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démie célèbre aussitôt que formée, un commerce étendu aux quatre parties du monde, des canaux multipliés et communiquant à tous les fleuves et à toutes les provinces, enfin une nouvelle capitale qui, soit pour la population, soit pour la décoration, le dispute aux premières cités de l'univers. C'est Pétersbourg, ou la ville de Pierre. Elle devoit porter son nom, car il travailla lui-même, et comme maçon et comme architecte, à la fondation de ses murailles, plongé jusqu'à mi-corps au milieu des marais dont il les fit sortir. Cet homme prodigieux, ce Thaumaturge- qui métamorphosoit ainsi les marais en cités et un peuple barbare en une nation florissante, n'a jamais pu, de son propre aveu, transformer son naturel. Enclin aux cruautés et sujet à l'ivresse, on l'a vu quelquefois, au sortir d'un festin, se divertir à faire voler, d'un coup de sabre, la tête des criminels. Le dieu de la Russie en devenoit alors le bourreau. Catherine I, orpheline inconnue, que le hasard lui offrit dans son camp, et que le génie porta sur son trône, possédoit seule le don magique d'humaniser ce despote surnaturel. Un jour, s'emportant contre elle, il brisa une glace superbe de Venise, en disant; tu vois qu'il ne tient qu'à moi de mettre en poudre ce qui brille le plus dans mon palais : Catherine lui répondit : votre palais en sera-t-il plus beau ? le lion gissant se calma et sourit. 92 fi.

Peuple François! ne pourroit-on pas vous appliquer ces paroles? et lorsqu'égaré par des ressentimens ou des instigateurs, vous ruinez les châteaux, les jardins, les forêts, ne pourroit on pas vous demander, si votre empire en deviendra plus beau ?

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A la manière dont un peuple parle des impôts, on reconnoît s'il eft libre ou esclave. L'efclave ne fait qu'une fcule queftion. Combien me prend-t-on ? combien faut-il ? Et il murmure, et il paye

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en tremblant. L'homme libre au contraire demande trois choses. Quels font les befoins? tout le monde paye-t-il également ? l'argent eft-il bien employé ? Pea lui importe combien il paye. Quand il fait bien pour quoi, il ne lui reste plus qu'à savoir comment. Car

l'homme libre eft inftruit, ou au moins veut s'inftruire. Ses facrifices font reflechis et volontaires.

Les befoins de l'état font conftatés; les comptes font réglés; les caiffes furreillées; la néceffité, le bon emploi, l'égalité de l'impôt fout démontrés à nos lecteurs: il faut qu'ils en connoiflent toutes les formes. Il faut leur donner, fur la contribution mobiliaire, quelques éclairciffemens, comme nous l'avons fait pour la contribution fonsière (*)

Tous les revenus particuliers doivent fournir une part de l'impôt, une part du revenu général. Il y en a de plusieurs fortes. On appelle revenus mobiliers tous ceux qui ne viennent point des terres ou des maisons, ceux qu'on tire d'une fomme placée en rente, ceux qu'on tire d'un capital, c'est-à-dire, d'une somme d'argent qu'on fait valoir avec intérêt par le commerce ou autrement. La contribution ́mobiliaire' eft destinée à atteindre ce genre de revenus qui ne participent point à la contribution foncière. On voit que l'impôt mobilier affecte bien plus les villes que les campagnes, car les villes font la demeure Ordinaire de ceux qui vivent de leurs rentes ou de leurs capitaux.

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La contribution mobiliaire a plufieurs objets. Premier objet. On la paye comme citoyen actif. Les diftricts fixeront le taux de la journee de travail dans leur territoire. Les citoyens qui ne font pas en état de payer une contribution. de trois journées de travail, feront point taxés, mais ils feront tous infcrits à la fin du rôle. Cette première contribution fera payée par tous ceux qui ont quelque bien foncier ou mobilier, et même par tous ceux qui en travaillant gagnent plus que le prix de la journée ordinaire.

