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par l'instinct naturel, le plus sincère dans son patriotisme, et le meilleur appui, soit de la liberté, soit de la monarchie.

Honneur à la Suède, hommage au seul Empire où le systême féodal ait accordé une existence, un rang, une dignité au peuple agriculteur! Si le paysan Suédois ne fut pas élevé, comme celui de France, à l'égalité primitive, il fut du moins associé, pour un quart, à la majesté souveraine.

L'ambition de l'église, plus envahissante et plus séditieuse encore que l'ambition de la noblesse, voulut dominer seule dans un royaume, alors superstitieux. Enhardis par les papes, le clergé de la Suède et le clergé du Dannemarck se liguèrent ensemble pour tout abattre devant eux. Christiern, surnommé le Néron du Nord, gouvernoit le Dannemarck: les évêques s'enrôlèrent sous ce monstre couronné, pour l'aider à conquérir et dévorer la Suède'; ils guidoient eux-mêmes ses soldats et ses satellites. Un jeune héros, seul rejetton, seul héritier des monarques Suédois, fut excommunié et proscrit à la fleur de son âge : la fuite le déroba à ces tigres; et le destin le conserva pour leur châtiment.'

C'étoit Gustave Vasa. Pendant plusieurs années, il erra dans les bois et les rochers de la Dalecarlie, déguisé en paysan, et réduit à gagner son pain dans le travail des mines. Sa taille et sa conduite héroïque frappèrent ses grossiers compagnons. Devenu, en quelque sorte, le roi des souterrains, il exerça aux armes les braves montagnards dont il étoit adoré et dont il se fit reconnoître. Enfin abandonnant les rocs et les cavernes, il marcha, au grand jour, à la tête de sa petite armée qui grossissoit à chaque pas, et qui fidèle autant que valeureuse,

me le quitta que lorsqu'il eut délivré la Suède, et chassé les évêques et les bourreaux du Dannemarck.

Vainqucur des prêtres étrangers, il voulut soumettre les siens. Rome les protégea. Le pape lança contre lui bulle sur bulle, excommunication sur excommunication. Gustave se vit donc forcé, ou d'abdiquer l'Empire, ou d'abjurer le papisme. La moitié de l'Allemagne lui conscilla ce dernier parti: il assembla sa nation, et de concert avec elle, il embrassa le culte lathérien qui lui parut moins turbulent et moins dispendieux que le culte catholique.

Les braves montagnards de la Dalé carlie, dévoués à Gustave, mais attachés au pape, descendirent de leurs roches, et vinrent à la cour de Suède solliciter pour la cour de Rome. Gustave les reçut, comme ses frères d'armes, et sans disputer avec eux sur des opinions inintelligibles, il leur fit lire en public les bulles du Vatican. Cette lecture indigna, souleva des peuples, amis de la religion, mais ennemis de l'hypocrisie : ils déchirèrent les bulles, et jurèrent une foi nouvelle à Gustave, le nommant leur monarque et leur pontife en même temps. Le lutheranisme devint la religion dominante. Séparé de Rome qui encourageoit ses révoltes, et dépouillé des domaines qui nourrissoient son. faste, le clergé se soumit, s'instruisit, travailla pour l'église et non pour la discorde.

Cette conquête de Gustave fut suivie de celle de plusieurs provinces. Un seul regret troubla tant de triomphes, celui de n'avoir pu récompenser un pauvre curé qui avoit secouru son enfance, adouci son exil, et secondé ses jeunes et vastes desseins. La mort l'ayant enlevé à Gustave, le prince en deuil alla visiter son tombeau, et il fit placer une couronne funèbre sur le

clocher de sa paroisse pour annoncer de loin à tous les yeux le signe de la reconnoissance.

Les rois, ses descendans, étendirent, perdirent, reprirent tour-à-tour l'autorité qu'il leur transmit.

Gustave Adolphe, héritier de sa couronne et de sa valeur, aida par ses victoires le cardinal de Richelieu. à humilier l'Autriche.

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La célèbre Christine, montée à peine sur le trône, le quitta brusquement pour errer en liberté dans l'Eu

rope savante.

Charles Gustave gagna la fameuse bataille de Varsovie qui dura trois jours.

Charles XI remporta une victoire plus difficile et moins glorieuse : profitant de la jalousie des quatre ordres, il parvint à établir, à côté de la liberté, la puissance arbitraire.

