipalité s'y est opposée, et a conservé au moins une chaire pour les prédicateurs de l'évangile, qui prêchoient la pauvreté devant des moines opulens et avides.

QUIMPER EN BRETAGNE. On a suspendu l'élection de Tévêque. Des personnes timorées et dévotes demandent si l'on peut procéder à cette élection sans le consentement du pape. Depuis trois cents ans l'usage en France étoit que le roi nommoit les évêques, que le

pape les confirmoit par des bulles, et qu'un évêque ancien consacroit le nouveau. Mais, pendant quinze cents ans, l'usage fut qu'ils étoient choisis par le peuple des fidèles qui composoient l'église; car le mot d'église signifie l'assemblée des fidèles. Quel est donc l'usage qui doit prévaloir aujourd'hui ? Est-ce l'usage établi depuis trois cents ans, ou l'usage suivi pendant quinze siècles?

PARIS. Le parlement a été dissous sans le moindre obstacle et sans la moindre réclamation. Sa chute a fait moins de bruit qu'un simple procès.

M. Bonne-Savardin a paru à l'interrogatoire et n'a montré aucune crainte dans son maintien. ni dans ses réponses.

On se hâte dans toutes les sections de nommer les électeurs qui doivent nommer les nouveaux juges. Si quelque choix est important, c'est celui des hommes à qui sera confié l'honneur, la fortune, la vie de leurs semblables.

L'assemblée nationale s'occupe de l'établissement si salutaire des juges de paix. Les fonctions de ses juges médiateurs seront de pacifier, ou de régler à l'amiable, ou de déterminer par l'arbitrage, ou d'instruire provisoirement les différends et les procès qui naissent parmi les citoyens. Ceux de la campagne ont un besoin particulier d'un juge qui veille à maintenir chez eux la justice et la concorde si nécessaires au bonheur. Que de familles et de fortunes villageoises auroient été conservées, si les juges de paix avoient été institués plus tôt! L'assemblée nationale, en les instituant aujourd'hui, fait une attention spéciale à trois points bien intéresà l'économie du temps, à celle des frais, celle des formalités. C'est une épargne incalculable et un bienfait de tous les instans.

sans

à

L'assemblée nationale s'occupe aussi de remplacer les impôts oppressifs de la gabelle, des cuirs et des fers, par une juste et convenable répartition d'un subside national. Chaque département sera soumis à une contribution proportionnée, mais inférieure aux taxes

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