Page images
PDF
EPUB

faire de M. Bonne-Savardin, l'a décrété de prise de corps, ainsi que M. de Maillebois. M. Gentil, accusé d'avoir favorisé l'évasion du premier, en présentant au geolier un ordre contrefait et en se disant aide-de-camp de M. de la Fayette, est décrété d'ajournement personnel. M. l'abbé de Barmond qui avoit favorisé la fuite du coupable, est assigné pour être ouï. Ainsi, ce complot va être éclairci, et jettera peut-être un grand jour sur tous les autres complots que la chronique a fort bien comparés à des toiles d'araignée qu'un seul coup de balai emporte.

Récit d'une aventure terrible, par un témoin oculaire.

M. d'Avéjean, ci-devant gentilhomme d'Uzès, et baron des anciens états du Languedoc, avoit épousé', par inclination, Mlie de Sauve, et demeuroit à Sauve mème chez son beau-père et sa belle-mère, dont sa femme étoit la fille unique. Cet homme, d'un caractère violent et passionné, se prit de dispute avec le vicaire du lieu qui alloit familièrement au château, et les choses furent poussées si loin qu'il pria son beau-père de ne plus recevoir ce vicaire chez lui. On fit peu d'attention à une demande injuste ; et l'ecclésiastique étant revenu le lendemain, M. d'Avéjean se jeta sur lui. le battit, le blessa. Les paysans de Sauve, indignés d'un tel emportement, menaçoient de venger leur vicaire : M. et Mde de Sauve partirent pour Montpellier, et leur gendre pour sa terre avec sa femme et une amie qu'elle amena. Quelques jours après Mde d'Avéjean, femme intéressante par sa figure, par sa jeunesse et par son état (car elle étoit grosse), mourut presque subitement dans des convulsions qui étoient une suite des frayeurs que lui avoit causé l'emportement de son mari. Celuici qui, au milieu de ses furies, idolâtroit sa femme, tomba dans un désespoir et un délire qui rendent croyable tout ce qu'on lit dans les romans. Il ne voulut jamais sortir de la chambre où elle venoit d'expirer : collé contre son cadavre, qu'il tenoit embrassé, il resta dans cette situation horrible près de cinq heures. Enfin, on vient l'avertir que tout est prêt pour le convoi : à

cette nouvelle il s'élance sur son épée, se perce le cœur, et va tomber mort sur le cadavre qu'il embrasse encore et qu'il inonde de son sang. Quelle scène affreuse! et quelle leçon pour les hommes d'un caractère violent! Je n'ai pas manqué; dit le témoin occulaire qui raconte ce fait, de le faire remarquer à mon fils, et ce spectacle l'a rendu plus doux, quand il dispute avec ses camarades.

Le bonheur, chose si rare, habitoit ce château. Une dispute survient, l'orgueil se montre : la haine s'allume. toute une famille heureuse est dispersée, écrasée, anéantie misérables mortels! pourquoi cette rage dans vos disputes? est-ce bien l'amour de la vérité qui vous rend ennemis de vos semblables? Songez que les opinions sont libres; songez que chacun doit ménager celles d'autrui ; songez que l'amour-propre et la raison défendent également les injures. Un ancien sage disoit : n'attisons pas le feu avec une épée.

On s'abonne a Paris chez DESENNE, Libraire au Palais-Royal; et en Province, chez les principaux Libraires et chez les Directeurs de la Poste, pour 7 liv. 4 sols par an ; l'abonnement ne peut être moins d'une année. On prévient les Souscripteurs qu'il faut affranchir les lettres et le port de l'argent; et on les prie de vouloir bien circonstancier l'adresse de chaque Village, pour éviter la ressemblance des noms.

Messieurs les Souscripteurs qui auront des réclamations à faire sont priés d'indiquer avec précision le numéro qui se trouve sur leur adresse.

Expérience sur le Bled.