Yvre du pouvoir absolu, et enfant-gâté de la faveur populaire, Charles XII crut égaler Alexandre-le-grand, en ravageant les empires voisins, et en ruinant sa patrie.

La Suède se vengea de ces deux despotes sur leurs

successeurs, qu'elle condamna presque à ramper et à mendier dans leur cour. Le père du monarque régnant n'étoit, pour ainsi dire, que le premier pauvre de la Suède et le premier esclave du sénat.

Son fils, Gustave III, en héritant d'une puissance tombée, l'a relevée subitement à toute sa hauteur. Victorieux en deux jours d'un sénat qui avoit opprimé deux règnes, il commença le sien par convoquer et remercier son peuple. Voulant remercier aussi l'Etre suprême, il tira de sa poche un livre de prières, ôta de son front la couronne, et entonna un Te Deum qui fut chanté dévotement par l'assemblée et même par

les sénateurs à genoux devant Dieu, ou devant lui. La Suède, en ce jour, s'exposant à la domination d'un seul homme pour échapper à celle de plusieurs, a montré que de toutes les tyrannies la plus intolérable est un sénat d'aristocrates. C'est la chicane armée du despotisme. C'est un corps de jannissaires et de jurisconsultes. Ce sont deux cents complices souverains, irresponsables, impunissables, irréformables. C'est une royauté sans limites, sans remède et sans remords.

La diète, ou les Etats de la Suède, s'assemblent tous les trois ans à Stockholm, la capitale du royaume. Ils se partagent en quatre chambres: celle des nobles, présidée par le maréchal de la diète; celle du clergé, présidée par l'archevêque d'Upsal; celle des bourgeois, présidée par un des bourguemestres de Stockholm ; celle enfin des paysans, présidée par un fermier qu'ils nomment Taleman, c'est-à-dire Orateur.

Cette division par ordres et par chambres éternise en Suède l'inégalité des conditions et la mésintelligence des citoyens. Tout les sépare', et rien ne les rapproche. Le noble se retranche dans son orgueil. Le prêtre se couvre de la religion. Le bourgeois tient à sa gloriole. Le paysan se roidit dans sa défiance. L'esprit public ne sait à quel organe s'adresser, et l'esprit de parti se promène de chambre en chambre, appuyé de tous les préjugés qui l'accompagnent.

Faut-il donc s'étonner, si la Suède n'a jamais su bien profiter, ni de ses loix, ni de ses victoires, mi de ses mines, ni de ses forêts, ni de ses ports? Sa population contient à peine quatre millions d'habitans. Neuf à dix millions d'argent monnoyé, et quatre-vingt millions de billets de banque font à-peu-près tout son numéraire.

Cette banque nationale est la plus ancienne et la moins accréditée de l'Europe. La multitude de ses lois somptuaires prouve la rareté de ses manufactures. La terre, labourée avec soin, faute d'engrais, faute d'avances, demeure pauvre et stérile. Deux provinces seules, la Scanie et l'Uplande, produisent du froment. Un savant du pays a prétendu néanmoins que cette plante nour. ricière étoit native de Suède. Un avantage moins fabuleux, c'est la longévité, ou la prolongation de la vie. Les Centenaires y sont en plus grand nombre que dans aucune autre région de la terre. C'est le résultat d'un air vivifiant, d'un sol ferrugineux. Le robuste travail, la liberté vivace peuvent étendre aussi la durée humaine. Une foule de vieillards séculaires, assis devant leurs cabanes aux rayons du soleil printannier, semblent y reverdir comme les vieux chênes. Le ciel, presque toujours serein et pur, semble de son côté sourire à la vieillesse. Enfin, sans l'usage immodéré des liqueurs fortes, elle seroit presqu'immortelle.

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Un autre phénomène de la Suède ce sont les aurores boréales. On nomme ainsi des feux célestes qui pendant la nuit éclairent, colorent, enflamment l'horison du nord. Ces aurores nocturnes, plus éclatantes que aurores matinales, sont très-fréquentes en Suède, et adoucissent la longueur de ses nuits. Nulle contrée, en effet, n'a des nuits plus longues en hiver. Pendant deux mois, elles durent dix-huit heures et demie. Ce seroit alors le pays des ténèbres, sans les aurores boréales, sans les crépuscules prolongés, sans les clairs de lune rarement obscurcis par les nuages, et sans les réflets de la neige qui couvre la terre et dont la blancheur répercute la lumière du ciel.

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