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légère rétribution de plus, a fait conftruire ce moulin dans un lieu fi peu convenable. Ou l'a fupplié vainement d'avoir pitie de tant d'hommes qu'il facrifie à fon avarice. Le moulin fubfifte. La mortalité continue. Le paltour du village s'est adreffé à la fociété d'agriculture; et celle-ci s'eft adrefice à l'affemblée nationale. L'inexorable propriétaire oppofe fon droit de propriété car il ofe appeler ainfi un revenu qu'il retire de la peite et des poisons qu'il répand avec les eaux de fon moulin. Tant l'intérêt dénature les hommes ! Tant il pallie les injuftices et colore les cruautés! Aiufi, dit fort bien le fecretaire de la fociété d'agriculture, un berger et un boucher confidèrent un agneau sous des afpects bien differens.

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VILLEVÉAL, au département du Lot et Garonne. Quand les officiers municipaux ont reçu le décret et l'instruction relative au nouveau mode d'impofitions, ils ont assemblé les cultivateurs et les propriétaires, ils ont ouvert avec eux des conferences patriotiques : ces bons et fages villageois fe font occupés à rechecher les moyens de répartir l'impôt d'une manière équitable et proportionnelle. Tous fe font empreffés à accélèrer cette opération. Les habitans ont concourt à choisir des commiffaires vertueux et eclairés de jeunes garçons et de jeunes filles vêtues en blanc, jetoient des fleurs fur leur pallage, ils leur préfentoient des rameaux de chêne, ils daufoient en chantant ah! ça ira, ça ira, et les commiffaires, allant dans les champs pour estimer leur produit, y trouvoient les cultivateurs prêts à leur douner les éclairciflemens néceffaires. Touchant fpectacle de la liberté ! le peuple baignoit de fes pleurs l'impôt arbitraire que lui arrachoit le defpotifme, il paye avec joie la contribution libre que fes repréfentans ont ordonnée.

PARIS. Le roi eft en picine convalescence: pour célébrer fa guérifon, l'on a ordonné un Te Deum et des illuminations publiques.

Le 18 mars, la caiffe de l'extraordinaire a brûlé, en préfence du peuple, fix millions en affignats, qui joints à vingt-neuf millions dėja brûlés, font trente-cinq.

Plufieurs curés, defabusés des faux principes qui les avoient portés à refuser le ferment, s'étant préfentés, avant que d'être remplacés, pour réparer leur faute, l'alfemblée nationale a décrété que tous les eccléfiaftiques, non remplacés encore, et repentans de leur erreur, feroient admis à prêter un ferment, tardif il est vrai, mais réfléchi et méritoire.

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On prévient qu'on peut s'abonner en tout temps mais il faut prendre tous les Numéros qui précéderont l'abonnement.

FEUILLE VILLAGEOISE.

VINGT-SEPTIEME SEMAINE.

Jeudi 31 Mars 1791.

Pour la défense des frontières.

La plupart des pays voifins font dominés par des gouvernemens abfolus, tels que notre ancien régime. La liberté des François réveille les peuples, et alarme les princes. En même temps de mauvais citoyens qui pouvoient être nos frères et qui préfèrent d'être nos bourreaux, excitent contre nous les Allemands nos voifins. Rien n'annonce encore la guerre dont ils nous menacent. Cependant l'affemblée nationale s'occupe fans ceffe d'assurer les frontières. Vingt mille hommes de troupes de ligne se répartiffent dans les onze departemens qui touchent aux contrées environnantes. Mais les gardes nationales, brûlantes de patriotisme, étoient dépourvues d'armes. L'affemblée a ordonné qu'il leur feroit fait une nouvelle diftribution de quatorze mille fufils. Ainfi^raffurons-nous, et fur-tout calmónsnoas. Repouffons la guerre du dehors par la paix du dedans.

CONSTITUTION.

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Décret sur la RÉGENCE.

La royauté eft héréditaire en France. Un roi mort eft remplacé à l'inftant par fon héritier : ou plutôt le roi ne meurt jamais. Mais cet héritier peut être trop jeune pour remplir les fonctions de la royauté. Alors un régent exerce en fon nom. Un roi peut auffi être absent; comme Louis le jeune qui fit la guerre en Afie, comme le noi Jean -et. François I, qui furent faits prifonniers à la guerre. Un rơi, enfin, peut tomber en démence, comme Charles VI. Qui tiendra donc la place d'un mineur, d'un absent ou d'un imbécille? La conftitution doit défigner celui à qui la régence fera confiée. Elle doit régler fes droits et fon pouvoir.

Le royaume de France avoit plufieurs lois à ce fujet; mais c'étoit l'ouvrage de la volonté particulière de quelques-uns de nos rois. Auf les intrigues des cours et les paffions des princes fe jouèrent toujours de ces lois. On a vu la régence occupée par un nicine bënėdictin et par un roi d'Angleterre. On l'a vue fur-tout conficè à des femmes, à des reines étrangères, dont la foibleffe ou les caprices

laifferent enfanglanter et ruiner la France par les grands, les nobles et les prêtres. L'hiftoire des minorités et des régences eft l'histoire des plus grands malheurs de la nation. Et pourquoi ? parce que les “évènemens et non les lois ont disposé de cet imposant ministère. Ces maux ne se renouvelleront point, quand la nation elle-même aura tout réglé, tout préparé. La volonté générale ne varie point, parce que l'intérêt général eft toujours le même.