Second, objet. On paye la contribution mobiliaire à raison de ses domeftiques: savoir; pour un feul domeftique, mâle, 3 liv.; pour, un second, 6 liv.; pour chacun des autres, 12 liv. Quand aux domeftiques femelles, on paye pour la première, 1 liv. 10 fols; 3 liv. pour la feconde, et 6 liv. pour chacune des autres.

Cette différence eft juste; le service des femmes n'annonce point la fortune; il n'est point un luxe ; il tient au néceffaire. Les femmes font les tutrices de nos enfans et les gardes-malades de nos vieillards. Au contraire, le service des hommes eft un fafte ruineux. Il dépeuple les campagnes. Si l'on ne peut l'empêcher ; il faut au moins le mettre à contribution.

On ne compte point pour domeftiques les apprentifs ou compagnons d'arts et métiers, ni les garçons de charrue, et les autres hommes employés à la culture ou aux foins d'une propriété, tous ceux enfin qui font attachés à une chofe, et non au fervice perfonnel d'un maître; on fent la juftice de cette exception.

On ne compte pas davantage les domestiques au-deffus de l'âge de foixante ans. On doit supposer que le maître les garde par humanité. Les vertus font une richeffe; mais cette richeffe-là contribue affez par les bons exemples.

(*) Voyez le N°. 14 de la Feuille Villageoife.

Troifeme objet. On eft encore taxé à raifon des chevaux et mulets, mais feulement pour ceux de felles, carroffes, cabriolets ou litières. Savoir; pour chaque cheval de felle, 3 liv. ; pour tout autre, 12 liv. L'ufage qu'on fait des chevaux pour l'agrément et la commoditė, est un veritable fuperflu. Ce luxe même eft nuisible à l'agriculture. renchérit et décourage le labour des chevaux ; il consomme une maffe immenfe de fourrages, qui feroient mieux employés à nourrir des beftiaux et à multiplier les fubfiftances. Cette partie de la taxe frappe fur un abus en même tems que sur une richesse.

Quatrième objet de la contribution mobiliaire. C'est le plus important, celui qui veut être expliqué avec le plus de soin.

Les revenus fonciers ne peuvent fe cacher; le foleil éclaire la terre et fes produits; ils ne peuvent fuir la contribution. Il n'en eft pas de même des revenus mobiliers. Un homme eft riche en rentes, en effets publics; il l'eft par fon induftrie, par fon commerce. On le foupçonne. Mais à quoi le juge-t-on ? A quel figne peut-on connoître fes facultés? Ce ne peut être qu'à fes dépenfes. Mais elles font très-multipliées ; mais il y en a de fecrètes; mais il y en a de pure fantailie. On ne peut en calculer la maffe. Parmi ces dépenses, cherchons-en une qui, en général, foit proportionnée au revenu de celui qui la fait. Cette dépenfe, c'eft celle du loyer d'habitation. L'homme riche fe loge dans une grande ville, dans un plus beau quartier, dans une plus belle maison: il fe loge plus au large; il fe loge plus chèrement. Ainsi, par le prix de fon loyer, on eftimera son Bevenu. Il ne s'agit que de fixer différentes proportions, différentes claffes, et d'établir qu'un loyer de tant, indique un revenu de tant. Ces proportions feront fixées, de manière que le taux d'eftimation croille ou baiffe avec le prix des loyers, et qu'ainfi les petites fortunes ne rifquent pas d'étre évaluées trop haut, ni les grandes trop bas. Par exemple, on suppose qu'un loyer de 100 liv. indique un revenu de 400 liv., et en même-temps, on 'juge qu'un homme qui eft logé pour dix mille liv., a plus de cent mille liv. de rente. ren

Telle eft la bafe principale de la contribution mobiliaite. Sa quotité eft du vingtième du revenu ainsi présumé. Mais elle pourra être portée au dix-huitième. Ainsi celui qui a un loyer de 100 liv., payera 20 ou au plus 22 liv. Celui qui occupe une maison de 10,000 liv., payera de 5 à 6 mille liv.

