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ges de l'église primitive, et de devenir une profession vénérable au lieu d'être un ordre pernicieux voilà la persécution.

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On dépouille la puissance spirituelle de son autorité et de son bien. --- Quel est ce bien? celui qu'elle avoit usurpė jadis, restitué ensuite, envahi de nouveau. Quelle est cette autorité? Celle que les peuples ne lui ont jamais donnée, celle que les rois lui ont redemandée sans cesse, celle que Jesus-Christ lui a refusée et défendue à chaque ligne de l'évangile.

L'assemblée nationale n'est point compétente pour ré former le clergé. --- Quoi? une nation ne pourra pas circonscrire le territoire d'une paroisse ou d'un diocèse qui lui appartiennent! Une nation ne pourra pas régler le salaire des prélats et des pasteurs qui la servent et qu'elle stipendie! Une nation ne pourra pas élire les magistrats spirituels auxquels elle doit confier sa conscience et ses églises! Une nation peut réformer ses rois et ne pourra pas réformer ses prêtres!

La communion romaine est en danger. -- Par où ? On continue de regarder le pape comme le chef des croyans, mais non comme leur despote; on continue de respecter la chaire de Saint-Pierre, mais non d'adorer un fauteuil et de baiser une pantoufle; on continue de correspondre avec la première église du monde chrétien, mais non d'acheter d'inutiles dispenses, et de redouter des bulles téméraires : on distingue enfin la communion romaine de la chancellerie romaine.

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La France tombe dans l'hérésie et dans le schisme. Cela est clair, car les évêques traitent d'hérétique le pastcur qui se croit leur frère, et de schismatique la nation qui se croit leur souveraine.

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Elle touche à l'er sensoir. Cela est visible, car elle touche aux mystères de la cour, aux sacremens de l'intrigue, aux cérémonies de l'officialité, aux dogmes de l'intolérance, aux miracles de la faveur et de la fortune,

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en un mot, à l'encensoir qui parfumoit Versailles e enfumoit l'église. La France a touché à l'encensoir spėcialement, lorsqu'elle a défendu d'encenser les seigneurs des paroisses.

Elle va être frappée d'excommunication.

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Soit; mais elle en appellera, 1o. à Dieu qui n'a jamais permis ni ratifié les malédictions de la colère; 2°. à l'Europe qui, depuis un siècle, a frappé de ridicule tout pape qui frappe le monde d'anathéme ; 3°. à l'expérience qui a démontré que les nations excommuniées en devenoient plus florissantes.

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Il faut rentrer dans le bercail. Où est ce bercail? Dans la cour des évêques et dans l'anti-chambre des ministres? Qui compose ce bercail? Le troupeau d'un séminaire et le bêtail des couvents? Qu'est-ce enfin que rentrer dans le bercail? Restituer le pâturage des dîmes, celui du casuel, çelui des bénéfices, celui des annates? Est-ce au salut des ouailles que l'on en veut; est-ce à leur toison?

Il faut assembler un concile. Admirable invention! Assemblez des théologiens : vous verrez s'ils réformeront le fanatisme. Assemblez des procureurs ; vous verrez s'ils réformeront la chicane. Assemblez des fermiers généraux; vous verrez s'ils réformeront les concussionnaires. Asssemblez des géoliers; vous verrez s'ils réformeront les cachots.

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En attendant les prêtres doivent désobéir. Politique hardie, mais jusqu'ici malheureuse : par elle, Léon X a soulevé contre lui l'Allemagne; par elle, Clément VII a soulevé contre lui l'Angleterre ; par elle, Paul III a soulevé contre lui la Hollande, la Suède, le Dannemarck, la Suisse et Genève; par elle, Rome a divisé les peuples chrétiens en partis qui s'abhorrent, et en sectes qui se déchirent.

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Il faut s'armer du Crucifix. Le crucifix une arme ! le crucifix un étendard! le crucifix employé à détruire

le genre humain ! Hélas! combien de fois il a servi à consacrer le meurtre ! C'est la croix sur la poitrine que les guerriers de l'Europe allèrent incendier l'Asie.; c'est la croix sur le front que les tygres de l'Espagne massacroient sans pitié les innocents Indiens; c'est la croix sur un bâcher que des conciles firent brûler devant eux tant de victimes de l'erreur; c'est la croix sur un drapeau que des dragons fusilloient ies montagnards des Cévennes; enfin, c'est la croix à la main que des prélats vindicatifs voudroient ensanglanter de nouveau le Midi de la France! Mais le temps de croisades est passé, et celui de la constitution ne passera pas de sitôt..

Le bref volumineux que nous venons d'analyser auroit pu, dans un siècle ignorant, troubler la paix des villages. Mais à présent qu'ils sont avertis du piége; à présent qu'ils distinguent les masques ; à présent qu'ils ont pour pasteurs des citoyens éprouvés et des ecclésiastiques choisis; à présent que les mots, puissance spirituelle, encensoir, hérésie, schisme, communion Romaine, sont réduits à leur véritable sens ; à présent que la religion et la constitution se reconnoissent et s'embrassent comme deux soeurs que l'on avoit voulu brouiller et désunir: les bons villageois laisseront les bulles de Rome et les bulles de savon s'évanouir en l'air; ils s'attacheront aux vérités solides de l'évangile et de la morale; ils écouteront leurs curés, et non les curés ultramontains ; ils plaindront le pape que l'on a trompé, et ils se féliciteront de vivre en un siècle où l'erreur d'un pontife ne cause plus la calamité du monde.