Voici l'efprit des premiers articles de ce décret.

ART. I. Au commencement de chaque règne, le corps législatif, s'il n'étoit pas réuni, fera tenu de fe raffembler.

II. Si le roi ek mineur, il y aura un régent.

III. La régence du royaume appartiendra de plein droit, pendant tout le temps de la minorité du roi, à fon parent le plus proche, fuivant l'ordre d'hérédité au trône.

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ne pourra

et s'il n'a

IV. Aucun parent du roi ayant les qualités ci-deffus cependant être régent, s'il n'est pas François et regnicole pas prêté le ferment civique ou s'il eft héritier préfomptif d'une autre

couronne...

On fait qu'une branche de la famille du roi occupe le trône d'Efpagne. Il feroit déraisonnable et dangereux qu'un Espagnol vint exercer le pouvoir d'un roi de France. C'eft ce qu'il falloit prévenir, et c'est l'objet de cet article, auquel on a encore ajouté cette précaution, destinée à lier le régent à la conftitution du royaume.

~Sa première fonction fera de publier une proclamation, contenant la preftation du ferment conftitutionnel et la promeffe de le réitèrer devant le corps législatif, auffitôt qu'il fera raffemble pour le recevoir.

È. Enfin, il a été décidé que les femmes seront exclues de la régence. Ne pouvant régner en leur nom il eût été contradictoire de les faire régner au nom d'un autre.

Nous donnerons la fuite de ce décret, qui prévient de grands troubles, qui nous ôte tout prétexte de nous diviser.. C'est bien affez de n'être pas toujours d'accord fur les chofes, fans fe quereller encore pour des individus.

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Faute essentielle à corriger dans la seconde page de la couverture du N°. 26, sur la quotité des contributions foncière et mobiliaire.

L'Imprimeur a mis: la contribution mobiliaire pour l'année 2792 sera de 66 millions. La contribution foncière sera de 24 millions.

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Le décret et le manuscrit portent la contribution mobiliaire à 66 millions, et la contribution foncière à 240.

Suite de la Géographie universelle.

ENTRE le pôle boréal, la mer Baltique, le Dannemarck, et la Russie et l'Allemagne, s'étendent en ligne cour be, et dans un circuit d'environ quatorze cents lieues, ce royaume de Suède, le seul état du nord où le paysan n'ait jamais été esclave: singularité honorable qui rend la Suède digne des regards du philosophe et du villageois.

Le Nord fut appelé jadis la forge du genre-humain ;' soit parce que les hommes y naissoient plus grands et plus robustes qu'au midi; soit parce qu'abondant en mines de fer, on y forgea les armes qui ont dompté la terre et le soc tranchant qui l'a fertilisée; soit enfin parce qu'il a produit ces hordes innombrables qui, en· différens siècles, ont conquis et peuplé les différentes contrées du globe.

Rome, long-temps, repoussa et retint aux barrières du monde ces peuplades sauvages qui s'entassoient et s'agitoient comme les flots de l'océan. Enfin, rompart leur digue, et se débordant sur l'empire Romain, ces nations couvrirent la face de l'Europe, et fondèrent trente empires, des ruines d'un seul.

C'est de la Suède, dont une vaste portion se nomme encore Gothie, que nous arriva le déluge des Goths: Depuis cette prodigieuse émigration la Suède a para épuisée, ou du moins, n'a jamais pu se repeupler comme autrefois. Elle a conservé seulement ces mines de fer inépuisables qui servent à l'enrichir et à la défendre; elle a conservé cette race d'hommes gigantesques,

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capable de soutenir les plus rudes travaux ; elle a conservé cette passion pour la guerre et cet amour de l'agriculture, également faits pour endurcir l'ame et le corps; elle a conservé enfin ce caractère d'impétuosité et d'impatience qui change les gouvernemens sans préparatifs, sans transitions, et comme par un coup de ba

guette.

Nul pays en effet qui ait éprouvé autant de révolutions que la Suède. On l'a vue, tour-à-tour, choisir ses rois, et renoncer à les élire; les chasser de leur trône, et les y rappeler; se lier au joug des puissances voisines, et se réfugier sous celui de ses princes naturels; adorer un conquérant vagabond, et insulter, et enchaîner un monarque équitable; élever jusqu'aux nues un sénat despotique et le précipiter tout-à-coup dans la poussièré et le néant.

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A travers ces continuelles et promptes vicissitudes, jamais le peuple Suédois n'a perdu ce sentiment d'indépendance originelle et de fierté nationale dont la nature l'a doué, que le souvenir de ses conquêtes a sans doute affermi, et qui s'est encore mieux soutenu par sa constitution politique. C'étoit un peuple vigoureux qui abusoit de sa force sans altérer son tempérament, ou un peuple malade qui changeoit de place pour recouvrer son bien-être et sa tranquillité.

Quatre ordres composoient, depuis le douzième siècle, la constitution suédoise : l'ordre du clergé, ce premier usurpateur du monde ; l'ordre de la noblesse, cette seconde superstition de l'humanité ; l'ordre de la bourgeoisie, cette classe intermédiaire entre les intérêts placés au-dessus et au-dessous d'elle; l'ordre des paysans, le moins civilisé des quatre ordres, mais le mieux dirigé

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