Voici pourtant un cas particulier. Il regarde les propriétaires de terres ou de maifons. Ils font tous infcrits au rôle de la contribution" mobiliaire. Car on a en même temps un revenu foncier et un revenu mobilier. Mais ce qu'on a payë pour le premier, doit être compté dans l'eftimation de l'autre. Vous n'avez qu'à juftifier être impose au rôle de la contribution foncière. Il vous fera fait, fur votre taxe mobiliaire, une déduction proportionnée à votre revenu foncier. Par exemple, vous occupez à la ville un appartement de 100 liv. de loyer; vous êtes taxé sur le pied de 400 liv. de rente; mais vous payez déja la contribution foncière pour un bien de 300 liv. de revenu net; votre taxe mobiliaire doit être fur le pied de 100 liv.

Observez encore que cette déduction, pour la préfente année, sera évaluée d'après la contribution foncière ou les vingtièmes payés en

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1790. Ainsi, en préfentant votre quittance de vingtièmes, vous direz voilà mon revenu foncier; et vous ferez diminuer d'autant l'évaluation de votre revenu mobilier, et par conséquent la taxe à laquelle vous êtes cottifes.

Quant aux fonctionnaires publics, prêtres, juges, militaires ou autres, ils doivent payer au moins, en raifon de leur traitement public. Si leur loyer ne préfentoit pas une évaluation de revenus auffi forts que leur traitement, ils feront cottifés fur ce même trai tement. Quand on a la certitude, il faut renoncer aux présomptions. Un homme, avec deux mille écus d'appointemens, peut fe loger pour 400 liv. Il ne feroit donc taxé que fur le pied de 1600 liv. La loi doit user de tous les moyens qui font en fon pouvoir pour prevenir l'abus. Celle de l'impôt est la plus fainte de toutes. C'est la loi alimentaire, c'est la vie de l'Etat. Tout eft perdu, fi elle est même éludée.

Mais il y a des perfonnes qui ne payent point de loyers. Eh bien! le prix de leur logement sera eflimé par les municipalités, sur le

taux commun du lieu.

Obfervez aussi qu'on ne doit point comprendre dans le prix d'habitation, 1°. les boutiques, echoppes, étaux, atteliers, hangards, greniers et caves fervant de magasins. 2°. Les granges, les preffoirs, étables. 3°. Les auberges, hôtelleries, hôtels garnis. Le citoyen n'occupe point ces lieux en raifon de fes revenus, mais pour fa profeffion. On ne doit eftimer que la partie qu'il habite pour logement. Voici de plus quelques exceptions, auffi juftes que la loi même. Tout chef de famille qui a chez lui ou à fa charge, plus de trois enfans, fera placé dans la claffe du tarif, inférieure à celle où il devroit être d'après le prix de fon loyer. Celui qui auroit plus de dix enfans feroit placé dans une claffe encore inférieure. Ainsi, par exemple, un citoyen sans enfans à 600 liv. de, loyer; on lui présume d'après le tarif, 2400, liv. de rente. Un père de quatre enfans a le même loyer, on ne lui présume que 1800 liv. de rente, et on ne le taxe que fur ce revenu.

Le père d'une famille nombreufe n'est point le maître de se loger à l'étroit. Ce n'est point la richesse, c'est la néceffité qui lui a fait étendre fon habitation. Le taxer rigoureufement à raifon de for loyer, ce seroit abuser du principe. Et fur qui tomberoit cet abus? Sur les citoyens les plus utiles et même les plus vertueux. Car la paternité eft la fource de tous les fentimens honnêtes. Tout bon père eft bon citoyen. Tout chef de famille refpecte les mœurs, ne fût-ce que pour l'exemple de la fienne.