Le sol de la Sicile est singulièrement fertile en grains de toute espèce. On y sème et on y récolte deux fois par an. C'est un beau privilége que la nature accorde à ce pays, regardé autrefois comme le pays natal de l'agriculture. Les anciens croyoient que cet art divin avoit été enseigné par une reine de Sicile, nommée Cérès, et ils en firent la déesse des moissons. Si l'on peut excuser quelqu'idolâtrie, c'est assurément celle-là: car le pain est le bienfait du ciel et le miracle de la terre. Les laboureurs Siciliens paroissent donc les favoris de l'un et de l'autre. Ils vivent néanmoins dans une extrême indigence. La servitude où ils sont réduits. entretient leur pauvreté et leur paresse, deux choses qui vont toujours ensemble. Depuis quelques années ils ont gagné un peu * de liberté et un peu d'industrie, grace à M. de Caraccioli, qui étoit leur vice-roi, et un homme excellent. Il avoit été auparavant ambassadeur de France et l'ami intime de M. Necker. J'étois en correspondance de lettres avec lui. Je lui demandois dans une de mes lettres de vouloir bien m'expliquer la manière dont on gardoit le bled en Sicile: car je savois qu'il ne s'y gâtoit. jamais. M. Caraccioli m'écrivit ce détail :

"Nos laboureurs n'ont pas grand peine à conserver " leur bled; l'air de la Sicile semble le conserver pour "eux. Quelques-uns dependant y veillent avec soin.

[ocr errors]

Après la moisson ils battent les épis, non dans une grange, mais en plein air, et sur une place étendue » qu'ils ont auprès de leur ferme : battu et vané plu"sieurs fois, le bled est déposé dans des greniers obscurs, mais où l'air passe et circule librement par

de

" petites fenêtres étroites et longues, grillées de ficelles qui en défendent l'entrée aux moineaux. Il est rare

[ocr errors]

que la fermentation et les charensons se mettent dans " ces greniers parfaitement secs et aërés. Un fermier, " voisin du volcan de l'Etna, ( montagne célèbre de la Sicile, qui jette du feu )`'avoit essayé une méthode encore plus sûre; il enfermoit son bled dans un caveau ,, creusé dans le roc: cette méthode est infaillible; mais , n'est praticable que dans les pays de montagnes. Un de mes propres fermiers a fait par hazard une découverte en ce genre; il avoit acheté un ancien four ›, bannal. Après une récolte abondante, se voyant plus de bled que de greniers, il enferma le surplus des grains dans ce four qu'il boucha complettement. Six " ans après, le bled lui manquant, il se souvint du four, ,, le déboucha, et y trouva sa provision conservée de

[ocr errors]

manière qu'il n'y avoit pas un grain de perdu. L'air ,, humide qui s'échauffe dans un lieu renfermé, voilà le " père des charensons, voilà le gâteur du bled. Il faut ,, aux grains, ou un passage continuel de l'air, ou point ,, d'air du tout".

Livres nouveaux relatifs aux campagnes.

La déclaration des droits de l'homme et du citoyen, mise à la portée de tout le monde, et comparée avec les vrais principes de toute société; par M. Charles Morel, imprimée chez Baudouin, imprimeur de l'assemblée nationale. C'est un excellent ouvrage, qui part d'un excellent principe, que l'auteur a mis à la tête de son livre: Plus les hommes sont éclairés plus ils sont soumis aux lois.

,

On s'abonne à Paris, chez DESENNE, Libraire au Palais-Royal, moyennant 7 liv. 4 sols par an.

ANNÉE

DE LA

FEUILLE VILLAGEOISE.

QUATRIEME SEMAINE.

Jeudi 21 Octobre 1790.

Suite de la Géographie universelle.

[ocr errors]

LES habitans de la Suisse, dont nous avons donné une idée superficielle, mériteroient un portrait plus étendu et plus accompli. Mais nos bons villageois, qui leur ressemblent par la simplicité et par le bon sens, se contenteront de les connoître par ces qualités-là. Nous devons cependant dire un mot sur une vertu, qui est toute neuve parmi nous, et qui est depuis long-temps dans le cœur de ces estimables et braves montagnards. C'est cet amour pour leur pays natal, qui ne les abandonne en aucun pays du monde, qui les attache, de loin, comme de près, à leurs rochers sauvages, à leurs mours rustiques à leurs lois maternelles. C'est cet instinct qui les rappelle chez eux des régions les plus éloignées, qui dans cet éloignement les fait quel quefois tomber malades, et mourir de regret et de mélancolie. La douce égalité, l'union inaltérable, au milieu de laquelle ils ont été nourris dès le berceau, a laissé dans leur ame une impression que rien ne peut détruire, Il leur en tevient sans cesse un

[ocr errors]
« PreviousContinue »