Evénemens.

CONSTANTINOPLE. Si l'on en croit des lettres arrivées de Turquie, le grand-vizir a eu la tête tranchée. Le Bacha fait distribuer des coups de bâton au peuple. L'aga des janissaires assomme et rançonne les Grecs. Le cadi emprisonne et dépouillé les marchands.

Le muphti excommunie et empâle qui bon lui semble. Le Sultan fait piler dans un mortier le muphti et ses imans. Il est trompé par ses Vizirs, il est hébété par son scrrail, il est battu par les Russes, il est dupé par les Anglois, et il finira par être étranglé de la main de ses esclaves: voilà le gouvernement Turc.

MADRID. Le gouvernement espagnol ne vaut guères. ieux. Sans la permision d'un dominiquain, on ne peut, ni écrire, ni étudier en Espagne. Un géometre qui s'occupoit à calculer dans sa chambre et non à fréquenter les moines, vient d'être enlevé et enfermé dans les prisons du Saint Office. En même temps la. cour a déclaré pieusement qu'elle faisoit banqueroute aux créanciers du canal de Murcie. On réduit à moitié, les actionnaires qui consentent à leur ruine et à rien, ceux qui osent, ou disputer, ou se plaindre. Le ministre des finances est en prison. Lẹ ministre de la guerre est exilé. Voilà les lois espagnoles.

LONDRES. M. Pitt veut devenir le grand visir et le grand inquisiteur de l'Angleterre. D'un côté, il profite de la peur des Turcs pour exiger d'eux qu'ils cèdent aux Anglois l'île de Candie et tout le commerce du Levant. De l'autre, il profite de la peur des aristocrates de son parlement pour interdire tous les écrits qui blâment son administration machiaveliste ou qui approuvent la révolution françoise. C'est ainsi qu'il vient d'arrêter toute l'édition d'un ouvrage de M. Payne qui réfutoit celui de M. Burcke. M. Pitt a deux chimères dans sa tête il veut rendre l'Europe esclave de son pays, et son pays esclave de la cour.

RATISBONNE. La diète des princes Germaniques: change tous les jours de projets. Tantôt on y propose de négocier avec la France pour convenir avec elle à l'amiable des indemnités que l'on réclame. Tantôt on y propose deux cents mille hommes pour venir demander raison à l'assemblée nationale. Les princes Allemands n'ont point d'argent, et ils ont encore moins d'union. Avant qu'ils ayent une armée, l'Empire aura déja eu trois ou quatre empereurs, et la France quinze à vingt assemblées nationales.

CHAMBÉRY. Cette ville étoit remplie d'émigrans François : les jeunes gens de la ville ont voulu les persiffler; on a fait, sur la place publique, paroître une compagnie de chiens dansans avec des cocardes blanches sur l'oreille; ce qui a commencé à donner de l'humeur aux François. M. de Morfontaine, sur ces entrefaites, s'est avisé de se marier pour la troisième on quatrième fois. C'est l'usage dans le pays que l'on fasse charivari à un veuf qui convole en secondes ou troisièmes noces on n'y a pas manqué. La police du pays a voulu s'en mêler. On a fait yenir et employé, les troupes. Il y a eu une émeute dans laquelle on compte 50 personnes tant tuées que blessées. Cet évènement peut remuer toute la Savoie. Nos aristocrates épouvantés ont quitté Chambéry. Voilà, disoit quelqu'un, la meilleure loi contre les émigrans.

DOUAI. Le jour du serment civique approchoit. Les prêtres égarés cherchoient à égarer le peuple. Une occasion s'est présentée. Ils l'ont saisie. Des bateaux de bled sont arrivés, la veille même du serment. La populace excitée se jette sur un bateau appartenant à M. Delso, et le vend à son profit. De-là, elle se porte chez M. Nicolon, marchand de grain, l'accable de coups, le traîne dans un cachot, et le pend à un arbre le lendemain. Elle fait subir le même supplice, avec la même rage, à M. Derbé, officier de la garde nationale. La municipalité, requise plusieurs fois de publier la loi martiale. ou tremblante, ou complice, a laissé un cours libre à tant de forfaits. L'assemblée nationale a ordonně que les officiers municipaux prévaricateurs seront conduits dans les prisons d'Orléans pour y être jugés, et que la procédure, commencée à Douai, contre les scélérats, auteurs de cette horrible émeute, sera continuée. Le fanatisme a joué là son rôle abominable. Le prétexte de la disette ne pouvoit faire illusion: car le bled ne se vendoit pas à force d'abondance, et le pain, ne valoit qu'un sol la livre. Il faut convenir qu'une pareille populace n'est digne, ni du pain, ni de la liberté.

LILLE. Cette même populace de Douai, celle de Bouchain et celle de Marchiennes, ont voulu successivement arrêter la diligence de Paris à Lille, parce

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