Si les pères méritent une exception de faveur, les célibataires, en doivent fouffrir une contraire. Ils feront placés dans la claffe fupérieure à celle ou leur toyer les placeroit, suivant le tarif. Le célibataire eft feul. Son logement eft d'ordinaire moins proportionné à fon revenu :

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peut fans crainte le fuppofer plus riche qu'un père qui a le même loyer. D'ailleurs le célibataire cft un arbre ftérile; la sève qu'il reçoit de la nature fe diffipe fans profit pour la patrie. Il faut au moins fe chauffer avec fes branches, puifqu'il ne donne point de rejetons.

La dernière exception eft en faveur des manouvriers et artifans; ils

feront taxés à deux classes au-deffous de celle où lour loyer les auroit places. S'ils étoient dans la dernière, leur cotte feroit réduite à moitié. La même faveur eft accordée aux marchands détailliftes, et aux employés vivant de foibles appointemens. La juftice et Phumanité ont dicté ces exceptions. La moindre furtaxe devient oppreffion, lorsqu'elle tombe fur le pauvre.

Enfin la contribution mobiliaire a une cinquième partie. Celle-ci eft établie à raison de l'habitation; elle n'eft que du trois centième du revenu, tel que l'indique le loyer. On voit que cette taxe eft très-foible, et d'ailleurs elle eft fufceptible d'être réduite, suivant les exceptions précédentes.

Mais la cotte d'habitation pourra être augmentée ou diminuée, pour une autre caufe qu'il eft bon d'expliquer. Il faut que la contribution mobiliaire produise au tréför public une fomme déterminée. Quand cette fomme sera décrétée, elle fera répartie, en fommes pareillement fixes, fur tout l'empire, depuis les départemens jusqu'aux municipa lités. Chaque municipalité taxera d'abord tous fes citoyens, fuivant les bafes précédentes, au vingtième de leur revenu. Alors, si fa cottilation generale n'eft pas complette, pour l'atteiudre, on portera d'abord la cotte des revenus mobiliers, au dix-huitième, au lieu du wingtième; fi cette addition n'eft pas encore fuffifante, on reportera le furplus fur la taxe d'habitation. C'est la taxe commune à tous; et quand on a fait contribuer tous les revenus fonciers et mobiliers, on a besoin d'un excedent, il eft jufte qu'il foit réparti sur une cotte commune à tous les citoyens.

Il feroit poffible auffi que la première répartition faite au vingtième, donnât, une fomme plus forte que la cottisation générale. Alors il faudroit la diminuer de ce furpius, et afin que tous les habitans participent à la diminution cotte d'habitation.

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elle doit être faite fur la

Enfin retenés bien ceci. La contribution mobiliaire fe compose de cinq parties ou cottes differentes: 1°. La cotte des trois journées de travail; 2o. la taxe des domestiques; 3°. la taxe des chevaux; 4°. la taxe des revenus mobiliers, préfumés d'après le loyer; 5°. la taxe de l'habitation. Cette contribution à été ainsi divifée pår plufiears motifs. Le principal, c'eft de la faire tomber, autant qu'il eft poffible, fur tous les genres de richelle et de facultés. L'avare et l'égoïfte s'étudient fans ceffe à efquiver l'impôt; il faut que l'impôt s'étudie à les atteindre.

Assiette de la contribution mobiliaire.

Tous les habitans d'un lieu feront leur déclaration à leur municipalité. Ont-ils les facultés de citoyen actif? Leurs domefliques, leurs chevaux, leur loyer; le nombre de leurs enfans. Sont-ils célibataires? Sont-ils manouvriers? Sont-ils propriétaires fonciers? Enfin tous les détails relatifs aux difpofitions précédentes doivent entrer dans cette déclaration.

Elle fera vérifiée par les municipaux aidés des commiffaires adjoints nommés par eux pour l'affiette de la contribution. Ceux, après l'examen, formeront le rôle, qui contiendra, à l'article

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